Shannon Wright, une artiste étrange et inspirée, joue à l’Alhambra après la sortie de son dernier album Honeybee Girls. Venue d’Atlanta la musicienne américaine entrouvre les portes de son monde au cours d’une tournée française de petites salles. Peu connue dans l’hexagone elle a pourtant collaboré avec Yann Tiersen, amitié qui a donné un disque commun en 2004. Elle rassemble ce soir des spécialistes venus l’écouter avec ferveur.
Grande et mince, une tignasse longue et rousse en bataille, le plus souvent accrochée à une guitare électrique dont elle joue avec efficacité. Peu communicante ni souriante, l’essentiel est dans sa musique qui l’habite, qu’elle joue avec frénésie et qu’elle exhale douloureusement, parfois avec mélancolie. Elle est entourée d’une formation simple : bassiste / batteur / clavier-guitare.
Démarré sur Tall Countryside on s’attend à une prestation folk, le deuxième morceau nous détrompe aussitôt où elle laisse parler sa rage avec les trumpets d’une nouvelle année passée sans l’être aimé. Ses doigts cognent sur les cordes et libèrent un son brut, sa voix déchire l’atmosphère, ses cheveux s’ébouriffent et cachent son visage. Ce morceau sera représentatif de la face torturée de l’âme de Shannon et donc du concert, un monde en fusion et en fureur où se percutent les mots et les notes, un univers de noirceur où chemine avec créativité cette poétesse électrique. Il n’y a pas beaucoup de notes mais elles sont scandées avec un rythme obsessionnel qui suffit à imprimer leur esprit rock-blues, teinté underground.
Au milieu du déluge sont disséminés quelques moments de respiration (Black Rain). Shannon s’assied parfois au piano dont elle joue avec grâce et toujours la même sincère inspiration. Yann Tiersen vient l’accompagner au violon en rappel sur Louise. Et le show se termine avec Avalanche sur un déluge sonique dans lequel Shannon laisse une dernière fois parler la rage qui l’anime :
My man/ Dissolved in my hand/ Just like an avalanche/ He’s gone.
Couchée sur le dos elle continue à torturer sa guitare pour expurger une dernière fois les démons qui l’habitent avant de redevenir la timide Shannon, debout et reconnaissante face au public enthousiaste, frappant son cœur à défaut de pouvoir exprimer par des mots dits ce qu’elle a su si bien rendre en musique : l’émotion véritable d’une poésie musicale subtile et violente.
Le chroniqueur ému s’en retourne écouter Honeybee Girls en boucle et inscrire Shannon sur sa liste déjà longue des artistes à aimer.
Set list : 1- Tall Countryside, 2- Trumpets On New Year’s Eve, 3- Plea, 4- Black Rain, 5- Hinterland, 6- Defy This Love, 7- Within The Quilt Of Demand, 8- Less Than A Moment, 9- Black Little Stray, 10- Closed Eyes, 11- You’ll Be the Death
Rappels : 12- Louise (+ Yann Tiersen), 13- Ways To Make, 14-Father, 15-Fences Of Pales / Avalanche
Friction en première partie.