Sortie : 2018, Chez : fayard.
Idiss est le nom de la grand-mère de Robert Badinter, ancien ministre de la justice sous François Mitterrand, à la stature morale incontestable et qui mit en musique l’abolition de la peine de mort en France voulue par le président. Idiss est aussi le titre du livre hommage à sa grand-mère que M. Badinter vient de publier.
Issue d’une famille juive d’Europe orientale, de Bessarabie plus exactement (aujourd’hui la Moldavie) la grand-mère et ses enfants, dont la future mère de Robert, encore enfant à cette période, décident d’émigrer vers l’Ouest devant la multiplication des pogroms antisémites dans l’empire russe. Et c’est finalement à Paris qu’ils poseront leurs sacs et leurs destinées. Ils y vivront les affres d’un XXème siècle tragique et paieront un lourd tribu à cette barbarie qui les poursuivit jusqu’en Europe occidentale.
Ce livre raconte de façon émouvante le destin de cette famille et tout particulièrement le parcours d’Idiss qui n’avait jamais quitté son « yiddishland », ne parlait bien sûr pas un mot de français, mais qui, poussée par sa foi, son étoile et une inébranlable énergie déplaça sa famille vers la patrie des droits de l’Homme qu’elle croyait un abri sur pour les siens.
Tout ce petit monde se lança dans des activités diverses à une époque où la volonté suffisait généralement pour subvenir, même modestement, aux besoins des siens. Les enfants intégrèrent l’école de la République avec le destin que l’on sait pour Robert. Plus que tout ils étaient attachés à la République et ses valeurs, leur choc fut rude lorsqu’ils la virent s’effondrer en 1940. Leur confiance dans la France les rendit incrédules devant les persécutions de juifs qui commençaient à se mettre en place sous l’aval du gouvernement français.
Ils pensaient trouver la paix et la laïcité sous la bannière tricolore mais il n’en fut pas ainsi, le gendre d’Idiss, Simon Badinter, le père de Robert, mourut en déportation ainsi, que son fils Naftoul. Elle-même s’éteignit à Paris durant la guerre alors que sa fille chérie et ses deux petits-fils étaient passés en zone « libre » où régnait encore une sécurité précaire pour les juifs.
Ce récit reconstitué par Robert à partir des souvenirs de sa famille et les siens propres (il est né en 1928) est la touchante histoire d’une famille malmenée par l’Histoire qui traversa l’Europe pour fuir la barbarie mais s’y heurta néanmois ce qui n’empêcha pas ses membres survivants de… survivre et de réussir. C’est un bel hommage à cette grand-mère qui mena sa tribu vers la vie.