Un grand frisson ce soir lorsque Musical Box, groupe canadien a entamé sur la scène de l’Olympia, trente ans plus tard, l’histoire démoniaque de Rael : And the lambbbbb… lies down… on Broooooadway et nous revivons l’époque fulgurante du Genesis de nos 20 ans.
Dernier opéra de l’époque Genesis de Peter Gabriel, The Lamb Lies Down on Brodway a marqué l’ultime création de ce quintet britannique, héraut du rock progressiste qui a force d’imagination foisonnante et de créativité débordante a uni sur scène rock et théâtre en une synthèse musicale et lyrique exceptionnelle, marquant toute une génération dont les représentants, aujourd’hui quasi-quinqua, se bousculent dans le music-hall parisien pour y découvrir, ébahis, la re-création en l’état de cet opéra rock de 1974. Le décor, la mise en scène, le son, les projections de diapositives, les instruments, les masques et costumes, jusqu’au mimiques des musiciens grimés avec perruques pour singer leurs modèles dans une troublante similitude, tout est conforme à l’original, à commencer bien sûr par le chanteur, physiquement le portrait de Gabriel, qui chante avec la même voix légèrement éraillée, en reprenant sa gestuelle saccadée.
Les ingénieurs du son ont restitué les « Enossification » bricolées à l’origine par un Brian Eno en délicatesse avec Roxy Music, et toutes les ficelles techniques mises en œuvre à l’époque pour créer ce son si particulier de The Lamb…
Alors avec quel plaisir nous nous sommes laissé glisser une nouvelle fois sur les pas de Rael. Mon voisin qui était déjà au show d’hier en tremble de joie et moi, je ne boude pas mon plaisir, en revisitant ce disque si passionnément vénéré.
And the lamb lies down on Broadway,/ Early morning Manhattan/ Ocean winds blow on land…./ They say the lights are always bright on Broadway./ They say there’s always magic in the air. Sorti d’un midnight show Rael bondit sur le pavé de New York au petit matin, sous les assauts du vent venant d’un ciel bas et noir, croise Lenny Bruce et Howard Hugues aux coins des blocks. Rael court dans un monde irréel où les murs s’éloignent à mesure qu’il les atteint, la poussière l’enveloppe, il ne voit plus, ne sent plus et la seule chose qu’il entend encore est l’eau qui s’écoule, alors il s’endort. Puis se réveille dans une cage de stalactites et stalagmites où il reconnaît son frère John, une larme de sang coulant sur ses joues, il l’appelle au secours mais John disparaît. Prisonnier d’une cellule sur Brooklyn The only sound is water drops Rael hurle pour sortir de cette cave/cage insensée, garder son self-control pour survivre dans son âme, distorsion/obsession et l’orgue décline sa folie sur In The Cage quand dans un effort surhumain Rael s’expulse de sa prison pour se retrouver dans la chambre aux 32 portes dont une seule s’ouvre sur la sortie. Une vieille femme aveugle se propose de le guider et malgré son interrogation What’s the use of a guide if you got nowhere to go? Il suit Lilywhite Lilith dans un tunnel d’obscurité vers la lumière tout en frôlant son héros Death au hasard des roches froides qui forment ce tunnel. Il se retrouve dans une piscine naturelle d’eau rose où nagent des créatures reptiliennes à têtes de femmes, The Lamia of the pool, qui l’invitent à goûter la douceur de l’eau. Elles sont si belles que Rael cède à leur invite et entre dans l’eau. Les Lamia envoûtantes le caressent puis commencent à le grignoter. Mais à peine ont-elles croqué quelques bouchées de Rael qu’elles meurent en criant We all have loved you Rael. Alors, voyant flotter les corps des Lamia sur l’eau, il les dévore à son tour pour retrouver son intégrité corporelle. Il ressort par la porte par laquelle il est entré et se retrouve dans un ghetto dont les membres à l’allure monstrueuse sont tous issus de la même tragédie romantique vécue avec les Lamia qui se régénèrent après chaque aventure. Ces monstres sont condamnés à satisfaire l’appétit sans fin de leurs sens, hérité de la tragédie des Lamia. Et Rael y reconnaît son frère John. Une seule voie de salut, le Doktor Dyper qui reçoit Rael et John, et leur propose comme unique remède : la castration, Dock the Dick! Mais comme le résultat de l’opération était placé dans un tube jaune, soudain, un corbeau noir surgit de nulle part s’empare du précieux chargement et s’envole au loin. Rael hurle à l’aide mais son frère l’abandonne une nouvelle fois alors qu’il s’enfuit à la poursuite du mystérieux corbeau noir pour finalement apercevoir à la sortie d’un sombre tunnel l’oiseau fatal jeter le tube dans l’eau bouillonnante d’un rapide. Il court le long de la gorge du fleuve en furie, regarde par une fenêtre qui s’ouvre sur le ciel et y reconnaît les rues de chez lui, Is this the way out from the endless scene?/ Or just an entrance to another dream?/ And the Light dies down on Broadway, puis entendant un cri de détresse, reconnaît Brother John se débattant plus bas dans le flots. Rael doit choisir entre la fenêtre sur la liberté et son frère qui se meurt. Alors il plonge secourir John. Après l’avoir sorti des rapides et reposé sur la rive, il regarde son visage et y reconnaît sa propre face !
Et au crépuscule de cette odyssée fantastique narrée avec la puissance musicale de Genesis et la folie des mots de Gabriel, son sosie réapparaît sur scène vêtu d’un improbable vêtement de martien boursouflé. Il se gonfle des bourses monstrueuses à l’air comprimé avant d’entamer l’hymne final It dédié à la puissance du sexe sur un emballement mélodique ultime It is here, it is now/ It is Real, it is Rael.
En rappel, The Musical Box jouera le titre éponyme The Musical Box extrait d’un autre monument des Genesis : Nursery Crime et nous laissera pantois, redescendre doucement des nuages psychadélo-progressistes sur lesquels ces mélodies nous ont ramenés. C’est la musique d’une époque dont l’incroyable créativité a traversé les années sans trop de rides.