Sally Man au musée du Jeu de Paume

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Sally Man (née en 1951) est une photographe américaine née en Virginie dont l’œuvre est hantée par l’Histoire tragique de son pays, de la guerre de sécession à l’esclavage en passant par l’émancipation des populations noires au XXème siècle. L’Etat de Virginie où elle est née fut pionnier de l’indépendance américaine au XVIIIème mais également, plus tard, un Etat confédéré au XIXème, partisan de l’esclavagisme et qui abrita même à Richmond la capitale des Confédérés.

La photographe est partie sur les traces des champs de bataille de la guerre civile en prenant des photos en noir-et-blanc, étranges saisies avec un procédé particulier dit « collodion » donnant un rendu imparfait, très sombre et un peu flou, laissant le spectateur composer lui-même ce qu’il veut voir derrière le tirage.

Une série très émouvante est également consacrée à « Gee-Gee », la nounou noire de la famille, qui a élevé Sally, puis ses enfants, prodiguant à ces deux générations un extraordinaire amour maternel. Ces photos, ainsi qu’une vidéo de commentaires, marquent les ambiguïtés de ces familles américaines pour l’émancipation des populations afro-américaines mais continuant à employer des nounous issues de celles-ci. Sur la vidéo les petites-filles de Gee-Gee racontent à Sally comment leur grand-mère partageait sa vie entre les Man à qui elle vouait un véritable amour, et sa vraie famille. Tout était doublé comme ces deux Noëls qu’elle fêtait pour partager avec ses deux « familles », ou le mariage de sa petite-fille qu’il fallut organiser à 7h du matin car se déroulant le même jour que celui de Sally à midi et que Gee-Gee n’aurait manqué pour rien au monde.

La série sur sa famille est encore plus touchante et lui fut d’ailleurs reprochée tant les corps de ses trois enfants, souvent nus, sont mis en scène. Toutes ces photos sont prises au cœur une nature profonde et foisonnante, en noir-et-blanc pour la plupart, montrant le temps qui passe inexorablement en tuant cette innocence rendue de façon si bouleversante dans ces clichés. La mort est au bout du chemin, une photo de son mari atteint d’une maladie musculaire dégénérative nous le rappelle, son fils Emmet s’est donné la mort récemment pour en finir avec la schizophrénie dont il souffrait (cet évènement n’est pas abordé dans l’exposition), mais la fin n’est qu’évoquée à travers cette profonde méditation dans laquelle nous plonge l’œuvre de cette photographe d’exception.