Les évêques français s’insinuent dans l’année électorale qui va bientôt s’ouvrir en 2017. Ils ont publié en octobre 2016 une lettre intitulée « Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique ». Le texte semble généreux et humain comme on peut l’attendre de ses auteurs, ce qui ne semble pas satisfaire la presse conservatrice dont Yves de Kerdrel, chefaillon à l’hebdomadaire Valeurs Actuelles, écrit les lignes suivantes :
L’un des sept chapitres de cette lettre que Mgr Gaillot aurait pu signer est consacré aux migrants. Un sujet que l’on sait cher au souverain pontife et sur lequel il n’est pas suivi par l’ensemble de son troupeau. Le problème, c’est que là où l’Évangile nous dit de faire notre devoir de chrétien, les évêques de France font de la surenchère stupide. D’une part, ils demandent que ces réfugiés soient reçus en France dans des conditions économiques humaines. Comme si nous avions les moyens d’accueillir toute la misère du monde alors que nous ne savons même pas gérer notre quart-monde, nos déclassés et tous nos exclus. D’autre part, ils nous expliquent, sûrement en “experts”, que « la seule recherche de solutions économiques est vouée à l’échec si rien n’est entrepris pour la promotion culturelle, promotion d’une culture enracinée, qui donne ou redonne le sens d’une vie collective nationale ». Comment ne pas lire là la promotion d’un multiculturalisme qui a échoué partout, la négation de notre identité et l’abandon de nos traditions pour un melting-pot au goût de soupe culturelle. D’ailleurs, dans un autre paragraphe, nos chers évêques passent par pertes et profits les racines chrétiennes de la France « fille aînée de l’Église », préférant évoquer le « fait religieux » comme on dit dans les think tanks à la mode.
Mais le “clou” de ce tract hors-sol est le passage sur la solidarité. Après avoir fait un constat digne de Piketty sur la montée des inégalités, les successeurs des apôtres font part de leur inquiétude face au retour d’un « libéralisme sans contrôle » et sur la sauvegarde de notre modèle social. Une manière d’attaquer — en creux — les programmes des différents candidats de droite. Une manière aussi de donner raison à tous ceux qui souhaitent le statu quo, oubliant que l’assurance chômage fait face à un déficit record et que la dette de la Sécurité sociale sera encore payée, dans vingt ans, par nos enfants ou petits-enfants. C’est une fâcheuse habitude de la part de nos évêques que de parler pour ne rien dire d’intelligent qui concerne le débat public. Déjà, en 1973, ils avaient cru bon de s’indigner de la dissuasion nucléaire mise en place pour assurer notre défense et notre sécurité. À l’époque, l’amiral de Joybert leur avait rétorqué un fameux : « Messieurs de la prêtrise, occupez-vous de vos oignons. » Tout change donc, mais tout reste, hélas, pareil.
Evidemment, l’empathie naturelle des religieux pour leurs prochains se heurte à l’individualisme forcené de l’économie de marché que défend Valeurs Actuelles. Monsieur de Kerdrel, comme bien d’autres, doit gérer ses penchants pour les « racines chrétiennes » tout en vantant les bienfaits du marché dont, le moins que l’on puisse dire, est qu’il est plus sensible au profit qu’à l’âme humaine.
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