Sortie : 2021, Chez : Denoël.
Claire Oppert, née en 1966, est une violoncelliste diplômée du conservatoire Tchaïkovski de Moscou. En parallèle à sa carrière de concertiste elle consacre son talent et sa passion aux malades, particulièrement ceux en fin de vie. Diplômée en philosophie et en art-thérapie elle confronte la musique qu’elle joue à des autistes en institution, des seniors dans un établissement pour personnes âgées dépendantes et dans un hôpital de soins palliatifs. Elle est même salariée de ce dernier établissement dans lequel elle participe un jour par semaine à un essai clinique sur les effets de la musique sur la souffrance. L’essai est baptisé le « pansement Schubert » car elle a maintes fois constaté le caractère apaisant sur les patients de l’andante du célèbre trio opus 100 du compositeur.
Dans ce livre-récit Claire raconte ses extraordinaires expériences durant lesquelles elle cherche à accompagner en douceur et en élévation les douleurs et l’approche de l’échéance finale de personnes maltraitées par la maladie. Ce sont une trentaine de courts chapitres, d’une page ou deux, pour chaque moment musical partagé avec un patient. Chacun de ces chapitres est précédé d’une page ou deux consacrées à la mise en contexte au début du livre, puis à des réflexions existentielles et poétiques sur la musique, la vie et la mort.
« La musique est voix.
La mort à venir est une source d’effroi qui ne sait se dire.
La voix du violoncelle tente de délier l’étau du silence.
Elle convie une communauté d’émotions et un partage,
En dépit des peurs terrifiantes,
Des désordres du cœur,
Des éclats de rage.
La voix du violoncelle lutte à sa façon contre la désertion suprême.
Elle atteste la possibilité de l’abandon d’une maîtrise.
Elle relie les êtres en présence
Au lit du mourant. »
Claire Oppert exprime avec beaucoup de sensibilité les angoisses qui, on l’imagine, traversent ces patients s’acheminant vers une mort certaine à court terme et, le plus souvent, douloureuse. Elle constate les effets « relaxant » des notes qu’elle joue mais, réaliste, mesure aussi combien il est délicat de valider ceux-ci de façon scientifique. Il semble, on dirait, peut-être… que les malades souffrent moins en entendant Schubert, même lorsqu’ils sont déjà plongés dans le coma. Les équipes soignantes partagent aussi cette hypothèse, mais qui sait ce qu’il se passe vraiment lorsqu’il s’agit de quitter la vie ? On veut croire avec Claire Oppert que la musique adoucit le passage vers la mort.
Elle exprime également la joie qu’elle ressent en partageant sa musique dans ces conditions avec une audience différente de celle à laquelle son art la destine. La fréquentation continue de ce monde la mort donne à ceux qui la partage une hauteur de vue souvent exceptionnelle. Claire Oppert est de ceux-là. On croise aussi dans ce livre les équipes médicales admirables qui entourent les patients, dont l’excellent docteur Gomas, patron du centre de soins palliatifs de Sainte Perine, qui a intégré le violoncelle dans ses protocoles de soins et Claire dans ses équipes. Comme il est rassurant pour les vivants de savoir que de telles personnalités se consacrent avec passion à accompagner les mourants !