David Bowie – 1999/10/14 – Paris l’Elysée Montmartre

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Mercredi, la rumeur enfle dans Paris : David Bowie en concert à l’Élysée Montmartre jeudi 14. Seules 700 places sont à vendre. La bagarre sera rude…

Jeudi soir, dans l’attente du Thursday’s child, bracelets oranges et bracelets jaunes distinguent les invités des fans qui ont consenti à cinq heures d’attente au petit matin devant les guichets du boulevard Montmartre pour obtenir le sésame.

Bowie entre en scène avec Mike Garson, son pianiste d’antan, et chante Life on mars, très simplement et sans fioritures, comme le sera l’ambiance tout au long de ce concert. Il est vêtu d’un pantalon de nylon marron et d’un polo turquoise dont les manches longues se terminent en mitaines. Ses cheveux longs et châtains lui tombent en mèches sur les épaules. Très détendu il rit beaucoup. Il nous annonce que ce concert est un peu une répétition publique. Un chevalet est posé à coté de son micro, s’il tourne les pages de ses partitions consciencieusement entre chaque morceau, il ne les consulte pas pendant. Comme répétition, on a vu plus improvisé !

Les musiciens montent en scène après ce rappel du passé : Page Hamilton, le guitariste et leader du groupe Helmet, Gail-Ann Dorsey et son crâne rasé à la basse, Sterling Campbell à la batterie et Mark Plati comme guitariste rythmique, plus deux choristes pas très utiles. On regrette l’absence de Reeves Gabrels qui a co-écrit tout le dernier disque, pour cause de fâcherie semble-t-il !

Et l’on rentre dans le vif du sujet avec Thursday’s child et Something in the air, les deux premières chansons du nouvel album Hours…, presque fredonnées. C’est un retour nostalgique et parfois angoissé sur la vie qui s’est déroulée et sur le passé qui s’éloigne. Et quand la seule chose qui justifie et fait accepter ce passé c’est l’Aimée dont on a brisé l’amour en se demandant encore pourquoi, alors il faut survivre. Et Bowie enchaîne le si déchirant Survive.

Nouveau flash-back avec un China girl extatique et très dur, bass prédominante et rythme effréné. Des retours sur image qui font vibrer les bracelets jaunes : Driving saturday, Changes, Always crashing in the car, Repetition, Word on a wing et même son premier enregistrement Can’t help thinking about me.

On craignait un concert promotionnel centré sur Hours…, nous aurons un brillant résumé d’un parcours musical unique peuplé de visions fantasmagoriques. Les extravagances d’antan ne sont plus de mise. Bowie est apaisé et élégant, et cela suffit à nous consumer de bonheur. Il est heureux sur scène et la sérénité inonde ses gestes. Bowie sourit et reste souverain même en nous déclinant ses amertumes de quinqua.

Le rappel commencé par Seven (I got seven days to live my life/or seven ways to die) se termine par Rebel Rebel. Mais la rébellion n’est plus de son fait, il est maintenant le Maître du monde. Tel Orphée sublime et décadent dont le chant a charmé les Dieux et les mortels pour tenter de sauver Eurydice, il parcourt le système solaire où il a propulsé Major Tom dans l’orbite de nos rêves schizophréniques avant de nous révéler, vingt ans plus tard, que le Major était un junky.

Histrion démoniaque grimé de Ziggy Stardust en Scary monster, il nous a emmené aussi loin que possible dans ses mythes planétaires. Il nous accompagne de nouveau sur ce parcours initiatique pour tenter d’oublier qu’Orphée a perdu Eurydice et terminé sa vie désespéré et solitaire.

Maintenant que Ziggy et le Thin white duke voguent à jamais dans les poussières d’étoile de l’espace intergalactique, David Bowie explore la planète Internet depuis sa maison des Bahamas qu’il partage avec Iman. Du rêve de l’âge lunaire au pouvoir du silicium, le héraut britannique continue à tisser sa toile de modernité sur BowieNet.

Le problème avec un tel artiste c’est que l’on se sent bien peu de chose sur la Terre face à ce géant. Mais heureusement nous savons maintenant qu’il y a la vie sur Mars.

Vendredi, les bracelets jaunes sont encore en transe pendant que les bracelets oranges qui ont suivi la star pour une soirée privée au Man Ray transpirent sur leurs copies. La presse du jour étale déjà leurs chroniques désabusées où, à défaut de pouvoir critiquer ce concert au-delà du sublime, ils en tancent les buts soit disant commerciaux. Bref, les pisse copies dégorgent leurs désillusions mondaines mais les fans savent qu’ils ont croisé Bowie pour une nouvelle étape de sa création, plus introspective mais toujours flamboyante.