Buddy Guy, musicien américain né en Louisiane en 1936, émigré à Chicago, légende du blues et de la guitare, 87 ans, passe à l’Olympia ce soir dans le cadre de son « DAMN RIGHT FAREWELL TOUR », à ne surtout pas manquer ! Père d’une discographie impressionnante, 50 opus répertoriés par Wikipédia, dont le premier date de 1967 et le dernier de 2022, l’artiste est toujours productif même si le titre de cette tournée semble indiquer que l’on s’achemine doucement vers une fin…
Buddy entre, habillé d’une resplendissante chemise à poids et d’une casquette grise, sa guitare crème en bandoulière. Il est accompagné d’un guitariste (Ric “Jaz” Hall) et d’un bassiste (Orlando Wright) qui pourraient être ses enfants, d’un batteur aux cheveux gris (Tom Hambridge) et d’un jeune claviériste (Dan Souvigny), tous deux blancs, qui ont d’ailleurs assuré la première partie.
Le bonhomme déclenche son petit succès lorsqu’il apparaît, auréolé de sa légende du blues. C’est le dernier des survivants de tous ces guitaristes que l’on croirait sortis d’un champ de coton de la guerre de Sécession dans l’Alabama. John Lee Hooker, Muddy Waters, B.B. King, Albert King… tous partis. Alors ce soir Buddy Guy est un peu le dernier des mohicans, rôle qu’il assure avec aisance. Bavard comme une pie, malicieux avec son public, il mime les gestes de l’amour avec son bassin contre sa guitare sur She’s Nineteen Years Old, il pose celle-ci à plat sur une enceinte pour en jouer avec une baguette de tambour… mais le meilleur est quand il en joue normalement et là, c’est un déchaînement de virtuosité mêlé de sensibilité. On y retrouve ces années de blues où cette musique était écrite et jouée comme sa vie en dépendait. Mais Buddy Guy ne s’est jamais départi de son bonheur de vivre en trimballant sa guitare sur les scènes du monde entier même si pour les musiciens de sa génération la guitare et le blues étaient aussi, et surtout, des alternatives à la lutte pour les droits civiques dont les résultats furent des plus modestes au siècle dernier.
Ce soir il interprète plus de reprises que de chansons originales, hommage à ses pairs, tous ces blueseux qui parcourent l’Amérique avec leur guitare pour s’extraire de leur condition misérable et, au passage, défendre l’émancipation des noirs dans leur pays. Cet extraordinaire sens musical leur a amené la reconnaissance et quand on voit leur influence sur le rock depuis des décennies on comprend la puissance de cette musique et l’incroyable talent de ceux qui l’ont créée et fait prospérer à travers les décennies. Il a joué avec les plus grands : Janis Joplin, The Grateful Dead, Eric Clapton, les Rolling Stones… Il a inspiré tant de groupes de rock et de guitaristes que l’on peinerait à les énumérer tous.
Entre deux pitreries il redevient sérieux en évoquant les conditions de son enfance miséreuse en Louisiane, interpellant les premiers rangs d’un « vous ne savez sans doute même pas où est la Louisiane ! ».
Mais il revient toujours à la musique et enchante l’assemblée lorsqu’il décline des solos avec une incroyable facilité. Et, lorsqu’il laisse la scène à son jeunot de guitariste, celui-ci développe une incroyable virtuosité, presqu’à l’égal de son Maître au meilleur de sa forme. Clou du spectacle : au terme d’une de ses envolées magiques, Ric « Jaz » fait tournoyer sa guitare comme une hélice de moulin ; elle est manifestement fixée sur un pivot accroché à sa bandoulière… Succès garanti !
Après avoir convoqué et joué tous ses grands anciens, Buddy tire sa révérence sur I Let My Guitar Do the Talking, le premier titre de son dernier disque de 2022 :
I left Louisiana
Some 60 years ago
Bought me a one way ticket
To sweet home Chicago
When I lost my way
My fingers did the walking
I don’t say too much
I let my guitar do the talking
Il quitte la scène un peu brusquement, signe quelques autographes sur des vinyles tendus à bout de bras par les spectateurs des premiers rangs, distribuent ses médiators et rejoint les coulisses. Il n’y a pas de rappel mais qu’importe, nous avons communié avec l’un des derniers soldats du blues, cause qu’il défend depuis toujours avec le même talent empreint d’une joie communicative. Bravo l’artiste ! Reverra-t-on Buddy Guy sur scène ?
Dehors, une nuée de jeunes filles dorment sur le trottoir du boulevard pour être au premier rang du concert du groupe de bogoss britanniques The 1975 prévu demain. Avant-hier elles occupaient ce même trottoir pour assurer leurs places au concert de l’américaine Lana del Rey qui s’est déroulé hier. Pas sûr qu’elles connaissent Buddy Guy ?
Setlist : Damn Right, I’ve Got the Blues/ I’m Your Hoochie Coochie Man / She’s Nineteen Years Old/ I Just Want to Make Love to You (Willie Dixon cover)/ Love Her With a Feelin’ (Tampa Red cover)/ Fever (Eddie Cooley cover)/ How Blue Can You Get? (Johnny Moore’s Three Blazers cover)/ Grits Ain’t Groceries (Little Milton cover) (with snippets of « Sunshine of… more)/ Boom Boom (John Lee Hooker cover)/ Voodoo Child (Slight Return) (The Jimi Hendrix Experience cover)/ Strange Brew (Cream cover)/ Drowning on Dry Land (Albert King cover)/ Skin Deep/ I Let My Guitar Do the Talking