Hey Lou ! Te revoilà à Paris, vieux Frère. On s’y est croisé souvent tout au long de ma carrière d’homme normal que tu as ponctuée de mots exceptionnels. Te revoilà avec un groupe intense et une violoncelliste aux longs cheveux.
Tu as l’air de bien te porter Lou. Tes rides se creusent et accentuent ta morgue apparente mais tu continues à écrire des choses si bouleversantes. Tu pourrais changer de tailleur mais tu t’en fous, et puis ce n’est pas grave puisque tu caches tout ce fatras derrière les guitares auxquelles tu t’accroches depuis 35 ans.
Hey Lou ! Tu n’imagines pas combien ta musique a ponctué ma route. A la différence de Jenny dans Rock ’n’ Roll je n’ai pas découvert le rock sur une station de New York mais à l’écoute du Velvet Underground. Je n’avais que 10 ans quand le premier VU est sorti mais j’ai rattrapé mon retard et il a meublé mes tourments post-adolescents. Pale blue Eyes et Femme Fatale ont accompagné mes nuits nostalgiques à l’inspiration stérile. Je n’ai pas su écrire I’ll be your Mirror/ …Let me be your eyes/ A hand to your darkness/ So you won’t be afraid, et je n’avais personne à qui l’offrir, alors j’ai écouté Nico chanter ces vers en boucle pendant les heures sombres.
Tu as quitté ensuite tout ce beau monde : Andy, John Cale, Nico, pour t’enfoncer vers la mort et sortir Rock’n Roll Animal. A l’époque on pensait que tu ne passerais pas l’hiver. Ah, ce disque de légende ! Quelle fulgurance, quelle référence ! Les solos de Steve Hunter ont marqué à jamais les déambulations de Jack et Sweet Jane. Ce microsillon à la couverture si obscure m’a suivi tellement longtemps que je n’ai pas encore osé racheter le CD. Mais je vais bientôt le faire Lou car c’est une pièce essentielle de notre passé.
Mon histoire, elle a aussi été jalonnée par Transformer, Berlin et Coney Island baby. Ces trois joyaux ils sont avec moi pour toujours. J’ai marché des heures dans les rues New York, guettant ton ombre, en écoutant She’s my Best Friend sur mon walkman. Et lorsque j’étais épuisé, j’allais griller des cigarettes au bar du Chelsea Hotel à la recherche des Chelsea Girls disparues pour toujours.
Tu sais Lou, Perfect Day, c’est devenu la référence du bonheur dans mon univers. Chaque fois que je passe au Jardin des Plantes je vais pour Feed the animals in the zoo/ And then later a movie too and then home/ …Just a perfect day !
Alors, ce soir au Grand Rex, Lou, je me suis souvenu de tout ça. Lorsque tu nous a dit que Vanishing Act était la chanson préférée de ton dernier disque, j’ai écouté religieusement It must be nice to disappear/ To have a vanishing act/ To always looking forward/ And never looking back et j’ai pensé que tout allait bien mieux, pour tout le monde, que lorsque tu ânonnais I’m gonna try to nullify my life sur Heroin il y trente ans !
Et ce soir, Lou, tu nous a joué beaucoup de récentes compositions pour rappeler à ceux qui l’aurait oublié que tu continues à créer avec autant de d’excitation que par le passé : Guardian Angel (…who often saved my life), Halloween Parade, Mad, Ecstasy, et bien d’autres interprétées avec cette voix chevrotante mais assurée qui débite les poèmes de notre urbanité sclérosante, les vers inspirés par New York et le coté sombre de sa force, car toujours tu reviens sur la rue de New York où les déchets cohabitent avec la plus incroyable créativité. Sur ce tas de fumier, Lou, toi et les tiens, vous avez déposé les diamants désespérés de la culture de notre XX° siècle et c’est inoubliable.
Hey Lou ! Tu es revenu une dernière fois ce soir pour nous servir Perfect Day. Ah le cello Lou, ce cello déhirant est venu comme une larme salée, coulant sur une fontaine de glace. Just a Perfect Day !
Merci Lou, tu es un mythe vivant maintenant. Je serai là pour la prochaine et en attendant nous continuons derrière toi à marcher sur le coté sauvage de la Route.