Pour sa réouverture après quatre années de travaux, le Musée Carnavalet présente une exposition temporaire Cartier-Bresson (1908-2004) sur Paris. Photographe majeur du XXème siècle, proche des surréalistes, compagnon de route du Parti communiste français, il voyage très tôt à travers la planète, il photographie nombre d’évènements clés de son temps : la guerre d’Espagne, la libération de Paris en 1944, la partition des Indes coloniales, la mort de Gandhi, la révolution cubaine, Mai 68 à Paris… Photographe il s’essaye aussi au cinéma, fut assistant de Renoir dans les années 1930 et tourne quelques films politiques. Fait prisonnier pendant la guerre, il s’évade et entre dans la résistance.
Alors que le photographe à beaucoup voyagé et travaillé de par le monde il est souvent revenu à Paris retrouver son port d’attache. Il a laissé de très nombreuses photos de ses pérégrinations dans la capitale dont celles présentées à Carnavalet. On y trouve des regards émouvants sur la vie de tous les jours de parisiens de milieux populaires : pique-niques sur les bords de Marne, gamins jouant dans les rues, devantures de magasins… mais aussi des portraits de sujets qu’il admire : Mauriac, Ezra Pound, les obsèques d’Aristide Briand, Sartre… et d’autres moins connus.
On est frappé par la justesse des mises en scène où tout semble instantané mais réglé au cordeau. C’est sans doute la définition du talent. Cela révèle en tout cas l’incroyable coup d’œil de l’artiste qui fait rentrer sous terre le photographe déplorable qu’est devenu aujourd’hui n’importe quel possesseur de smartphone ! Le sens de la géométrie propre à Cartier-Bresson est aussi révélé de façon éclatante dans nombre des clichés présentés. Un quai de seine, un alignement de voies ferrées, un escalier de Montmartre, le photographe repère les figures ainsi formées pour en faire un décor des plus harmonieux sur lequel s’incruste son sujet principal dans une magie de lignes, comme sur un calque d’architecte, mais il s’agit de la réalité. Une vraie réalité d’ailleurs puisqu’il précise ne jamais compromettre avec les tirages : pas de retouche, pas de suppression. Ce qui est sur le négatif est agrandit sur le papier.
A mon sens, la photographie a le pouvoir d’évoquer et ne doit pas simplement documenter. Nous devons être des abstraits d’après nature.
On apprend par ailleurs que l’artiste a appris le dessin au crépuscule de sa vie. Certains d’entre eux sont exposés, montrant le Parc des Tuileries croqué depuis la fenêtre de son appartement de la rue de Rivoli.
Une très belle exposition qui permet aussi de mieux connaître l’intéressante personnalité du photographe.