La Russie n’aime toujours pas l’Occident

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A l’occasion de la signature des textes légaux russe entérinant l’annexion de quatre régions de l’Est ukrainien à la Fédération de Russie le 30/09/2022, le président russe a prononcé un long discours dans une salle du Kremlin en présence de tout un aréopage de responsables russes ainsi que des quatre gouverneurs ukrainiens pro-russes des régions ayant demandé leur rattachement à la Fédération.

Ce discours montre une évolution de l’idéologie du Kremlin : d’une conquête de l’Ukraine pour la ramener dans le giron russe, seul cadre où « la véritable souveraineté de l’Ukraine est possible » (article signé Poutine de juillet 2021) la justification de la guerre évolue vers un conflit pour se défendre de l’agression de l’Occident (discours de Poutine du 30/09/2022). Peut-être la première justification n’a pas suffisamment convaincu et, devant le rejet de l’Ukraine (au moins de sa partie ouest) d’une tutelle russe, sans doute a-t-il fallu forger de nouveaux buts de guerre pour tenter de glorifier le combat mené par le Kremlin comme la lutte à mort pour la survie de la Grande Russie ?

Dans ce discours du 30 septembre, après avoir rappelé que les quatre régions annexées seront russes pour toujours, le président a rendu hommage aux héros morts au champ d’honneur et appelé aux valeurs immortelles de la Russie (culture, religion, traditions et langue). Puis il a consacré la majorité de son exposé à expliquer que l’Occident colonialiste attaque la Russie qui est donc fondée à se défendre les armes à la main.

The West is ready to cross every line to preserve the neo-colonial system which allows it to live off the world, to plunder it thanks to the domination of the dollar and technology, to collect an actual tribute from humanity, to extract its primary source of unearned prosperity, the rent paid to the hegemon.

L’attaque de l’Ouest porterait aussi contre la pensée russe en cherchant à l’annihiler.

They see our thought and our philosophy as a direct threat. That is why they target our philosophers for assassination. Our culture and art present a danger to them, so they are trying to ban them. Our development and prosperity are also a threat to them because competition is growing. They do not want or need Russia, but we do.

Le président russe rappelle que les Etats-Unis d’Amérique sont la seule nation à avoir utilisé l’arme nucléaire à deux reprises contre le Japon en 1945, créant ainsi un précédent, que les alliés ont rasé les villes allemandes de Dresde, Hambourg et Cologne, toujours en 1945, sans nécessité militaire autre que d’intimider l’Allemagne et le reste du monde, qu’ils continuent d’occuper l’Allemagne, le Japon, la Corée du sud, etc. La charge est lourde contre le monde anglo-saxon mais le reste du bloc occidental en prend aussi pour son grade, en étant qualifié au mieux de victime consentante, au pire de complice.

The truth has been drowned in an ocean of myths, illusions and fakes, using extremely aggressive propaganda, lying like Goebbels. The more unbelievable the lie, the quicker people will believe it – that is how they operate, according to this principle.

L’Occident n’est que dictature où des élites asservissent le peuple en un « pur satanisme ».

Let me repeat that the dictatorship of the Western elites targets all societies, including the citizens of Western countries themselves. This is a challenge to all. This complete renunciation of what it means to be human, the overthrow of faith and traditional values, and the suppression of freedom are coming to resemble a “religion in reverse” – pure Satanism.

Le président russe conclu son long discours par un cri du cœur :

Today, we are fighting so that it would never occur to anyone that Russia, our people, our language, or our culture can be erased from history. Today, we need a consolidated society, and this consolidation can only be based on sovereignty, freedom, creation, and justice. Our values are humanity, mercy and compassion.

The truth is with us, and behind us is Russia!

Certains faits historiques cités dans ce discours sont véridiques et mis à profit pour montrer combien la Russie est une blanche colombe éprise « d’humanité, de miséricorde et de compassion ». Tout ceci serait plus recevable si le Kremlin n’avait pas déclenché cette guerre préventive qui ennuie beaucoup de monde.

Mais depuis plusieurs siècles la Russie s’est mis beaucoup de pays à dos, et tout particulièrement ses voisins, en agissant contre eux avec la délicatesse d’un ours dans un magasin de porcelaine. Il semble que certains de ces voisins aient quelques doutes sur la capacité altruiste de « miséricorde et de compassion » de la Russie… Cette nouvelle croisade contre l’Occident serait plus entendable si la plupart des républiques indépendantes ex-soviétiques ne s’étaient pas jetées dans les bras de l’Occident dès qu’elles en eurent la possibilité après la dissolution de l’URSS provoquée notamment par la Fédération de Russie qui clama son indépendance contre l’URSS de Gorbatchev en 1991 en hissant le drapeau russe sur le Kremlin pour remplacer celui de couleur rouge siglé de la faucille et du marteau. Tout ceci serait plus cohérent si toute une élite russe avait investi ses milliards en Russie plutôt qu’à Londres et acheté des villas de rêve sur les rives de la mer Noire ou de la Baltique plutôt qu’à Nice…

Certes l’Occident pousse à l’occidentalisation du monde, mais il le fait généralement avec son soft power quand l’URSS ou la Fédération Russie mènent leur internationalisation au bruit des bottes puisque leur modèle socio-économique ne semble pas convaincre naturellement beaucoup de monde. C’est la différence de méthode qui fait aussi son acceptabilité par les pays concernés.

Il n’est plus temps de deviser sur les incohérences des modèles de l’Orient et de l’Occident, mais de mettre fin à cette guerre qui est en train de nuire considérablement à la planète, outre les milliers de morts qu’elle a déjà provoqués, sans parler des destructions massives exercées sur le territoire ukrainien dont, très probablement, les contribuables occidentaux « colonialistes et décadents » vont devoir financer la reconstruction. Pour le moment, personne n’a de bonnes idées pour la paix autre que la reddition complète du belligérant d’en face. Ces positions jusqu’auboutistes ne sont pas favorables à un règlement rapide de cette guerre d’un autre âge qui met le monde en péril.