Nicolas de Staël (1913-1955) est exposé à Paris. Peintre né à Saint-Pétersbourg dans une famille noble qui émigre au moment de la révolution bolchévique en Pologne où ses parents décèdent, il est ensuite accueilli dans une famille aimante en Belgique avec ses deux sœurs où sa passion pour la peinture est révélée. Il poursuit ensuite son chemin en France (il est naturalisé en 1948) jusqu’à son suicide à Antibes à l’âge de 41 ans. Personnalité « intranquille et mélancolique » il vit des passions amoureuses tout au long de sa vie et l’éloignement de Jeanne Polge, le dernier amour de sa vie, n’est sans doute pas étranger à sa fin tragique. Jeanne lui avait été présentée par René Char avec qui le peintre entretint une forte amitié, parfois houleuse.
La rétrospective suit l’inspiration et le travail de l’artiste tout au long de sa trop courte vie, en commençant par les tableaux abstraits, un peu confus et torturés, à base de couleurs sombres, noir ou marron. Différents voyages et résidences au sud de la France et en Italie vont progressivement ouvrir le peintre à la couleur dont le musée d’Art Moderne présente nombre d’œuvres flamboyantes illustrant ses séjours à Antibes, en Normandie, au Lavandou, en Sicile, en Ile-de-France ; des paysages dessinés à gros traits entassés de peinture épaisse, des couleurs éclatantes et originales relatant la vision très singulière du peintre, des formes floues évoquant des personnages sur la plage ou des bateaux en mer, des perspectives très épurées ; mais aussi des portraits du même acabit, notamment celui de sa fille Anne qui raconte dans une vidéo qu’elle avait 11 ans quand son père l’a fait poser dix minutes dans la maison de Ménerbes pour peindre ensuite la toile présentée aujourd’hui, une merveille de couleurs, de silhouette esquissée et de formes floues et fuyantes dont la grâce restitue toute la fragilité de l’adolescente. Il y a aussi nombre de tableaux des femmes qui l’ont inspiré, toujours de la même veine, des formes de corps évoquées dans la couleur plus que de véritables portraits.
De Staël a commencé à vendre et exposer ses toiles dans les années 1950 et put sortir ainsi progressivement de la précarité matérielle qui a marqué ses débuts. Curieux et l’œil toujours en éveil il peint aussi des tableaux de grande dimension après avoir assisté à des concerts de musique, classique et jazz, ou à des matchs de football. Travailleur acharné il laisse de nombreuses toiles inachevées à sa mort en 1955.
Nicolas de Staël fut un peintre fulgurant, emporté par ses passions, qui a marqué son époque. Ami de Braque, de Char, de Boulez, il a développé une insatiable soif de vivre que son œil et son talent hors du commun lui ont permis de restituer sur des toiles magiques. Quelle tristesse qu’il n’ait pu résister au côté sombre de sa personnalité qui lui fit interrompre prématurément sa vie et une œuvre artistique importante !
Toute ma vie j’ai eu besoin de penser peinture, de voir des tableaux, de faire de la peinture pour m’aider à vivre, me libérer de toutes les impressions, toutes les sensations, toutes les inquiétudes auxquelles je n’ai jamais trouvé d’autres issues que la peinture.
Nicolas de Staël