Portishead – 2008/05/06 – Paris le Zénith

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C’est le deuxième et dernier concert des Portishead au Zénith ce soir. Ils étaient attendus comme le Messie depuis bientôt dix années. La planète parisienne hip-hop était fébrile ces dernières semaines à l’idée de ces retrouvailles, après avoir découvert Third, leur troisième et dernier disque, quelques jours auparavant.

Kling Klang, un groupe de chevelus écossais fait la première partie avec un déchaînement de claviers, guitares et d’électronique. Plutôt étrange et dissonant, mais intéressant.

Puis Portishead débarque sur une scène sobre, avec trois écrans tendus au fond qui passeront les musiciens en rendu kaléidoscopique, principalement Beth accrochée à son micro, tel un oiseau à sa branche, avec en alternance les images grises des différentes noirceurs du Monde.

Sur scène le trio historique est accompagné de trois musiciens supplémentaires qui s’installent derrière Adrien Utley, embonpoint et guitares, et Geoff Barrow & platines. A peine les lumières éteintes ils déplient le tapis scintillant de l’intro brésilienne de Silence pendant que Beth, toute de noir vêtue, entre en scène. Elle tourne d’abord le dos au public, face à la batterie, en une attitude qu’elle reprendra souvent lorsque les chants lui en laissent le loisir. Puis, enfin, face à nous entame de sa voix douce : Tempted in our minds/ Tormented inside lie/ Wounded, I’m afraid/ Inside my head/ Falling through changes/ Did you know when you lost/ Did you know when I wanted/ Did you know what I lost/ Do you know what I wanted.

Immédiatement et définitivement le Zénith tombe sous le charme étrange de cette femme que l’on imagine fragile et dont la voix gracile (mixée un peu faiblement au début du concert) monte vers le ciel avec un vibrato si particulier. L’atmosphère dans la salle est à la ferveur religieuse et chacun se laisse imprégner de ces notes mélancoliques posées sur le beat trip hop qui a fait la célébrité de Bristol, la ville qu’ils partagent avec les Massive Attack. Il émane de cette chanteuse un magnétisme qui s’insinue au plus profond de votre âme et donne le sentiment de recevoir en direct toute l’émotion qui exsude de son être : Wild, white horses/ They will take me away/ And the tenderness I feel/ Will send the dark underneath/ Will I follow.

Telle la photo verdâtre d’une forêt d’antennes qui illustre l’intérieur de la couverture de Third, le groupe lâche dans l’espace les ondes mystérieuses d’une musique à la modernité assumée. Un déroulé de leurs trois disques nous est offert, d’une égale qualité.

Beth est à l’aise dans la tempête des mots et la houle démoniaque du rythme. Telle le Goéland, elle nous enlace dans ses ailes froides pour nous accompagner dans l’œil du cyclone d’une musique que ses comparses mettent un point d’honneur à jouer hypnotique à grand renfort de guitares grinçantes et de computers créatifs, comme pour rendre son phrasé encore plus subtil et sa présence toujours plus évanescente.

Fasciné par cette personnalité aussi immobile que captivante, on se laisse flotter sur l’écume de la haute mer d’un trip hop qui atteint là des sommets de perfection. Après 90 mn d’harmonies en mode nostalgique, envahis d’une torpeur grisante, on ne sait trop s’il s’agit de tristesse ou simplement d’une alchimie artistique qui tape au cœur de nos sentiments. On hésite à se sentir déprimés mais on voit Beth, hilare, descendre dans la fosse aux fans et l’on se souvient que tout ceci n’est qu’un moment de musique exceptionnel qui se termine en apothéose sur We Carry On.

Set list : Silence/ Hunter/ Mysterons/ The Rip/ Glory Box/ Numb/ Magic Doors/ Wandering Star/ Machine Gun/ Over/ Sour Times/ Nylon Smile/ Cowboys Encore : Threads/ Roads/ We Carry On