Palme d’or 2023 du Festival de Cannes ce film démonte la mécanique infernale du soupçon et de la justice qui écrasent une mère et son fils de 10 ans à la suite du décès du père et mari de façon violente. Est-ce un meurtre ou un suicide ? Si nous sommes dans le premier cas, la mère est-elle coupable ? Elle est en tout cas inculpée et voit ressortir toute sa vie au procès auquel assiste son fils qui devra lui-même témoigner.
Le fils était parti en promenade avec son chien au moment du drame, c’est lui qui retrouve le corps de son père au pied du chalet de montagne qu’ils habitent tous les trois, un peu loin de monde. Seul le couple était sur place. Elle est écrivaine à succès, lui cherche à l’être et est professeur. Le couple est déchiré depuis quelques temps : bataille d’égos, frustrations de créateurs, affrontement des ambitions, amour à la dérive, prétentions à l’exclusivité de l’amour du fils (qui subit son handicap à la suite d’un accident alors qu’il était sous la responsabilité de son père) …
Tous ces ingrédients de vies relativement ordinaires ressortent au procès, sont utilisés et abusés par un avocat général persuadé de la culpabilité de cette femme allemande, à la froideur toute germanique, contrecarrés par l’avocat de l’accusé, à moitié amoureux de sa cliente. On a même l’intervention au procès du psychanalyste du défunt qui dévoilent ce qu’il a compris de sa personnalité. Le rôle du gamin cherchant sa vérité dans ce drame dont il est un des acteurs est magnifiquement joué. La mère est acquittée, son fils est rassénéré. La justice a parlé mais le spectateur peut s’en faire une autre idée.
Un beau film sur le thème du déraillement de la vie lorsqu’un grain de sable s’y faufile, en l’occurrence la mort d’un homme, et sur tous ces petits détails insignifiants de nos existences de tous les jours qui peuvent nous revenir en boomerang lorsqu’un processus judiciaire devient nécessaire. Crime ou suicide, on ne sait forcément si la vraie vérité est conforme à la décision de la justice. Mais que ce soit l’une ou l’autre des deux hypothèses, les dommages sont irréparables pour les survivants qui vont sans doute traîner doutes et regrets pour encore longtemps. Il faut être fort pour continuer à vivre avec les suites d’un tel bouleversement.
On aurait pu se passer de la déclaration incendiaire de la réalisatrice contre la réforme des retraites en France lors de la cérémonie de remise de son prix à Cannes, dans un pays où la culture reste encore significativement subventionnée par les contribuables. Il faut bien trouver l’argent quelque part…
C’est un torrent de rock et de fraicheur qui a débordé sur l’arène de Bercy ce soir emportant tout sur son passage, le retour des Louise Attaque sur la route depuis fin 2022 a connu ici une apothéose.
La scène ronde surélevée est installée au milieu du parterre avec en son centre comme une immense manche-à-air installée verticalement entre sol et plafond. Et lorsque les lumières s’éteignent et que retentit un sonore « Paris » lancé par Gaëtan, la manche à air se relève en s’enroulant sur elle-même, dévoilant une petite estrade ronde supportant le batteur et les trois Louise historiques qui jaillissent aussitôt pour s’égayer sur la scène. Des pieds de micro sont installés à chaque quart de la scène et les musiciens vont s’y relayer pour faire face alternativement à chaque quart de public. Tous les deux ou trois morceaux, un roadie se faufile discrètement sur la scène pour faire réaliser un quart de tour à l’estrade du batteur qui a ainsi l’occasion de battre devant tous les spectateurs.
A peine toute cette installation stabilisée le groupe entame Amours. Gaëtan Roussel, grand gaillard, les veines saillantes sur son crane glabre, est habillé d’un blouson de cuir bicolor, bleu nuit et crème, et de sa guitare acoustique rayée de partout. Arnaud Samuel le violoniste porte une veste élégante et de grosses lunettes, Robin Feix est en tenue plus détendue derrière sa grosse basse acoustique sous une casquette de titi parisien. Le batteur est le jeunot du quatuor qui l’a rejoint en 2015 après le départ Alexandre Margraff.
A peine terminé Amours sur les chapeaux de roue, Gaëtan court partout en interpellant « Paris » avec qui il va dialoguer tout au long du concert, pour nous annoncer cette fois-ci que le groupe va rejouer intégralement son premier disque, « Louise Attaque », sortie il y a 25 ans, déjà. Le groupe était alors totalement inconnu et ce disque rock, chanté en français, aux textes malins, a été alors vendu à 2 ou 3 millions d’exemplaires, déclenchant une bordée de tubes inoubliables qui sont tous repris ce soir dans l’enthousiasme général : J’t’emmène au vent,Les nuits parisiennes, Fatiguante… Et puis quand Gaëtan annonce une « vieille copine » on sait qu’il va nous reparler de l’inoubliable Léa :
Léa Elle est pas terroriste Elle est pas anti-terroriste Elle est pas intégriste Elle est pas seule sur Terre Elle est pas commode Non, elle est pas comme Aude Elle est pas froide Elle est pas chaude pour une nuit, réaliste Elle est pas créditeur Elle est pas méchante Mais putain qu’est ce qu’elle est chiante…
Repris en chœur par tous ceux qui connaissent si bien la vieille copine Léa !
Sur Fatiguante, le final instrumental n’en finit pas lorsque Gaëtan nous crie « on est bloqués Paris, on est bloqués »… et de demander à la foule un gros effort pour crier et débloquer la machine. Et figurez-vous que cela fonctionne à la fin !
Sur le final de Cracher vos souhaits la manche à air est re-déroulée jusqu’au sol, cachant la batterie. Les 3 Louise restant tournent autour en chantant a capella, la voix de Gaëtan juste posée sur la petite ritournelle de violon. Et puis la manche à air est enroulée, il n’y a plus de batterie sur la scène mais une nacelle qui descend du ciel avec à bord, la batterie et un second guitariste, pendant que qu’émerge du sol un claviériste et ses claviers. Les deux nouveaux portent fièrement le masque de Louise avec ses grands yeux et ses cheveux roux qu’ils gardent pendant la chanson Sortir de l’ordinaire qui introduit cette deuxième partie comme le dernier disque « Planète Terre ».
Le set est plus électrique et puissant grâce à l’apport des deux musiciens additionnels. Sur La frousse, les trois anciens s’assoient sur la nacelle qui remonte à un mètre de hauteur pour la durée de la chanson. A l’atterrissage, chacun s’empare d’une guitare électrique pour une interprétation éblouissante de Si l’on marchait jusqu’à demain. C’est le seul moment où Arnaud laisse son violon, il est chargé de la petite ritournelle de guitare qui ponctue la chanson :
Avalé par des yeux immenses En parler comme si c’était les miens Nager dans tes yeux leur élégance Voilà que moi, je baisse les miens
Longer tes jambes, immenses Tout ça mais comme alors si de rien Et ta démarche, quelle élégance Si l’on marchait jusqu’à demain
Oui mon chapeau, c’est une évidence N’a rien à voir avec le tien Mais notre amour, notre exigence…
L’arène de Bercy transpire avec ses héros.
Mais la fin du show se profile, sur un Tu dis rien qui s’étire à l’infini, les deux nouveaux musiciens chaussent leurs masques de Louise et Gaëtan joue une dernière fois avec son public en lui faisant réaliser des Hola ! avec téléphones allumés. C’est joyeux et bon enfant, suivi de la longue présentation des musiciens et de tout le staff, un par un suivi d’un sonore « s’il vous plaît » pour provoquer les applaudissements délivrés de bon cœur par une assistance aux anges.
Pour le rappel, les 3 historiques sortent de terre sur la nacelle qui tourne sur elle-même, en chantant cette simple et mélancolique chanson, l’Insouciance, trois notes de bass et une ritournelle de violon.
Ressentir petit à petit Plonger sans trouver d’abri Et l’insouciance qui me fuit Sentir son coeur qui s’amoindrit Il est si tard aujourd’hui Pas envie, pas envie, pas envie Et l’insouciance qui me fuit Voila le train qui me conduit
Et puis comme personne n’arrive à partir, le groupe reprend J’t’emmène au vent, à six cette fois-ci, et termine le morceau dans la fosse en une longue chenille qui chemine au milieu des fans repus et débordant de bonheur, avant de disparaître par l’une des portes du fond avec un puissant « Paris on vous aime ».
Ce groupe singulier et sympathique a marqué encore une fois par la qualité de sa musique et de ses textes, ainsi que par l’enthousiasme qu’il partage sur scène et déclenche dans les gradins. Une délicieuse soirée musicale !
Setlist
Set 1 : album Louise Attaque
Amours/ J’t’emmène au vent/Ton invitation/ La Brune/ Les nuits parisiennes/ L’imposture/ Savoir/ Arrache-moi/ Léa/ Fatigante/ Tes yeux se moquent/ Vous avez l’heure/ Toute cette histoire/ Cracher nos souhaits
Set 2 :
Sortir de l’ordinaire/ Nous, on veut vivre nous/ La frousse/ Si l’on marchait jusqu’à demain/ Lumière du soir – Lumière du jour/ Si c’était hier/ Avec le temps/ Tu dis rien
Encore :
L’insouciance/ J’t’emmène au vent
Warmup : Manon Bouquet présente Réalité dans lequel 3 danseurs et 2 danseuses sont lancés dans cet espace circulaire et tournicotent autour de la manche à air sur un fond musical dans une sorte de danse mi-contemporaine mi-hip-hop, pas désagréable à regarder.
Björk a délivré ce soir un show féérique dans l’arène de Bercy. La tournée de son spectacle Cornucopia avait été lancée en 2019 puis interrompue pour cause de pandémie avant d’être remodelée et relancée en Europe en ce mois de septembre. Les spectateurs sont avertis, il n’y a pas de première partie, il faut donc arriver à l’heure. En s’installant ils découvrent la scène masquée par un rideau de filins souples sur lequel est projeté une des images étranges qui peuplent l’univers éco-poétique de l’artiste, une sorte de gorgone sous-marine en couleurs pastel, pendant que sont diffusés les bruits de la jungle avec des cris d’oiseaux mélodieux.
On voit derrière en transparence et toute la soirée sera un jeu permanent d’ouverture/fermeture des différents niveaux de rideaux s’étageant sur la largeur de la scène et sur lesquels sont projetées les vidéos fantasmagoriques de l’univers de Björk depuis la sortie de ses deux derniers albums Utopia (2017) et Futura (2022). Ce dernier est basé sur l’inspiration nouvelle trouvée par l’artiste dans les champignons et la terre quand Utopia parlait de la recherche de l’amour, l’urgence écologique, le féminisme et l’exploration de l’utopie.
Au sujet de Futura, écrit et enregistré en Islande durant les confinements des années 2020-2021, elle écrit :
Chaque album commence avec un sentiment que j’essaie de transformer en son. Cette fois, le sentiment était que j’arrivais sur Terre et que j’enfonçais mes pieds dans la terre. C’est aussi lié à la façon dont j’ai vécu l’instant présent. Cette fois, 7 milliards d’entre nous en ont fait l’expérience en restant dans nos maisons, en nous isolant assez longtemps dans un seul et même endroit pour que l’on prenne racine.
Lorsque les lumières s’éteignent Björk et ses musiciens restent derrière le rideau frangé avant que celui ne s’entrouvre et laisse apparaître une scène divisée en deux pétales de nénuphar comme posés sur un lac, un peu décalés dans l’espace en hauteur et en largeur, et sur lesquels se succéderont les artistes. Une petite avancée circulaire au-dessus de la foule accueillera Björk ou l’un de ses musiciens au fil des morceaux. La disposition du parterre de Bercy est en places assises, pas d’excitation ni d’hystérie, juste la méditation que provoque la musique de l’artiste.
Sur la gauche des feuilles de nénuphar trône le percussionniste devant ses caisses et des xylophones étranges. Sur une chanson il mènera le rythme sur une espèce d’aquarium sonorisé en provoquant des effets d’eau qu’il fait couler depuis des calebasses qu’il manipule. Sur la droite se trouvent le claviériste et ses ordinateurs. Les autres musiciens sont composés par le sextet islandais de flutistes-danseurs Viibra et d’une harpiste. Les flûtes sont traversières et certaines sont singulières, la partie dans laquelle on souffle étant coudée à 180° par rapport au reste de l’instrument. Ces flutistes sont costumés de blanc, leurs atours, spécifiques à chacun d’eux, les font ressembler à des libellules ou des oiseaux plein de pureté.
Björk est habillée d’une robe bleue qui l’enserre de la tête aux pieds avec des excroissances en forme d’épaulettes, un drapé sur les jambes, un masque bleu-vert autour des yeux, descendant du front aux pommettes et, sur le ventre et le torse, comme un pétale d’hibiscus avec un grand dard dressé au milieu, au relent phallique et reproducteur peu caché, qu’elle portera fièrement durant tout le show.
Le concert débute sur trois morceaux d’Utopia et dès les premières notes de The Gate on plonge dans la musique particulière de la voix de Björk, douce et métallique, sans vibrato, qu’elle porte parfois à un paroxysme d’aigus :
My healed chest wound Transformed into a gate Where I receive love from Where I give love from
And I care for you, care for you I care for you Care for you, care for you
Ovule est la première référence à l’album de 2022 puis on remonte aux albums Début de 1993 avec Venus as a Boy et Medulla (2004) avec Show me Forgiveness avant de revenir à ses thèmes et disques plus récents : l’amour et la rencontre (Pagan Poetry), la souffrance (Losss), le désir (Blissing Me), la nature et les racines (Fossora), les origines (Sue me), le patriarcat (Tabula Rasa)…
Chaque chanson est une chorégraphie en soi, un enchantement de projections sur les voiles vaporeux qui créent un environnement poétique céleste. On ne comprend pas grand-chose à ces formes qui se créent sous nos yeux, grossissent, rampent, s’absorbent de façon un peu inquiétante mais nimbées de couleurs douces et rassurantes. On n’arrive guère à qualifier cette musique éthérée, entre jazz et électro. Est-elle harmonieuse ? Est-elle rythmée ? Elle est Björk, tout simplement et nous transporte dans le monde si original et personnel fruit de l’imagination débordante de sa créatrice et de ceux avec qui elle collabore pour produire ses disques et ses spectacles.
Avant que les musiciens ne reviennent pour le rappel, un discours de Greta Thunberg est projeté sur le rideau. Puis Björk revient habillée d’une robe classique crème à laquelle sont accrochées des tiges supportant des pétales de fleurs blanches sur le haut du corps et ce qui ressemble à des plumes qui entourent ses jambes. Le show se termine sur Notget, une ode à l’amour comme remède à la mort :
we carry the same wound but have different cures similar injuries but opposite remedies
after our love ended your arms don’t carry me without love i feel the abyss understand your fear of death
i will not forget this not get will you not regret having love let go after our love ended
your spirit entered me now we are the guardians we’ll keep her safe from death
love will keep us safe from death
Et Björk quitte la scène sur un cri en français : « merci beaucoup ».
On n’est pas sûr d’avoir tout compris ni des mots, ni de la musique, ni des images, mais on a tous été transportés dans l’univers onirique de cette artiste si particulière et, après tout, c’est l’essentiel. Et puis, le nom donné à cette tournée, Cornucopia, est le mot latin qui veut dire « corne d’abondance », tout n’est donc pas perdu.
Setlist
01. Family (intro)/ 02. The Gate/03. Utopia/ 04. Arisen My Senses/ 05. Ovule/ 06. Show Me Forgiveness/ 07. Venus As A Boy/ 08. Claimstaker/ 09. Isobel/10. Blissing Me/11. Arpegggio flute solo//12. Victimhood/ 13. Fossora / Atopos/ 14. Features Creatures/15. Courtship/16. Pagan Poetry/17. Losss/18. Sue Me/ 19. Tabula Rasa
Jean Hougron (1923-2001) a passé cinq années aventureuses en Indochine à partir de 1947. Commerçant, puis chauffeur de camion, puis planteur de tabac, puis marchand de bière… il parcourut le Laos, le Cambodge, la Chine, la Thaïlande à une période où la rébellion contre la colonisation française commençait à se lever. Il en revint avec des notes qui allaient fonder son œuvre « La nuit indochinoise », une somme de sept épisodes pus ou moins indépendants, dont « Rage blanche » est extrait. Avec Jean Lartéguy, Hougron est devenu l’un des auteurs clés de la vie des colonies françaises dans la seconde moitié du Xxème siècle, toujours entre guerre et commerce, tiraillées entre indépendance et compromission.
Ce roman raconte l’histoire d’un colon français, Legorn, exploitant une ferme dans les hautes vallées du Laos. Dès les premières pages on apprend que sa femme et leur fils sont morts au cours d’une attaque sur la piste les menant de Vientiane à leur village. Il va enquêter pour savoir qui a mené cette attaque : les rebelles du Vietminh ou un colon concurrent de sa vallée.
Et l’enquête nous amène à plonger dans le monde interlope où évoluent colons européens et colonisés asiatiques. Ce ne sont que basses histoires d’intérêts contradictoires, de commerces douteux (le business d’opium n’est jamais loin), de pouvoirs contestés et contestables, mais aussi de courage pour développer des activités dans des conditions difficiles. Il y a de rapides fortunes qui se créent et des faillites retentissantes qui dépouillent. Souvent la vie des acteurs ne tient qu’à un fil.
C’est une espèce de far West asiatique magnifiquement rendu par le style de Hougron décrivant précisément l’atmosphère chaude, humide et malsaine de ces tropiques, perceptible en tournant les pages. Pour sont qui ont déjà été victime de crise de paludisme, sa description de telles crises est stupéfiante de réalisme.
Hougron retrace une époque révolue qui a marqué l’histoire de France et l’esprit d’aventure de certains de ses citoyens, pour le meilleur et, souvent, pour le pire.
Au cœur de la charmante petite cité bretonne de Pont-Aven dans le Finistère sud, son musée retrace l’histoire des peintres qui sont venus s’y inspirer et créer de nouveaux styles pour dépasser l’impressionnisme. Les artistes ont été touchés par la symphonie des lumières, l’estuaire de l’Aven changeant au gré des marées, les magnifiques paysages maritimes adoucis sur les rives du golfe et l’accueil chaleureux de la population qui met aussi à profit la fréquentation de ces artistes bohèmes pour développer hôtels et bistrots. C’est l’américain Robert Wylie qui inaugure le lieu dès les années 1860, provoquant l’arrivée de nombre de ses collègues anglo-saxons. Puis Gauguin (1848-1903) rendit célèbre Pont-Aven où il séjourna à plusieurs reprises entre ses voyages en Polynésie.
Le peintre Maurice Denis (1870-1943) a théorisé ce nouveau style avec Paul Sérusier, Gauguin et d’autres, qualifié de « synthétisme ». C’est comme un passage de l’impressionnisme vers l’abstraction, une sortie du carcan de l’académisme de l’époque. Les toiles sont en « deux dimensions », les personnages sont vaguement dessinés sans plus de précision qu’un liseré noir qui en marque le contour, les paysages sont des plaques de couleurs réunies entre elles (parfois « cubistes »), la perspective est étouffée dans l’ensemble.
A la fin du XIXème siècle, une quête de mysticisme saisissait le monde artistique dont Gauguin fut l’un des plus célèbres parangons, se représentant parfois avec le Christ comme dans les célèbres tableaux de 1889 « Portait de l’artiste au Christ jaune », inspiré du Christ en croix de couleur jaune que l’on peut toujours voir à la Chapelle de Trémalo dans un petit bois au-dessus de Pont-Aven, ou du « Christ vert », reprenant le calvaire de l’église de Nizon un peu plus loin sur la commune de Pont-Aven.
Maurice Denis, Paul Sérusier et Paul Gauguin vont faire prospérer ce qui deviendra « l’école de Pont-Aven » à l’orée du XXème, à la fois quête de spiritualité et innovation artistique. Le petit bourg est ponctué de panneaux scriptovisuels devant les situations que l’on retrouve sur leurs peintures : les lavandières sur l’Aven, les baigneuses dans le Bois d’Amour, les moulins à grains au bord de l’eau…
Un peu plus tard, le poète breton Xavier Grall (1930-1980) poursuivra cette quête mystique à travers ses mots. Il est aussi fêté dans la ville avec un parcours dédié.
Nous referons cette Cornouaille mortelle, secrètement dans le lit des hautes herbes. Et ton corps aux semences mélangées engendrera tout un pays de fougères et de genêts.
Xavier Grall
Bien sûr, le modeste musée de Pont-Aven n’a pas pu acquérir les toiles que ces géants y ont peintes. Il expose néanmoins des tableaux intéressants d’artistes moins connus et les utilisent pour retracer le destin de cette petite cité du Finistère sud, endormie au bord d’une charmante rivière donnant sur l’océan, qu’un improbable hasard et l’exceptionnelle créativité des peintres qui l’ont découverte il y a plus d’un siècle, ont transformée en source d’inspiration pour une génération d’artistes majeurs.
Artistes Voyageuses
Une exposition temporaire est consacrée aux « Artistes voyageuses » de la fin du XIXème jusqu’à 1944. Les femmes ont alors des droits civiques limités. Elles ne peuvent notamment pas accéder à l’Ecole des Beaux-Arts. Certaines, précurseurs, vont secouer l’immobilisme de la société de la IIIème République et, en 1900, un atelier de peinture réservée aux femmes est ouvert aux Beaux-Arts dont nombre de nos artistes voyageuses sont issues.
Ces femmes valeureuses sont parties découvrir le monde, principalement eu sein de l’empire colonial qui s’étendait de l’Afrique à l’Indochine en passant par des possessions dans l’océan Indien.
Elles en ont rapporté des tableaux, des photographies et des récits. Alexandra David-Neel fut la première femme à rentrer dans Lhassa au tibet en 1924. Isabelle Eberhardt s’est attachée à sa découverte de l’Algérie en se convertissant à l’islam, en parlant arabe, en parcourant le désert en tous sens habillée en homme, y croisant Lyautey et en déplorant les méfaits de la colonisation avant d’être emportée par la crue d’un oued en 1904.
Ces femmes ont beaucoup peint et dessiné. Des podcasts sont mis à disposition des visiteurs qui peuvent écouter des extraits de leurs récits. Le musée expose certaines de ces œuvres qui ont aussi aidé à faire connaître l’ailleurs et, parfois, à dévoiler la triste situation de la colonisation, largement cachée par les expositions coloniales.
Marguerite Duras raconte ici un conte écrit en 1990 à la suite du film « Les Enfants » qu’elle a réalisé en 1984. Nous sommes sans doute dans les années 1970-1980 et c’est l’histoire trouble et étrange d’une famille pauvre, immigrée d’Italie (le père) et du Caucase (la mère), à Vitry et dont les sept enfants déscolarisés traînent pendant que les parents s’alcoolisent au bistrot, et dont le frère et la sœur aînés, Jeanne et Ernesto, vivent un amour insensé et incestueux.
Ce dernier ne veut pas aller à l’école pour apprendre « des choses qu’il ne sait pas » et préfère s’instruire de lui-même. Son instituteur dont il a déserté la classe a identifié son potentiel et vient, par amitié, donner des cours particuliers à la fratrie désœuvrée (les « brothers and sisters ») pendant qu’Ernesto continue à lire des livres pour découvrir le monde. Il parle avec sa mère qui ne s’est jamais remise d’un amour perdu dans un train de Sibérie. Il subit son père, handicapé qui n’a jamais travaillé. Il voit la ville de banlieue s’urbaniser et se transformer en se déshumanisant, la vieille autoroute est détruite pour construire des barres HLM.
Il y a beaucoup de larmes dans cette famille, mais aussi d’amour et de regrets. Et d’admiration à l’égard d’Ernesto en qui tous mettent leurs espoirs pour sortir de la misère. Un livre surtout semble le fasciner, on suppose qu’il s’agit de la Bible, Ancien Testament, puisqu’il parle sans cesse des rois d’Israël. Puis il aborde la chimie, la philosophie allemande, se désole de « l’inexistence de Dieu » et progresse comme autodidacte de la connaissance avec des dons surnaturels. Ce savoir qu’Ernesto acquiert va l’amener à quitter sa famille et sa sœur aimée. Cette perspective les terrorise et on apprend à la dernière page qu’elle se réalise déclenchant un cataclysme familial.
Ce livre obscur mêle les thèmes la lutte des classes selon Duras et de l’émancipation par l’éducation. Il est probablement volontairement confus. Pas facile à lire !
Sortie : 1997, Chez : Editions de Fallois / Fayard.
C’est le deuxième tome des trois rédigés par Alain Peyrefitte (1925-1999), homme politique et écrivain, qui fut ministre de l’information et porte-parole du gouvernement à partir de 1962 pour cinq ans avant de poursuivre une carrière ministérielle jusqu’en 1981. C’est au titre du porte-parolat du gouvernement de De Gaulle et qu’il aura des entretiens particuliers avec le Général après chaque conseil de ministres. En tant que ministre de l’information il était le seul autorisé à prendre des notes en conseil des ministres. Dès sa prise de fonction gouvernementale il décide de consigner pour l’Histoire tous ces entretiens qu’il publie dans les trois volumes de « C’était de Gaulle ».
« Après avoir donné l’indépendance à nos colonies, nous allons prendre la nôtre »
Ce volume commence par traiter de la politique d’indépendance vis-à-vis des Etats-Unis qui inspira de Gaulle tout au long de ses années de pouvoir : alliance, certainement oui, mais indépendance du commandement militaire français qui ne doit pas dépendre de Washington pour la défense de la France ; d’où le développement de la force nucléaire française et la sortie du commandement intégré de l’OTAN et à sa conséquence immédiate : le démantèlement des bases américaines présentes sur le sol français depuis l’après-guerre. Obnubilé par l’objectif de rétablir la grandeur de la France après le désastre de 1940 il est guidé par cette nécessité.
La grandeur c’est le chemin qu’on prend pour se dépasser. Pour la France c’est de s’élever au-dessus d’elle-même, pour échapper à la médiocrité et se retrouver telle qu’elle a été dans ses meilleures périodes.
22/03/1964
« Il faut que les Américains s’en aillent »
Il n’est pas certain que si « les soviets » envahissaient l’Europe les Etats-Unis viendraient automatiquement son secours, malgré les accords, alors il veut une France indépendante capable d’appuyer sur le bouton nucléaire toute seule et être ainsi sanctuarisée.
Aujourd’hui, la guerre atomique remet en cause tous les engagements. Vous imaginez un Président des Etats-Unis prenant le risque de condamner à mort des dizaines de millions d’Américains en vertu d’un traité d’alliance ? Comment voulez-vous être sûr que le Président des Etats-Unis pressera sur le bouton, si le destin du peuple américain n’est pas directement menacé ? On peut être sûr du contraire.
29/09/1963
Les institutions
Sa volonté d’indépendance s’élargit aussi à la fonction présidentielle qui doit être libre des querelles partisanes, d’où la modification de la constitution de 1962 pour établir l’élection du président au suffrage universel : « le pouvoir de doit dépendre d’aucun parti, y compris celui qui se réclame de moi. »
Il règle au passage son sort au quinquennat mis en place en 2000 par l’un de ses lointains successeurs, Jacques Chirac :
Le risque, si on fait coïncider l’élection présidentielle et l’élection législative, c’est que la Président devienne prisonnier de l’Assemblée, c’est-à-dire des partis. Les deux consultations, dans la foulée, résulteraient de combinaisons électorales. … Il n’y a pas forcément accord parfait entre la majorité qui a élu le Président et la majorité législative. Mais le Président doit pouvoir se tirer d’affaire tant qu’il n’est pas désavoué par le peuple.
30/04/1963
Dans l’atmosphère plus détendue de ses entretiens entre quatre yeux avec Peyrefitte, le général se laisse aller à quelques jugements définitifs, mais toujours clairvoyants, sur la presse notamment (« en réalité ce sont des décadents. Ils présentent toujours le côté catastrophique, misérable et lamentable des choses. C’est une tendance qui a toujours caractérisé les décadents ! »), l’Algérie indépendante, certains de ses collègues présidents d’autres pays, l’Eglise de France (« ce n’est pas le patriotisme qui l’étouffe. »), les partis politiques… C’est toujours succulent.
François Mitterrand qui se présente aux élections présidentielles de 1965 en prend pour son grade lorsque de Gaulle raconte son passé vichiste (« Il avait travaillé pour Vichy avec tant de zèle que ça lui a valu la francisque. Il était entré dans ce corps d’élite. »), ou leur rencontre à Alger à l’hiver 1943-44 où le général lui propose de rejoindre une unité combattante, ce qu’il refuse. Il le qualifie de « Rastignac de la Nièvre » ou « d’arsouille ». Et alors que Mitterrand nommé secrétaire général intérimaire du ministère des Anciens combattants et Prisonniers (il s’est ensuite prétendu ministre) organise des manifestations à la libération pour obtenir la tête de son propre ministre (Henri Frénay), il est convoque par de Gaulle au ministère de la Guerre qui lui a laisse deux solutions : soit il n’est pas responsable des manifestations organisées par son mouvement et il exige sa démission immédiate, soit il est le chef et il signe immédiatement l’engagement aujourd’hui, sinon de Gaulle le met en état d’arrestation à la sortie de ce bureau. Mitterrand a opté pour la seconde alternative…
« Il faut bien que l’intendance suive »
En 1964, avec Giscard d’Estaing ministre des finances, il met en place un plan de stabilité destiné à rétablir l’équilibre du budget et de lutter contre l’inflation.
La rigueur s’impose à tous. Ce n’est pas seulement un problème d’équilibre des dépenses et des recettes, mais il faut que la part de l’Etat dans l’économie soit contenue. Sinon on va non seulement vers une inflation proprement dite qui emporte la monnaie, mais vers une inflation du rôle de l’Etat au sein de la société. Nous avons atteint une limite qu’il ne faut pas dépasser. L’Etat doit veiller aux équilibres ; à plus forte raison, il ne doit pas lui-même mettre en danger l’équilibre par sa propre masse.
02/04/1964
A cette époque les prélèvements obligatoires représentaient 34% du PNB, elles en représentent aujourd’hui plus de 55%…
Les autres thèmes abordés dans cette première moitié des années 1960 sont tous aussi passionnants : les premières actes postindépendance des anciennes colonies africaines, leurs coups d’état, les interventions militaires françaises pour y « remettre de l’ordre », l’Algérie bien sûr qui se débat dans ses contradictions internes tout en continuant à lorgner vers Paris, l’aide au développement à ces pays neufs, la communauté européenne à six membres et ses luttes intestines pour la défense des intérêts de chacun, la relation franco-allemande après le départ du Chancelier Adenauer et la signature du traité de l’Elysée, l’engagement américain au Vietnam qui s’intensifie, sans oublier les questions internes, la transformation de la France rurale, l’émergence du premier ministre Georges Pompidou qui succédera au général, tant d’autres sujets qui sont ceux d’un pays en pleine restructuration, dirigé par un homme de grande valeur.
Ces conversations dévoilent un président conscient de sa valeur, sûr de ses objectifs dont la finesse d’analyse et de jugement inspirent de l’admiration, dont l’intelligence supérieure force le respect quand on le voit maîtriser de haute main des sujets dont il n’est pas si familier, et ne délaissant pas un humour dévastateur ce qui ne gâche pas les choses.
Anne Queffélec (née en 1948) ouvre ce dernier concert du festival 2023 par un hommage à la pianiste Catherine Collard (1947-1993) qui a été directrice de ce festival breton et, surtout, interprète majeur de Schumann, Debussy, notamment. C’est le trentième anniversaire de son décès. Elle joua souvent avec Anne Queffélec et à la tendresse exprimée par cette dernière au souvenir de son amie, on comprend l’affection profonde qui gouverna leur relation musicale et personnelle. Emportée brusquement par un cancer à 46 ans elle a dédié sa vie à la musique et, lorsque sa carrière connut un creux, elle se dévoua à partager sa passion avec les élèves des conservatoires et les spectateurs des festivals qu’elle organisait. Elle était la marraine de Gaspard Deheane, le fils aîné d’Anne Queffélec, né en 1987, qui partage la scène ce soir avec sa mère.
Le concert commence avec une sonate de Haydn (1732-1809) jouée par Anne qui enchaîne sur la sonate « Au clair de lune » de Beethoven (1770-1827). Le second fut l’élève du premier, peu de temps, mais suffisamment pour que Haydn identifie son génie. La pianiste nous explique que Haydn était un homme robuste et joyeux, qui vécut très longtemps pour son époque quand Beethoven fut une personnalité torturée ayant affronté de longues périodes de dépression, dues notamment à sa surdité qui va progressivement devenir totale et le couper du monde.
Il exprima ce désespoir à ses deux frères dans une lettre qu’il ne leur envoya finalement jamais et qui fut retrouvée après sa mort : le « Testament de Heiligenstadt » dont un extrait nous est lu ce soir :
Finalement condamné à la perspective d’un mal durable (dont la guérison peut durer des années ou même être tout à fait impossible), alors que j’étais né avec un tempérament fougueux, plein de vie, prédisposé même aux distractions offertes par la société, j’ai dû tôt m’isoler, mener ma vie dans la solitude, et si j’essayais bien parfois de mettre tout cela de côté, oh ! comme alors j’étais ramené durement à la triste expérience renouvelée de mon ouïe défaillante, et certes je ne pouvais me résigner à dire aux hommes : parlez plus fort, criez, car je suis sourd, ah ! comment aurait-il été possible que j’avoue alors la faiblesse d’un sens qui, chez moi, devait être poussé jusqu’à un degré de perfection plus grand que chez tous les autres, un sens que je possédais autrefois dans sa plus grande perfection, dans une perfection que certainement peu de mon espèce ont jamais connue – oh ! je ne le peux toujours pas, pardonnez-moi, si vous me voyez battre en retraite là-même où j’aurais bien aimé me joindre à vous.
Victor Hugo parlait de lui comme « ce sourd qui entendait l’infini ! ».
Cette différence de personnalité se sent parfaitement dans les variations de leurs deux sonates. Le déroulement mélancolique du premier mouvement de celle de Beethoven nous plonge effectivement dans les tréfonds de l’âme sombre de ce compositeur d’exception : simplicité des notes et lente progression vers l’abime. C’est un trésor ! Le troisième mouvement très enlevé marque comme une réaction contre la tristesse, Beethoven se révoltant contre sa maladie ? Il est joué de main de maître par Mme. Queffélec.
Gaspard succède à sa mère sur le Steinway pour interpréter un autre trésor de délicatesse et d’à-propos avec « Clair de lune » de Debussy (1862-1918). Il accompagne notre méditation dans la pure beauté de cette musique pendant que le soleil se couche sur la mer derrière la baie vitrée où est placé le piano. Un instant d’absolu.
Suivent les Fantasiestückes de Robert Schumann (1810-1856). Encore une histoire douloureuse : Robert est empêché de se marier avec Clara Wicks (1819-1896) par les parents de celle-ci. Alors ils échangent des lettres journalières et, surtout, Robert compose pour Clara qui fut une pianiste exceptionnelle. Ces morceaux ont été écrits à cette époque de frustration mais la musique est allante, comme pour transcender ce sentiment négatif. Il y a de l’espoir dans les rythmes. Les deux musiciens finirent par se marier en 1840 avant que Schumann ne sombre dans la folie dix années plus tard et meurt dans un asile en 1856. Plus tard, Brahms (1833-1897), inspiré par Clara écrira son Concerto pour piano n°1.
La mère et son fils interprètent ensuite Schubert (1797-1828) à quatre mains après qu’Anne nous eut expliqué que « jouer à 4 mains ce n’est pas 2 fois plus facile, au contraire ! ». Encore un génie emporté dans la fleur de l’âge après avoir eu le temps de composer une œuvre magistrale, peu reconnue de son vivant. Anne et Gaspard échangent leur position entre le Rondo et la Fantaisie et nous offrent l’émouvant spectacle de la transmission du talent de la plus ancienne au plus jeune, tous deux réunis sur cette musique et leur amour familial. Œdipe doit voler au milieu des notes mais qu’importe, il est écrasé par Schubert.
Le rappel est « un retour aux sources » comme l’introduit Gaspard : une cantate de Bach transcrite pour piano à quatre mains.
Anne Queffélec reprend alors le micro pour remercier les spectateurs de participer par leur présence et leur enthousiasme à faire vivre la musique qui reste aussi le meilleur moyen de communiquer avec ceux qu’on aime, même quand ils nous ont quittés.
Ces deux interprètes remarquables nous ont emmené bien loin dans ce romantisme du XIXème siècle : douleur et génie pour un monde géants.
Robbie Robertson, fondateur canadien né en 1943, est mort à 80 ans ce 9 août. Guitariste, il a fondé le groupe The Band connu pour avoir accompagné Bob Dylan lors de sa mue vers l’électrique en 1965. Le groupe vivra aussi sa vie indépendamment de Dylan, sortira plusieurs disques et fera l’objet d’un superbe film de Martin Scorsese à l’occasion de son concert d’adieu le 25 novembre 1976. The Band a joué au festival de Woodstock en 1969.
Robertson continue ensuite à sortir des disques solos en collaboration avec de grands artistes comme Peter Gabriel, Eric Clapton, Trent Reznor… Il est mort de maladie, en musicien, sans doute pas loin de sa guitare.
Tom Wood est un photographe né en Irlande en 1951, qui vécut une grande partie de sa vie près de Liverpool. Passionné par le dessin dès son plus jeune âge, il quitte l’usine de voitures dans laquelle il travaillait comme son père, pour suivre les cours d’une école d’art dont il ressort peintre avant de s’orienter vers la photo.
S’il réfute le qualificatif de photographe « documentaire » que lui a attribué Martin Parr, il dit être à la recherche de LA bonne photo quel qu’en soit le sujet. Il n’en demeure pas moins qu’il a « documenté » nombre de sujets sociaux car tel était l’environnement de sa jeunesse dans une ville en pleine décrépitude : libéralisme échevelé de la politique « thatchérienne » mise en œuvre à l’époque avec son cortège de fermeture d’usines, de chômeurs, de jeunesse désœuvrée…
Ses photos sont principalement des portraits de ces hommes et femmes de toutes générations, en groupe ou solitaires, prises dans le bus, dans les pubs, dans les usines, dans les banlieues décrépies… En couleurs ou en noir-et-blanc elles forment la mémoire de ce temps et marquent l’œil bienveillant de leur auteur. Une exposition de photos de Tom Wood c’est en fait un livre d’histoire.
C’est le Centre d’art GwinZegal qui expose Tom Wood aujourd’hui. L’ancienne prison de Guingamp a été reconvertie en lieux tourné vers la photographie, non seulement à titre de musée, mais surtout un espace de création avec des artistes en résidences, des ateliers pédagogiques sur l’image. D’ailleurs, après Wood, le visiteur poursuit dans une salle adjacente où il peut regarder l’exposition « Les yeux ouverts – l’école du regard », fruits photographiques du travail réalisé par des habitants de la région, encadrés par des artistes, pour matérialiser leur représentation du monde qui nous entoure.
Sortie : 2010, Chez : Editions Payot & Rivages (2014).
Barry Miles, né en 1943, est un auteur qui a frayé avec le milieu « underground » londonien dont il a été l’un des acteurs depuis l’après-guerre. Dans ce récit de 700 pages il retrace l’histoire de cette contre-culture qui a touché tous les arts et dont Londres fut l’un des centres névralgiques. La capitale britannique a toujours été créative et même au sortir de la guerre, au cœur d’une ville dévastée par les bombardements allemands mais victorieuse grâce à la résistance héroïque de ses habitants, la culture a agit comme un ressort, bousculant la vieille Angleterre et accélérant son redressement.
Ils étaient les enfants d’une société qui considérait encore que les classes moyennes étaient en droit d’imposer leurs valeurs morales à une classe dont le mode de vie échappait totalement à ces critères ; d’une génération qui utilisait la guerre comme un prétexte pour légiférer dans tous les domaines ; d’un système d’éducation qui rejetait tout potentiel créatif et ne menait qu’à des boulots sans avenir et à la conscription obligatoire ; d’un monde gris et médiocre où les gentils garçons jouaient au ping-pong.
George Melly (1926-1973, chanteur de jazz et de blues, critique, écrivain, lecteur du surréalisme)
Nous sommes à Londres, donc il fait froid et humide, alors tout se passe dans les pubs, les bistrots, les bars, les galeries d’exposition éphémères, les librairies dans des caves et les squats occupés par les artistes dans les ruines des immeubles bombardés. Miles a traîné dans tous ces tripots où se pressaient nombre d’artistes inconnus du lecteur lambda, mais aussi Francis Bacon, Lucian Freud, Allen Ginsberg, Jackson Pollock, le tout dans une débauche d’alcool et de drogue.
Plus tard on voit apparaître Mick Jagger, Keith Richards et Brian Jones, Pete Townshend, Yoko Ono, Syd Barret, John Peel, Gilbert & George. On assiste aux débuts des Pink Floyd, de Soft Machine, et de nombre de poètes, de peintres, d’auteurs de théâtre, de réalisateurs de film… Les américains William Burroughs, Jimmy Hendrix, Andy Warhol, Debby Harry passent aussi à Londres pour plonger dans cette contre-culture rayonnante.
Des évènements sont organisés où des musiciens jouent de l’archet sur des pots de yaourt sonorisés pendant que des peintres laissent dégouliner de la peinture sur le plancher du théâtre devant des spectateurs aux visages peints de motifs cachemire écoutant des enregistrements de poèmes de Burroughs dans des nuages de fumée de cannabis…
La dernière partie est consacrée à l’apparition du mouvement punk qui fit exploser les règles du vieux rock, déclenchant un séisme musical et comportemental annonçant l’arrivée des « nouveaux romantiques » (Boy George, Spandau Ballet, Ultravox).
Le trait commun de tous ces artistes est la rébellion contre les règles et la bourgeoisie britanniques. Leurs buts : faire exploser le système, choquer ses acteurs et regénérer les arts. Quelque soit leur domaine de prédilection, ils ont pleinement réussi, et même s’il a fallu passer par des installations douteuses, des collaborations improbables, des concepts nauséabonds, les meilleurs ont survécu, et même réussi pour certains. Et puis la société a aussi évolué vers un peu plus de tolérance, aussi par suite des scandales qu’ils ont joyeusement provoqués.
Et lorsqu’on s’interroge sur ces incroyables débordements de créativité du Royaume-Uni, et de Londres en particulier, qui continuent de nous impressionner encore aujourd’hui, la meilleure réponse est peut-être que le climat sombre de ce pays favorise la création.
Le titre « Ici Londres ! » est la traduction de « London Calling! » qui était le nom d’une des premières émissions radio de la future BBC en 1942, donnant des nouvelles de la guerre, mi-propagande, mi-information. Il a surtout été repris par les Clash pour leur double album de 1979, un hymne fulgurant au Londres « punk ».
Le dernier film de Christopher Nolan aborde un sujet intéressant mais traité à la manière hollywoodienne, c’est-à-dire de façon un peu grandiloquente et légèrement horripilante avec force effets sonores et visuels qui n‘apportent pas grand-chose à la compréhension du scénario.
Il s’agit de l’histoire de Robert Oppenheimer (1904-1967), savant physicien de génie, spécialiste de la mécanique quantique, nommé directeur technique du projet « Manhattan » qui permit aux Etats-Unis d’Amérique de développer de façon accélérée la bombe atomique durant la seconde guerre mondiale, en rattrapant le retard pris sur les scientifiques allemands. Berlin capitulera avant que le projet n’aboutisse mais deux bombes seront tirées sur le Japon en 1945, accélérant ainsi la capitulation nipponne et initiant une nouvelle époque où l’homme est désormais capable de se détruire intégralement.
Le film insiste sur les états d’âme bien compréhensibles de ces scientifiques qui participent à un projet excitant mais destructeur qui a fait entrer les hommes et le monde dans une nouvelle ère, encore plus tragique que la précédente. Oppenheimer eut des accointances « de gauche » avant la guerre, sans jamais adhérer au parti communiste. Il aura des doutes sur la façon d’utiliser cette bombe atomique mise au point par l’équipe qu’il dirigea durant la guerre. Il eut des comptes à rendre durant la folle période du maccarthysme aux Etats-Unis durant la guerre froide.
Accusé, puis blanchi, sa loyauté envers son pays est confirmée, mais il symbolise les tiraillements éthiques auxquels peut être confronté le monde scientifique face à la politique, surtout lorsqu’il travaille sur des sujets pouvant donner lieu à des applications militaires concrètes. Il faut trouver sa voie dans un enchevêtrement d’intérêts croisés, d’idéologies contradictoires, d’éthiques différenciées. La vie d’Oppenheimer illustre ces difficultés, et celles de ses collègues (dont Einstein qui apparaît dans le film) évoquent différentes options prises par ceux-ci, y compris la trahison de leur pays par certains qui livrèrent des informations scientifiques à l’Union soviétique croyant œuvrer ainsi en faveur de la paix. C’était aussi une époque où une partie de l’intelligentsia scientifique et culturelle occidentale pensait que le capitalisme vivait ses derniers instants et que l’Union soviétique allait imposer son modèle d’où nombre de « compagnons de route » du communisme dont certains ont été recrutés comme espions par l’URSS, y compris aux Etats-Unis. Ils se sont trompés sur ce point mais ils ont découvert la bombe atomique « capitaliste » avant les scientifiques nazis. On peut estimer aujourd’hui que ce fut préférable que l’inverse…
La vie et les doutes d’Oppenheimer montrés dans le scénario illustrent ce dilemme qui saisit nombre d’intellectuels de l’époque. En ceci le film est intéressant.
Sergueï Rachmaninov (1873-1943), pianiste russe virtuose, compositeur majeur du XXème siècle, est célébré cette année par le festival de piano de la Roque d’Anthéron. Anna Geniushene et Lukas Geniusas, tous deux d’origine russe, nés à Moscou respectivement en 1991 et 1990, couple à la ville, jouent à deux pianos des œuvres du Maître, russe également.
Le premier morceau est une transcription de Rachmaninov pour deux pianos de La Belle au bois dormant, le célèbre ballet de Tchaïkovski. Le second a très fortement influencé le premier mais on préfère les œuvres originales de Rachmaninov. La suite n°1 pour deux pianos, hommage posthume au même Tchaïkovski (1840-1893), tend au sublime, tragique et enlevée, au milieu du chant des cigales de l’Espace Florans situé en extérieur au milieu des platanes. La dernière œuvre « Danses symphoniques » composée en 1940 est l’une des dernières écrites par Rachmaninov décédé en 1943. Elle est déjà nimbée de sonorités et de rythmes jazzy marquant le XXème siècle américain où est exilé le musicien depuis 1917. Elle termine en apothéose une soirée musicale de verdure et de virtuosité.
Le programme
Tchaïkovski/Rachmaninov : Suite de La Belle au bois dormant
Rachmaninov : Suite pour deux pianos n°1 opus 5 “Fantaisie-tableaux”
Rachmaninov : Danses symphoniques opus 45b
Bis
Rachmaninov : Six morceaux pour piano Opus 11 Valse n°4
Le monde a commencé sans l’homme et finira sans lui.
Clause Lévi-Strauss, Tristes Tropiques, 1955
L’art sans l’être humain : le musée de Valence expose différentes œuvres de la nature, de la technique, de l’abstraction où l’homme est partout présent dans la création mais sans cesse absent de ce que nous voyons. Une déshumanisation bienfaisante et fictive puisque c’est l’homme qui produit tous ces objets, jusqu’aux robots qui dessinent en direct devant les visiteurs, sur de petits bureaux d’écolier, des parties d’une nature morte sur laquelle ils projettent leurs caméras qu’une intelligence artificielle leur fait reproduire sur des feuilles A4.
La dernière salle finit en apothéose avec trois toiles abstraites de grandes dimensions d’Hans Achtung, sorte de visions du monde intergalactique, face à deux compositions de sa muse, Anna-Eva Bergman, peinture et feuilles métalliques représentant l’horizon de la terre.
Elliott Erwitt est un photographe américain né en 1928 à Paris où ses parents russes de confession juive avaient émigré, transformant leur nom d’Erwitz en Erwitt. Grand voyageur il rejoint l’agence Magnum en 1954 à l’initiative de Robert Capa. Il a marqué sa profession par des clichés des grands de ce monde, sa vision d’évènements historiques, ainsi qu’avec des photos publicitaires originales.
Mais le plus marquant est sans doute le regard qu’il a porté sur les gens ordinaires dans leur vie quotidienne, rendus sur de magnifiques clichés, généralement en noir-et-blanc exposés au musée Maillol. Le coup d’œil de l’artiste est évident dans les cadrages, les personnages, les attitudes, les contrastes et l’humour qui imprègne souvent les agrandissements. L’exposition de 215 photos se répartit sur trois étages dont l’un est consacré à un rapprochement intéressant entre certaines sculptures d’Aristide Maillol et les photos d’Erwitt. Des vidéos montrent le photographe parlant un excellent français, expliquant sa technique, ses planques, ses ruses, destinées à capter la photo parfaite, objectif souvent atteint.
L’exposition rencontre un franc succès, mérité, et est prolongée jusqu’à septembre 2023.
« Paula » est un film qui dérange par son sujet, l’emprise d’un père sur sa fille, et du fait de la façon de filmer, tout en gros plans, au plus près des personnages, parfois à l’occasion de scènes peu ragoutantes. Il s’agit du premier long-métrage de la réalisatrice Angela Terrail Ottobah qui a déclaré avoir été victime d’inceste par son « père biologique » durant cinq années de sa jeunesse. Le film est donc un peu autobiographique mais la réalisatrice, qui a fait des études de philosophie et d’ethnologie, n’a pas voulu montrer l’inceste en lui-même, se « limitant » à l’emprise exercée par un père se remettant d’une maladie respiratoire et qui emmène Paula vivre avec lui dans une petite maison de « poupées » au bord d’un lac dans une forêt.
La question du viol c’est si énorme, si violent que ça peut prendre tout la place dans le récit et en laisser très peu pour d’autres composantes de l’inceste qui sont fondamentales pour moi. Je voulais raconter l’emprise sur le psychisme et le corps, et cette espèce d’idée de l’amour. Paula, c’est l’histoire d’un père qui aime sa fille mais très mal, au point de la tuer.
On voit la situation se dégrader avec la montée des exigences du père qui force sa fille à devenir végan tendance extrême, détruit l’intérieur de la maison pour la transformer en une pièce unique et dénudée aux fenêtres obstruées, déscolarise Paula, lui fait subir des épreuves qui la terrifient la nuit dans la forêt, la coupe de toute communication, notamment avec sa mère qui est en mission en Corée… et la jeune fille réalise progressivement la démence qui s’empare de son père à son encontre. Malgré la solitude dans laquelle il l’a plongée pour mieux l’asservir, Paula va se défendre.
Un film inquiétant qui décrit, sans doute de façon réaliste, l’aspect dévastateur du crime d’emprise ou d’inceste d’un parent sur ses enfants. La performance d’actrice de Paula dans ce film est assez stupéfiante compte tenu du sujet et de sa jeunesse, espérons qu’elle eut la maturité suffisante pour faire la différence entre le scénario et la vraie vie !
Un beau et étrange film du réalisateur turc Ceylan ; celui-ci reçut déjà la Palme d’or pour Winter Sleep en 2014 et cette année c’est sa comédienne Merve Dizdar qui a été primée du prix d’interprétation féminine pour son rôle dans Les herbes sèches. Le scénario se déroule dans les montages que l’on imagine au Kurdistan. Cette localisation n’est qu’à peine suggérée par une référence à la langue que parlent les enfants et au bruit de la canonnade que l’on entend parfois au loin dans la nuit.
La majorité du film se déroule en hiver, dans un petit village au milieu de la vallée écrasée de neige, cernée par les montagnes et le plus souvent sous la tempête de flocons. Deux professeurs de l’école du village cohabitent dans la même maison et travaillent dans la même école. Ils sont perdus au milieu de nulle part et, sortis de leurs salles de classe, se retrouvent pour boire le thé autour de leur poêle. Il fait froid, humide, le climat et la saison se prêtent au nombrilisme et chacun se lamente sur son sort.
A l’école ils jouent un peu les coqs du village et s’abandonnent à un petit jeu puéril de séduction des fillettes qu’ils enseignent. Nous sommes dans un pays de traditions ancestrales au conservatisme pesant, ils vont devoir rendre des comptes sur leur comportement.
Lorsqu’ils se rendent à la ville la plus proche ils jouent aussi au jeu de la séduction avec Nuray qui y enseigne l’anglais après un engagement politique (pro-kurde ?) qui lui a fait perdre une jambe lors d’un attentat. Ce n’est pas celui qu’on attend qui va l’emporter dans ce jeu trouble mais il va devoir se justifier de son non-engagement face à Nuray et de sa trahison face à son camarade d’infortune.
Le film dure 3h15, une durée à l’image des longues conversations existentielles menées par les trois personnages principaux au coin des poêles rougeoyants où chacun s’enflamme pour expliquer ses lâchetés, ses petits arrangements avec ses convictions ou sa morale. Ces huis-clos lourds et pesants sont seulement ponctués par les paysages de montagnes blancs et floconneux, c’est le face-à-face de la minéralité des lieux avec l’inertie des hommes.
Anna-Eva Bergman (1909-1987) est une peintre norvégienne (puis également allemande par son mariage avec Hans Hartung) qui a vécu et créé à Stockholm, Paris, Dresde, Berlin, Oslo, Minorque (Baléares), sur la Côte d’Azur ; une artiste profondément européenne inspirée par les paysages et, surtout, les couleurs si diverses, admirés du nord au sud de ce continent. Reconnue et exposée de son vivant, elle se sépare d’Hartung pour réaliser son art par elle-même, puis se remarie avec lui près de vingt ans plus tard.
Ses tableaux de début de carrière sont présentés dans les premières salles de l’exposition mais l’intérêt du visiteur est surtout attiré par ses tableaux composés plus tard, en route vers l’abstraction, à partir de fines feuille métalliques assemblées sur des toiles peintes. Elle utilise et perfectionne ce matériau pour restituer la minéralité des pierres ou des rochers, ou l’éternité de l’univers. Elle revient pleine d’inspiration de ces infinis à l’issue d’une croisière dans le grand nord norvégien avec Hartung en 1950.
Pour moi, [l’horizon] contient l’éternité, l’infini, le passage vers l’inconnu […] L’horizon est la limite de l’expérience humaine […] ; une limite que j’essaie de dépasser, une expérience que je tente d’élargir. Au-delà de la frontière de l’horizon se trouve un domaine qui, quoique physiquement inatteignable pour l’homme, existe et dont on peut faire l’expérience de la Nature, quelque chose d’atmosphérique, d’irrationnel, comme l’est la métaphysique, ou l’absolu.
Anna-Eva Bergman, 1984
Sa technique et son sens des couleurs rendent parfaitement ce que l’on imagine être la pureté glacée de la lumière de ces contrées maritimes septentrionales.
Jour-Nuit (Anna-Eva Bergman)
La nuit était indescriptible. Dépassant tout ce que je pouvais imaginer. Le plus merveilleux des soleils pendant toute la nuit tandis que nous glissions entre toutes les silhouettes magiques et étranges que sont les [îles] Lofoten. Une aventure glorieuse, puissante et improbable. Les montagnes semblent transparentes, plus rien n’a d’épaisseur. Tout est comme une vision, une possibilité non encore réalisée. Si l’on veut peindre cela, il faut trouver l’expression qui suggère l’atmosphère, l’effet des couleurs. En aucune façon naturaliste.
Anna-Eva Bergman, 29/07/1950, Journey to the North Cape
Ses marines ressemblent à des toiles de Rothko où les bandes horizontales tracent la division de l’infini entre ciel, terre et, parfois, minéralité. Ses bleus profonds varient subtilement selon qu’ils représentent le jour ou la nuit, des notions que l’on sait étroitement mêlés dans le Grand Nord. Elle porte un regard perçant et personnel sur ce qui nous entoure et que nous ne voyons pas.
Elle a aussi suivi des études de philosophie, est fascinée par les sciences et la cosmologie et a beaucoup écrit sur son art, ses inspirations, ses œuvres. Des vidéos sont diffusées dans le cadre de cette exposition qui la montrent en train de composer ses tableaux, quasiment jamais en train de parler. Elle est grande et fine, les traits de son visage taillés à la serpe, les cheveux courts, elle donne l’air d’une personne fiévreuse, concentrée sur ses pensées et son art, pas particulièrement épanouie ni communicative.
Anna-Eva Bergman : une artiste très intéressante du XXème siècle.