Le syndrome français de retour

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L’économie numérique présente bien des inconvénients et quelques dommages collatéraux. Elle offre notamment la possibilité aux râleurs nationaux de déverser leurs incohérences, voire leur bile, sur leur compatriotes. Nombre de sites internet se sont développés pour héberger les pétitions des français en colère. Sur https://www.change.org/ on trouve tout et n’importe quoi, de la pétition pour autoriser le don de sang des homosexuels à celle contre le taux de TVA sur les protections féminines, en passant par celle qui nous occupe aujourd’hui sur les deux orchestres classiques émargeant sur le budget de Radio France.

La radio publique française est en grève depuis plusieurs semaines. Elle n’a plus assez de ressources pour financer ses prestations qui sont pourtant de qualité. Ses ressources viennent de la redevance audiovisuelle et de dotations budgétaires, bref, de la poche des contribuables. Il va falloir restructure Radio-France, c’est-à-dire ajuster les dépenses et les recettes, comme pour le reste de la République, comme à la maison, comme en entreprise. C’est la vie.

Mais bien entendu le syndrome français du découplage entre recettes et dépenses se manifeste une nouvelle fois : les contribuables qui veulent une baisse de leurs impôts veulent en même temps que l’Etat soutienne Radio France, en gros augmente ses subventions. Il se trouve que cette radio publique finance deux orchestres classiques, un chœur et une maîtrise. L’un des points étudiés pour la restructuration était de fusionner les deux orchestres. Ce n’est pas plus idiot qu’autre chose et pourrait aider à redresser la barre. Est-ce mieux d’avoir deux orchestres qu’un seul ? Sans doute, mais lorsqu’il n’y a plus de sous il faut faire des choix, comme à la maison.

Alors les citoyens découplés crient au scandale et pétitionnent à qui mieux mieux expliquant que ces deux formations musicales sont vitales pour la survie de Radio France : …une richesse unique au monde, qu’aucune autre radio ne peut se targuer d’abriter… Les mêmes contestent sans doute par ailleurs les impôts qu’ils payent. C’est la plaie de la France : les libéraux de salons, les chicago-boys de la rive gauche, les capitalistes de circonstances…

  • Je suis libéral mais comment, l’Etat envisagerait de ne plus financer deux orchestres chez Radio France, c’est un scandale ?
  • Je suis libéral mais comment, l’Etat envisage de laisser les sociétés d’autoroute augmenter les tarifs de péage et faire des profits, c’est un scandale ?
  • Je suis libéral mais comment, l’Etat vend ses parts dans l’aéroport de Toulouse, c’est un scandale ?
  • Je suis libéral mais comment, mon rejeton doit payer des droits d’entrée à l’université, c’est un scandale ?
  • Etc. etc.

Tous ces citoyens ressassant les éditoriaux de Guillaume Roquette (le patron du FigMag) adhèrent au libéralisme mais à conditions que ses effets se fassent sentir uniquement chez leurs voisins, pas dans leurs jardins. C’est un des problèmes gaulois qui nuit à l’unité nationale qui serait pourtant nécessaire en ces périodes de crise financière et politique.

La pétition des citoyens déphasés :

Monsieur le Premier Ministre, Madame la Ministre,

Depuis quelques semaines Radio France est secouée par une grève sans précédent. Les formations musicales de cette maison ne cessent d’être la cible d’attaques récurrentes qui menacent leur existence même. L’Orchestre National de France et l’Orchestre Philharmonique de Radio France sont pointés du doigt. Depuis l’origine les chefs les plus prestigieux dirigent ces formations. Le niveau et la réputation internationale de ces orchestres sont un atout majeur dans le rayonnement de Radio France, dont la vocation de service public, rappelons-le, est d’informer, d’éduquer, de divertir. En association avec les antennes qui se font l’écho de leur travail, les formations musicales participent avec ferveur à cette mission avec des programmes audacieux, soutenant la création, les jeunes talents, et les projets pédagogiques. Les formations musicales de Radio France (les deux orchestres, le chœur et la maîtrise) ont des identités fortes : c’est une richesse unique au monde, qu’aucune autre radio ne peut se targuer d’abriter. C’est cette richesse dont on veut priver aujourd’hui Radio France, ses antennes et ses auditeurs. Ces formations reflètent par ailleurs toutes les valeurs que nos politiques veulent défendre, à raison : la Culture contre la barbarie, l’exception française, la jeunesse (avec le recrutement de musiciens issus des conservatoires supérieurs et la formation grâce au travail de la maîtrise), la parité hommes-femmes que beaucoup d’entreprises devraient nous envier. Pour honorer ces missions et ces valeurs, les formations musicales ne représentent que 6% du budget global de Radio France. La menace qui pèse sur elles, au nom d’une logique de rentabilité absurde, est la preuve du désengagement de l’état. Le paysage musical français se désertifie peu à peu… Les conservatoires, les festivals, les orchestres sont mis à mal partout en France… A l’heure où l’actualité nous livre les dérives de l’ignorance, dans une brutalité et une intolérance grandissantes, nos dirigeants doivent prendre conscience de la nécessité de PROTEGER et de COMMUNIQUER LE SAVOIR et la CULTURE qui en sont les remparts. Alors que la réouverture de Radio France au public vient de révéler les qualités et le potentiel d’un nouvel auditorium, nous réclamons une politique artistique digne du service public, et qui préserve l’avenir des formations en son sein.

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