C’est un torrent de rock et de fraicheur qui a débordé sur l’arène de Bercy ce soir emportant tout sur son passage, le retour des Louise Attaque sur la route depuis fin 2022 a connu ici une apothéose.
La scène ronde surélevée est installée au milieu du parterre avec en son centre comme une immense manche-à-air installée verticalement entre sol et plafond. Et lorsque les lumières s’éteignent et que retentit un sonore « Paris » lancé par Gaëtan, la manche à air se relève en s’enroulant sur elle-même, dévoilant une petite estrade ronde supportant le batteur et les trois Louise historiques qui jaillissent aussitôt pour s’égayer sur la scène. Des pieds de micro sont installés à chaque quart de la scène et les musiciens vont s’y relayer pour faire face alternativement à chaque quart de public. Tous les deux ou trois morceaux, un roadie se faufile discrètement sur la scène pour faire réaliser un quart de tour à l’estrade du batteur qui a ainsi l’occasion de battre devant tous les spectateurs.
A peine toute cette installation stabilisée le groupe entame Amours. Gaëtan Roussel, grand gaillard, les veines saillantes sur son crane glabre, est habillé d’un blouson de cuir bicolor, bleu nuit et crème, et de sa guitare acoustique rayée de partout. Arnaud Samuel le violoniste porte une veste élégante et de grosses lunettes, Robin Feix est en tenue plus détendue derrière sa grosse basse acoustique sous une casquette de titi parisien. Le batteur est le jeunot du quatuor qui l’a rejoint en 2015 après le départ Alexandre Margraff.
A peine terminé Amours sur les chapeaux de roue, Gaëtan court partout en interpellant « Paris » avec qui il va dialoguer tout au long du concert, pour nous annoncer cette fois-ci que le groupe va rejouer intégralement son premier disque, « Louise Attaque », sortie il y a 25 ans, déjà. Le groupe était alors totalement inconnu et ce disque rock, chanté en français, aux textes malins, a été alors vendu à 2 ou 3 millions d’exemplaires, déclenchant une bordée de tubes inoubliables qui sont tous repris ce soir dans l’enthousiasme général : J’t’emmène au vent, Les nuits parisiennes, Fatiguante… Et puis quand Gaëtan annonce une « vieille copine » on sait qu’il va nous reparler de l’inoubliable Léa :
Léa
Elle est pas terroriste
Elle est pas anti-terroriste
Elle est pas intégriste
Elle est pas seule sur Terre
Elle est pas commode
Non, elle est pas comme Aude
Elle est pas froide
Elle est pas chaude pour une nuit, réaliste
Elle est pas créditeur
Elle est pas méchante
Mais putain qu’est ce qu’elle est chiante…
Repris en chœur par tous ceux qui connaissent si bien la vieille copine Léa !
Sur Fatiguante, le final instrumental n’en finit pas lorsque Gaëtan nous crie « on est bloqués Paris, on est bloqués »… et de demander à la foule un gros effort pour crier et débloquer la machine. Et figurez-vous que cela fonctionne à la fin !
Sur le final de Cracher vos souhaits la manche à air est re-déroulée jusqu’au sol, cachant la batterie. Les 3 Louise restant tournent autour en chantant a capella, la voix de Gaëtan juste posée sur la petite ritournelle de violon. Et puis la manche à air est enroulée, il n’y a plus de batterie sur la scène mais une nacelle qui descend du ciel avec à bord, la batterie et un second guitariste, pendant que qu’émerge du sol un claviériste et ses claviers. Les deux nouveaux portent fièrement le masque de Louise avec ses grands yeux et ses cheveux roux qu’ils gardent pendant la chanson Sortir de l’ordinaire qui introduit cette deuxième partie comme le dernier disque « Planète Terre ».
Le set est plus électrique et puissant grâce à l’apport des deux musiciens additionnels. Sur La frousse, les trois anciens s’assoient sur la nacelle qui remonte à un mètre de hauteur pour la durée de la chanson. A l’atterrissage, chacun s’empare d’une guitare électrique pour une interprétation éblouissante de Si l’on marchait jusqu’à demain. C’est le seul moment où Arnaud laisse son violon, il est chargé de la petite ritournelle de guitare qui ponctue la chanson :
Avalé par des yeux immenses
En parler comme si c’était les miens
Nager dans tes yeux leur élégance
Voilà que moi, je baisse les miensLonger tes jambes, immenses
Tout ça mais comme alors si de rien
Et ta démarche, quelle élégance
Si l’on marchait jusqu’à demainOui mon chapeau, c’est une évidence
N’a rien à voir avec le tien
Mais notre amour, notre exigence…
L’arène de Bercy transpire avec ses héros.
Mais la fin du show se profile, sur un Tu dis rien qui s’étire à l’infini, les deux nouveaux musiciens chaussent leurs masques de Louise et Gaëtan joue une dernière fois avec son public en lui faisant réaliser des Hola ! avec téléphones allumés. C’est joyeux et bon enfant, suivi de la longue présentation des musiciens et de tout le staff, un par un suivi d’un sonore « s’il vous plaît » pour provoquer les applaudissements délivrés de bon cœur par une assistance aux anges.
Pour le rappel, les 3 historiques sortent de terre sur la nacelle qui tourne sur elle-même, en chantant cette simple et mélancolique chanson, l’Insouciance, trois notes de bass et une ritournelle de violon.
Ressentir petit à petit
Plonger sans trouver d’abri
Et l’insouciance qui me fuit
Sentir son coeur qui s’amoindrit
Il est si tard aujourd’hui
Pas envie, pas envie, pas envie
Et l’insouciance qui me fuit
Voila le train qui me conduit
Et puis comme personne n’arrive à partir, le groupe reprend J’t’emmène au vent, à six cette fois-ci, et termine le morceau dans la fosse en une longue chenille qui chemine au milieu des fans repus et débordant de bonheur, avant de disparaître par l’une des portes du fond avec un puissant « Paris on vous aime ».
Ce groupe singulier et sympathique a marqué encore une fois par la qualité de sa musique et de ses textes, ainsi que par l’enthousiasme qu’il partage sur scène et déclenche dans les gradins. Une délicieuse soirée musicale !
Setlist
Set 1 : album Louise Attaque
Amours/ J’t’emmène au vent/Ton invitation/ La Brune/ Les nuits parisiennes/ L’imposture/ Savoir/ Arrache-moi/ Léa/ Fatigante/ Tes yeux se moquent/ Vous avez l’heure/ Toute cette histoire/ Cracher nos souhaits
Set 2 :
Sortir de l’ordinaire/ Nous, on veut vivre nous/ La frousse/ Si l’on marchait jusqu’à demain/ Lumière du soir – Lumière du jour/ Si c’était hier/ Avec le temps/ Tu dis rien
Encore :
L’insouciance/ J’t’emmène au vent
Warmup : Manon Bouquet présente Réalité dans lequel 3 danseurs et 2 danseuses sont lancés dans cet espace circulaire et tournicotent autour de la manche à air sur un fond musical dans une sorte de danse mi-contemporaine mi-hip-hop, pas désagréable à regarder.