MISHIMA Yukio, ‘Confession d’un masque’.

Sortie : 1958, Chez : Gallimard.

Mishima (1925-1970) est un grand écrivain japonais et un personnage sulfureux. Nationaliste convaincu il tenta en 1970 de persuader l’armée de rétablir le pouvoir impérial, et son statut divin, via un coup d’Etat d’opérette qui échoua. Devant cette situation il se suicida en commettant la méthode japonaise traditionnelle du seppuku (ou encore hara-kiri, auto-éventration suivie d’une décapitation exécutée par un tiers). Il n’en a pas moins écrit une œuvre importante qui fit de lui l’un des grands écrivains de langue japonaise du XXe siècle.

Le présent roman apparaît largement autobiographique et raconte la prise de conscience par un enfant de son homosexualité. On le suit jusqu’à son état de jeune adulte dans les quelques années après la reddition du Japon qui marqua la fin de la IIe guerre mondiale. A une époque et dans un pays on l’on abordait pas les questions de sexualité il prend conscience de sa non-attirance pour les femmes comme cela semble être la norme autour de lui. Il cherche à contrecarrer cette situation en essayant de tomber amoureux d’une jeune femme, Sonoko, à laquelle il est sincèrement attaché. Mais cela n’aboutit évidemment pas.

Le livre est une longue introspection sur lui-même, une auto-analyse extrêmement détaillée des sentiments du narrateur dans un environnement qui l’effraie. D’abord élevé par et chez sa grand-mère, il rejoint le domicile de ses parents et de ses deux sœurs vers l’âge de 10 ans pour se rapprocher de sa mère, son père étant souvent absent. Il se découvre un intérêt esthétique et mythologique pour Saint-Sébastien dont les représentations montrent un corps sculptural, ligoté à un tronc d’arbre, qui attise son attirance et dont le martyr, il est criblé de flèches, fascine le narrateur qui rêvera à différentes reprises de pratiquer ce supplice sur des camarades pour lesquels il ressentait une attirance.

Ce roman-récit nous emmène au plus profond de la complexité d’un être torturé par le sentiment de sa singularité, notamment sexuelle, et sa volonté d’être malgré tout dans la norme, son échec à atteindre cet objectif le poussant à des pensées souvent morbides. Le style de Mishima est quasi-proustien avec un sens du détail impressionnant et, surtout, une capacité à se centrer sur son personnage, c’est-à-dire lui-même, qui tourne au narcissisme, mais sans ennuyer le lecteur.