Des incidents navals opposent régulièrement en Méditerranée des bâtiments de la marine turque à ceux de la flotte de l’OTAN, l’organisation du Traité de l’Atlantique Nord dont fait aussi partie la Turquie… Le dernier en date s’est déroulé fin mai alors qu’un navire français participant à l’opération de sûreté maritime Sea Guardian assurant une veille sur toute activité pouvant représenter une menace ou un soutien au terrorisme international, voulut contrôler un cargo supposé transporter du matériel militaire de Turquie vers la partie de la Libye gouvernée depuis Tripoli par le gouvernement reconnu par la communauté internationale et fermement soutenu par Ankara. La Libye étant sous embargo concernant les armes, l’intervention de l’OTAN vise à faire respecter celui-ci. Elle a tourné court car le cargo était escorté par des navires militaires turcs qui ont menacé de tirer sur la frégate française en « l’illuminant » de ses radars de tir, ultime étape avant le déclenchement d’un tir.
En résumé un pays membre de l’OTAN, protégeant un probable trafic d’armes vers un pays sous embargo, a menacé un second pays membre de l’OTAN. Ambiance… En réalité, la Turquie conteste cet embargo arguant que la Russie qui soutient la rébellion libyenne alimente celle-ci en armes par la voie aérienne et que personne ne la contrôle. C’est un fait, et la France qui avait tout de même envisagé de vendre des centrales nucléaires et des avions de combat à la Libye de Kadhafi, avant de déclencher en 2011 l’intervention militaire qui a déposé celui-ci, n’est probablement pas la mieux placée pour donner des leçons de droit international à la Russie ou à la Turquie…
Le véritable enjeu réside plutôt au niveau de l’Alliance atlantique qui fait face à de véritables questions existentielles dans un monde post-guerre froide et qui affronte une véritable sécession en son propre sein avec un pays en quête de rétablissement de sa puissance au détriment des autres, ne facilitant pas la réflexion en cours sur l’avenir de cette alliance. La Turquie fait feu (si l’on ose dire) de tous bois et ne perd pas son temps dans d’interminables états d’âme. Elle n’hésite pas à employer la brutalité ou la menace à l’encontre de ses « amis » lorsque cela sert ce qu’elle croit être ses intérêts. Après tout, elle posa sa candidature pour entrer dans l’Union européenne alors qu’elle occupe illégalement une partie de Chypre, Etat-membre de l’UE, depuis 1974. Le jeu consiste pour Ankara à faire peur avec culot pour obtenir ce qu’elle veut. Après-tout, quel pays occidental est prêt à déclencher une guerre pour empêcher la Turquie (ou la Russie) de livrer des armes à une Libye en pleine déconfiture (qui plus est, du fait d’une intervention militaire occidentale de 2011) ? Sans doute aucun ! En tout cas la frégate française n’a pas ouvert le feu sur son « partenaire » turc comme le veut la procédure lorsque le navire « ennemi » allume ses radars de tir contre un autre bateau.
Le sujet est de savoir s’il y a moins d’inconvénients à garder la Turquie dans l’OTAN que de l’en sortir, dans l’hypothèse optimiste où tous les autres membres seraient unanimement d’accord pour montrer la porte de sortie à cette nation religieuse turbulente. Pour le savoir, il faudrait tenter l’expérience… Comme une famille ou une assemblée de copropriétaires, une union stratégique fonctionne harmonieusement lorsque ses acteurs sont bien élevés et de bonne compagnie. La Turquie ne rentre plus dans cette catégorie depuis longtemps et le reste de la famille supporte pour le moment les gesticulations de ce gamin de mauvaise compagnie.