Alors que les conservateurs français, sans doute inspirés par le courant libertarien américain, se lamentent dans les nombreux organes de presse qu’ils détiennent, ou qui leur ouvrent leurs colonnes, des « attaques contre la liberté d’expression » dont ils seraient victimes, on apprend que suite à la réattribution de la fréquence publique de la Télévision numérique terrestre (TNT) de C8 à Ouest-France TV, Cyril Hanouna, le hérault des médias du groupe Bolloré continue à diffuser son émission Touche pas à mon poste (TPMP) sur des réseaux dits « sociaux » et via diverses « box » fournies lar des opérateurs Internet. La chaîne CNEWS, autre média du groupe Bolloré, s’en félicite d’ailleurs à longueur d’antenne en ajoutant que l’audience de M. Hanouna sort d’ailleurs renforcée de cet épisode.
On se rassure donc en constatant que la « censure » de l’Etat n’empêche pas TPMP de remporter un succès d’audience sur les nouveaux canaux utilisés par l’animateur. Ce n’était donc peut-être pas peine de brailler sur partout que la « mort » de C8 est une atteinte inqualifiable à la liberté d’expression. La publicité que les spectateurs subissent désormais sur Youtube et assimilé n’est pas moins abrutissante que celle qui était diffusée par C8 sur son canal TNT. La vulgarité et la bêtise crasse de Cyril Hanouna sont toujours disponibles pour les téléspectateurs intéressés et c’est bien ainsi.
Les médias du groupe Bolloré se posent en victime de la censure d’Etat, inspirée par une idéologie « de gauche », en dépit de la réalité : la plupart des magazines d’information sont détenus par des hommes d’affaires du CAC40, et affichent une ligne éditoriale que l’on peut difficilement qualifier de bolchévique. Le quotidien Le Figaro reste l’un des grands journaux français et son propriétaire est le groupe Dassault pas non plus en faveur d’une ligne gauchisante, ce qui n’empêche pas de maintenir une équipe de journalistes compétents. Il en est de même avec les quatre chaînes d’information en continu de la TNT. Il reste quelques journaux comme Libération, toujours à gauche mais avec une très faible diffusion. L’offre des médias français est diverse, de la gauche à la droite.
Sur CNEWS, l’autre média phare du groupe Bolloré, Pascal Praud, ancien commentateur de fouteballe et animateur d’un plateau style « Café du Commerce » matin et soir réunissant un quarteron de polémistes à la retraire, affiche tous les jours son obsession contre les médias publics qui seraient « de gauche » en vivant de l’argent public et que seule CNEWS, et tout particulièrement son plateau « L’heure des pros », parlerait des sujets qui intéressent les Français.

Lesdits Français peuvent choisir librement les médias qu’ils décident de suivre. Le problème n’est pas tant les sujets abordés par les différents médias, où les tendances politiques affichées, que la manière dont ils sont traités. CNEWS et C8 prennent le parti de la courte vue et du racolage populiste de bas étage pour proférer des jugements à l’emporte-pièce, attisant la contestation systématique de toute action publique ou intellectuelle auprès de leur auditoire. Le Figaro et France-Culture optent pour l’analyse et la réflexion menées par des journalistes professionnels.
Pour élever le niveau de la France qui, rappelons-le une nouvelle fois, répertorie près de 10 millions de suiveurs sur son compte Instagram (le fouteballeur M’Bappé en affiche 123 millions…) il faudrait pouvoir censurer non pas le soi-disant manque de pluralisme, mais plutôt l’absence d’intelligence. Vaste tâche !