Les caravanes passent…

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L’Amérique latine connaît elle-aussi ses flux de migrants quittant des pays pauvres (Honduras, Guatemala et autres confettis d’Amérique centrale) pour espérer rentrer aux Etats-Unis d’Amérique, pays riche. Depuis quelques semaines ils ont monté des « caravanes »de plusieurs milliers de personnes remontant à pieds vers le Nord dans l’espoir de forcer la frontière américaine. Les dangers sont moindres que pour les migrants tentant de traverser la Méditerranée pour rentrer en Europe mais ils ne sont pas absents. Les membres de ces caravanes se font copieusement piller et racketter par les citoyens des pays qu’ils traversent et les femmes sont souvent forcées de délivrer des « services sexuels » pour poursuivre leur route. C’est un peu comme Mme. Michu à Paris qui en 1940 dénonçait son voisin juif pour pouvoir s’approprier son commerce ; pas très brillant mais ainsi va la condition humaine.

Evidemment, tout ceci est du pain-béni pour les conservateurs américains qui communiquent sur le grand-remplacement avec la subtilité d’un Eric Zemmour sur un plateau télé de variétés. En période d’élections législatives pour le renouvellement du sénat et de la chambre des représentants, la Mme. Michu de l’Amérique profonde vote pour le parti républicain avec détermination d’autant plus que le président annonce l’envoi de l’armée pour renforcer la frontière avec le Mexique et annonce qu’elle pourrait faire feu si les migrants montrent de l’agressivité. Zemmour va demander l’asile au Texas…

En réalité les pays riches sont confrontés à l’exigence d’accès à leurs territoires toujours plus forte venant des pays pauvres. Si l’on exclut le cas des réfugiés répondant à une autre logique, il y a dix ou vingt ans les travailleurs maliens rentraient en France de façon illégale mais discrète et espéraient qu’au bout du compte ils pourraient régulariser leurs situations, ce qui était souvent le cas. Il en allait de même pour les « latinos » pénétrant illégalement aux Etats-Unis. Aujourd’hui les flux des pays les moins avancés vers les pays riches, émigrant pour améliorer leur situation économique, ne semblent pas beaucoup plus importants en nombre de personnes qu’il y a vingt ans mais la revendication est désormais tonitruante. L’entrée sur le territoire riche est quasiment considérée comme un droit, consciemment ou pas, peut-être comme une compensation à l’inégalité frappante et croissante des niveaux de richesse respectifs. L’une des causes de cette inégalité est locale mais la politique des Etats-Unis n’est pas exempte de tout reproche à cet égard. On pourrait d’ailleurs en dire largement autant de la responsabilité passée de la France dans la gestion des pays africains de départ.

Le cas du Honduras est caractéristique, rongé par la corruption, la mauvaise gouvernance, le trafic de drogue de mafias barbares, il fut aussi un proconsulat de la politique américaine de lutte contre le communisme dans les années 70/80’ laissant des ravages profonds dans le système politique de ce pays. Alors ses citoyens s’estiment en droit d’émigrer aux Etats-Unis sans suivre la voie légale qui leur serait de toute façon refusée. C’est une espèce de migration pour solde de tout compte…

Le problème est que cetteexigence se heurte à la zemourisation des élites de nombre des pays riches dont les électeurs ne voient pas pourquoi ils devraient partager leur niveau de vie avec des va-nu-pieds. C’est une vielle histoire et les dirigeants démocratiquement élus sont bien obligés de prendre en compte aussi les revendications de Mme. Michu, qu’elle habite le Minnesota ou Nice. Le chemin est étroit entre l’action intelligente et le populisme. Il n’y a pas de réponse évidente une fois que l’on a dit qu’il faudrait favoriser le développement économique des pays de départ pour que leurs citoyens n’aient pas le besoin de les fuir…Quel que soit le jugement moral que l’on porte sur la légitimité de ces flux de migration économique il est maintenant incontestable qu’ils gangrènent le débat politique dans les pays riches et font évoluer progressivement les démocraties vers le bord du gouffre. On ne sait pas encore qui sera gagnant à la fin de la partie, sans doute pas la Raison.