La « ruralité » de nouveau à l’attaque

Les agriculteurs, désormais regroupés sous le terme de « ruralité », repartent à l’assaut des villes sur leurs tracteurs comme ils l’ont fait il y a une petite année. Les motifs sont toujours globalement les mêmes et se rapportent à leurs revenus « insuffisants ». Cerise sur le gâteau, ils contestent aussi un projet de traité européen de libre-échange avec certains pays d’Amérique du Sud, dont les négociations sont en cours de finalisation. Ce traité MERCOSUR intègre des quotas de viande à importer en Europe, des flux qui risquent de concurrencer très fortement les éleveurs français. Comme toujours avec le libre-échange, c’est-à-dire la baisse ou la disparition de droits de douane, il y a des gagnants et des perdants potentiels. Les industriels européens, y compris français, devraient gagner à l’ouverture de nouveaux marchés, les éleveurs bovins pourraient y perdre. Même au sein de la « ruralité » les intérêts sont divergents : les viticulteurs et négociants d’alcool verraient également s’ouvrir de nouveaux marchés avec ce traité. En attendant ce sont les plus virulents qui s’expriment avec leurs méthodes habituelles : blocage de routes, déversement de fumier devant ou dans les bâtiments publics, brulage de vieux pneus sur l’espace public, etc. Les agriculteurs sont une corporation de qui l’Etat et la population acceptent tout. Ils représentent environ 400 000 personnes (sur 67 millions de Français) mais leur fonction de « nourrir le peuple » les met à l’abri de toute contestation de leurs méthodes de manifestation qui seraient contestées venant de toute autre corporation.

La France affiche officiellement son opposition au MERCOSUR mais il n’est pas sûr qu’elle puisse s’y opposer seule compte tenu des règles de majorité. Paris avait tout de même voté le mandat de négociation donné à la commission européenne il y a plusieurs années et qui a abouti à ce traité. Le retour du nationalisme et l’émergence du populisme dans le monde et en Europe amène à remettre en cause cette philosophie politico-économique voulant que le développement des échanges enrichit les nations et favorise leur bonne entente.

La guerre actuelle menée par la Russie contre « l’Occident collectif » dément effectivement l’élément politique de cette assertion. Après la chute de l’Union soviétique, la Fédération de Russie qui en émergea fut intégrée au G7 qui devint G8, et des investissement occidentaux assez considérables ont été réalisés dans cette fédération. Malgré tout, Moscou a privilégié sa volonté d’effacer l’Ukraine sur ses intérêts économiques, annexé la Crimée en 2014 puis déclenché la guerre d’invasion en cours en 2022.

Le développement de l’économie mondiale depuis la fin de la IIe guerre mondiale a été basé sur le développement des échanges et la répartition de la création de valeur à travers la planète, c’est ce qu’on a appelé la mondialisation. Celle-ci a montré ses avantages et ses limites. Elle est remise en cause par certains pays et partis politiques. Soit, alors il suffit de faire autrement et c’est ce que s’apprêtent à faire les Etats-Unis dont le nouveau président élu clame partout qu’il va augmenter les droits de douane de toutes les importations, et spécialement celles en provenance de Chine. On en verra le résultat dans quelques années.

Les dogmes, en économie comme ailleurs, sont faits pour être remis en cause. C’est la voie que prend actuellement le monde occidental avec le libre-échange.