Avec un bel ensemble, les politiques et les journalistes se prennent les pieds dans le tapis en mélangeant les termes de « partage de la valeur » et de « partage de la valeur ajoutée » alors qu’ils pensent au « partage des bénéfices ». Il leur faut relire Marx qui a longuement délayé ce sujet dans le premier tome du « Capital » ainsi que « Salaire, prix et profit » du même auteur. Ces réflexions décousues sont renforcées ces derniers temps par la publication des résultats 2022 très significatifs publiés par les compagnies liées au secteur énergétique, tous semblant s’étonner que lorsque que les prix augmentent, en principe, les bénéfices suivent.
Alors les idées fusent pour taxer ces profiteurs et mieux répartir « la valeur » on ne définit pas ce que cette « valeur » que l’on veut partager entre les salariés et les actionnaires, les premiers apportant leur force de travail et les seconds leurs sous. En réalité, les salaires versés aux salariés font partie de la valeur ajoutée dont une définition simple est [Valeur ajoutée = Valeur de la production – Coûts intermédiaires]. En français cela signifie que la valeur ajoutée est composée de toutes les charges de l’entreprise moins ce qu’elle achète à l’extérieur, elle comprend donc bien les salaires payés aux salariés mais pas les dividendes rétribuant les actionneurs apporteurs de capitaux. Dans le partage de la « valeur ajoutée » le salarié a beaucoup et l’actionnaire n’a rien.
En revanche, dans le « partage des bénéfices », l’actionnaire reçoit des dividendes, le cas échéant, et le salarié peut recevoir une participation si son employeur est éligible au processus « d’intéressement/participation » mis en place en France sous le Général de Gaulle et consistant à octroyer aux salariés une répartition du bénéfice (la participation), s’il y a bénéfice bien entendu, ce qui s’assimile aux dividendes versés aux actionnaires, et un bonus dépendant de l’atteinte d’objectifs (l’intéressement) qui est comparable à un supplément de salaire.
Les partenaires sociaux viennent de convenir d’élargir les entreprises éligibles à l’intéressement/participation qui devraient désormais bénéficier à plus de salariés. Les syndicats ouvriers les plus à gauche ne sont pas d’accord car ils privilégient l’augmentation des salaires qui est plus automatique que le versement d’un intéressement et d’une participation qui est conditionné à l’atteinte d’objectifs pour le premier et à la réalisation d’un bénéficie pour le second. Marx indiquait d’ailleurs que si une entreprise réalise un bénéfice c’est donc qu’elle sous-paye les travailleurs… la position des syndicats de la gauche dure intègre ce principe !
En résumé quand on parle de partage de valeur dans l’entreprise entre les salariés et les actionnaires, il faut mettre dans la balance aussi les salaires déjà versés aux salariés. Ensuite, il n’est pas interdit de partager les bénéfices, ou d’améliorer ce partage lorsqu’il existe déjà. C’est ce qui est en train de se mettre en place en France et c’est aussi bien.