Archive – 2009/10/10 – Paris le Zénith


Après un passage sur Arte (One Shot Not, émission mensuelle dont on ne dira jamais assez la qualité de la programmation) l’été dernier les Archive attaquent les choses sérieuses avec une tournée européenne passant Zénith de Paris ce soir, alors qu’un show case est annoncé à la FNAC début novembre et une nouvelle date prévue le 23 janvier à Paris. Hélas, trois fois hélas, Maria Q est absente pour ces premières dates de fin 2009.
Birdpen assure le warm up, trio 2 guitares / 1 batterie, avec aux cordes Mike Bird et Dave Pen qui se chauffe ainsi la voix. Une musique sombre et dépouillée de bonne facture.

La lumière s’éteint alors que démarre la petite intro entêtante de Controlling Crowds posée sur boucles électroniques. Une orgue d’église qui ouvre le bal et dont les trilles se faufilent dans les tympans réceptifs de communiants prêts pour la cérémonie, chemine sur nos synapses pour annoncer l’arrivée sur scène du groupe tout de noir vêtu. Darius et Dany assis devant leurs claviers encadrent le groupe de part et d’autre qui se lance dans l’interprétation quasi intégrale et non stop de leur dernier disque.

Controlling Crowd qui fait l’ouverture aligne 15 minutes de montée de tension sur fond d’un film lunaire où une foule de personnages masqués et revêtus de blanc se précipitent vers nous. Pollard déploie sa voix plate et puissante calé derrière son micro et noyé sous ses cheveux longs. Le tempo impressionnant martelé aux rythmes des pas cadencés de ces personnages filmés que l’on croirait sortis du réacteur explosé d’une centrale atomique est seulement interrompu par le refrain aérien et virginal où chacun respire pour un court répit avant la reprise de la machine folle : I’m scarred of their controlling crowds here they come/ I’m scarred of their controlling crowds here they come/…

Pollard enchaîne sur Bullets avec ses mélotrons tournoyants et romantiques et nous parle de sa fascination pour la belle dans le ciel incandescent Bullets are the beauty of the blistering sky/ And I don’t know why/ Personal responsability/ Personal responsability…

Chaque musicien est à sa place. Dany (portait craché de Richard Branson) semble parfois inoccupé devant ses machines qui parlent toute seule, assistant serein au déroulement de cette musique dont il est l’un des inspirateurs depuis l’origine. Darius (portait en brun de Flavio Briatore) est animé du même mouvement perpétuel qui lui fait battre la mesure du bras non occupé par ses claviers, chef d’orchestre putatif d’une mécanique tellement bien huilée qu’elle donne l’impression de se dérouler seule. Steve Harris, toujours cravaté, drible des rythmes et solos devant son ampli et fait les chœurs de temps à autres. Dave Pen est entré sur Words On Signs et Rosco John, le rappeur blanc aux dreadlocks blonds sur Qiuet Time, pour déclamer un texte touffus sur les airs planants de ses collègues, effet inattendu ! Il ne manque que Maria qui on le sait est absente mais nous rejoindra métaphoriquement pour chanter Collapse/Collide. Elle apparaît sur grand écran avec les premiers murmures de piano de ce morceau phare du dernier album, tellement Archive, tellement oppressant. Filmée en plan fixe, l’écran brumeux, stylisé façon cinéma d’antan, se découpe en fines bandes qui déconstruisent et redéfinissent le buste de l’artiste à mesure de l’avancement de la chanson. Le résultat est parfait, l’émotion en moins alors que le clone de Maria déclame Collapse, collide, our hearts collide.

L’album Controlling crowds est joué presque intégralement avant que le groupe ne se retire laissant le Zénith légèrement sur sa faim. Tout fut parfait, et surtout les compositions, la technique aussi, l’engagement des artistes n’a pas manqué, mais un petit quelque chose de frustrant plane entre nous, peut-être ce supplément d’âme qui d’un excellent concert fait un moment inoubliable. Sans doute l’aspect plus symphonique de leur dernier disque a écrêté les variations de leurs dernières prestations qui se prêtaient mieux au partage live que la succession des morceaux rythmés-planants servis ce soir. Il manquait la colère aujourd’hui !

Heureusement nos huit gaillards ont encore 30 minutes pour transformer l’essai et ils vont y réussir avec un enchaînement démarré sur i rappé par Rosko son bonnet de laine vissé sur ses locks (morceau coécrit en 1996 par lui-même, Darius et Roya Arab, sœur et chanteuse de Leila [Arab]) suivi de Numb et System où le groupe délivre toute l’énergie que les compositions de Controlling lui avaient fait intérioriser, alors c’est un concentré de violence déchaînée qui se calme sur le classique Again exsudant la douleur amoureuse sur un solo d’harmonica posé sur les arpèges électroniques obsédants, telle la dépression qui noie toute volonté sur son passage.

Archive : un groupe définitivement intéressant et novateur, à suivre le 23 janvier dans ce même Zénith.

Set list : Controlling Crowds/ Bullets/ Words On Signs/ Dangervisit/ Quiet Time/ Collapse/Collide/ Clones/ Bastardised Ink/ Kings Of Speed/ Lines/ The Empty Bottle/ Funeral
Encore : Londinium/ Numb/ System/ Again