Un forban centrafricain

Un consortium de journaux, dont Le Monde, coordonné par l’organisation Forbiden Stories, a identifié et interrogé un citoyen centrafricain réfugié en France, Ephrem Yalike Ngonzo, qui a révélé que les forces russes en Centrafrique l’auraient recruté et payé à partir de fin-2019 pour diffuser localement des informations plus ou moins fausses en faveur de l’intervention russe en cours dans ce pays et généralement en défaveur de la France ou des Nations-Unies. A la tête d’un média en ligne, M. Ngonzo aurait endossé le rôle de désinformateur contre rémunération. Progressivement le manipulateur aurait éprouvé quelques scrupules jusqu’à prendre peur de ses mentors russes et fuir vers la France qui, bonne mère, lui a délivré un visa.

J’ai contribué au maintien de mon pays dans le chaos… Aujourd’hui, je veux tout dénoncer pour réparer, me délivrer de ma honte et de mes regrets.

Le Monde (21/11/2024)

Il est ironique que le nom même de « Ngonzo » se rapproche de celui du journalisme dit « gonzo », un courant de la presse développé dans les années 1970, aussi qualifié « d’ultra-subjectivité » qui consiste à favoriser la fiction au détriment de l’information…

Fin 2024 M. Ngonzo raconte son « aventure » aux journaux occidentaux et se présente comme « lanceur d’alerte ». On peut penser que Forbiden Stories a mené quelques investigations pour vérifier ses dires mais qui peut vraiment savoir si M. Ngonzo n’est pas un agent triple ou quadruple ? Quel est d’ailleurs l’intérêt de ses déclarations pour la République française qui n’ignore pas depuis longtemps que l’une des spécialités de la Russie est la désinformation, en Centrafrique comme ailleurs. Alors sur quelles bases a-t-on délivré un visa à M. Ngonzo, un homme qui a nui à la France, par faiblesse ou par intérêt de la République ? Sans doute a-t-il été débriefé par les services de sécurité français qui en ont peut-être appris un peu plus sur les méthodes de leurs homologues russes ? Certainement s’il a trahi ses mentors russes ceux-ci menacent sa vie et celle de sa famille car il est plus aisé de trahir la France que la Russie

Mais le jeu en vaut-il la chandelle ? L’avenir le dira. Si un jour la République centrafricaine cherchait à retourner sa veste, lâcher la Russie et revenir vers la France, on se demande si Paris l’accueillerait avec la même complaisance que celle manifestée à M. Ngonzo ? C’est probable à l’heure où la reprise de la coopération financière est annoncée et où le président centrafricain a été reçu à l’Elysées par le président Macron le 17/04/2024.

En attendant, l’ambassadeur de France en Centrafrique introduisait son discours du 14/07/2024 par ces phrases :

Accompagné de l’ensemble de l’équipe France en République centrafricaine, je suis très heureux que nous partagions ensemble un moment de joie, de convivialité et de fraternité placé sous le signe de l’amitié entre la France et la RCA.

Je remercie très chaleureusement le chef de l’Etat qui nous fait l’honneur de rehausser cette célébration par sa présence.

Ces derniers mois ont été le théâtre d’une reprise d’un dialogue constructif entre nos pays, marqué par plusieurs rencontres entre le Président Macron et vous-même, monsieur le Président. Vos échanges ont posé les jalons d’un dialogue renouvelé entre nos deux nations, traduit dans l’endossement par les deux parties d’une feuille de route bilatérale le 17 avril dernier, à Paris.

Dans les faits, cette feuille de route trouve une première illustration concrète avec la reprise imminente de l’aide budgétaire française, d’un montant de 10 millions d’euros. 

https://cf.ambafrance.org/Discours-prononce-par-S-E-l-Ambassadeur-de

Les méandres diplomatiques sont souvent mystérieux pour les citoyens ordinaires. Le cas de la Centrafrique dépasse l’entendement !