La sympathique fratrie australienne folk Angus & Julia Stone revient avec un nouvel album : Cape Forestier, et une tournée mondiale qui passe ce soir par le Grand Rex.
Un grand tapis est installé au centre de la scène, pointe vers le public, sur lequel se répartissent les musiciens, tous assis sur des chaises de bistrot. Des lampes et lampadaires sont réparties de-ci de-là, la scène est surmontée par d’autres luminaires multicolores. On se croirait dans le salon d’une maison de bucheron du bush australien, il ne manque que le feu de cheminée. Julia est vêtue d’une longue robe dans les verts, recouverte d’un voile vaporeux. Angus a réduit son système pileux, cheveux et barbe, qu’il affichait plutôt fourni lors des tournées précédentes. Leur guitariste reste dans la totale coolitude, queue de cheval et chapeau de cow-boy, alternant la guitare avec la slide guitare, en passant par le banjo, avec nonchalance. Ses quelques solos discrets sont la marque d’un vrai talent. La bassiste vient d’Auckland, la batteuse est de Sidney, elles assurent aussi les chœurs.
Leur nouveau disque est inspiré par les grands espaces, ceux de l’océan, mais aussi ceux des sentiments et de l’introspection. Il a été écrit et enregistré dans le studio de Sugarcane Moutains, installé dans le manoir d’Angus à Murwillumbah sur la côte est de l’Australie. Les photos du lieu parsèment le livret du CD et donnent une idée de l’atmosphère feutrée des compositions. D’autres chansons furent écrites au hasard des chambres d’hôtel fréquentées lors de leurs tournées. Comme toujours, ils autoproduisent leur musique qui est donc réellement issue de leur créativité qui assemble simplicité et élégance. Sur leur site web ils écrivent :
Cape Forestier, our latest record, holds a really special place in our hearts – a chapter in the ever-unfolding book about the road we’re traveling together.
It feels reminiscent of our earlier records in terms of style; there’s a real acoustic rawness to the sound. However, the songwriting and performances are naturally tied to the humans we are right now, with all the branches of experience hanging in there. We couldn’t be more excited to share this music. It’s been an incredible experience writing and recording these songs together.
Le concert commence avec cette longue mélopée, Santa Monica Dream, extraite de leur premier album, chantée en duo sur des notes de guitare toutes simples. La voix de Julia est accompagnée en sourdine par Angus, merveilleux duo fraternel. Il est question de souvenirs enfantins, de ceux que l’on traîne toute une vie, de choses qui furent et d’êtres que l’on aimât, que l’on trompa, que l’on quitta mais qui restent vivaces au plus profond de nos mémoires.
You tell me stories of the sea
And the ones you left behind
Goodbye to the roses on your street
Goodbye to the paintings on your wall
Goodbye to the children we’ll never meet
And the ones we left behind
Le ton est donné avec cette ballade mélancolique sortie en 2010, comme pour rappeler l’inspiration originelle du groupe malgré quelques incursions plus électriques et rythmées au cours des albums. Losing You est le premier extrait de leur dernier disque. Encore une histoire de fuite et de séparation, de regrets et de poursuite. Down to the Sea est le single de ce CD, posé sur une rythmique douce et entraînante. Cape Forestier interroge à nouveau sur nos origines et nos destinations, un joli solo de guitare électrique nous montre la voie vers un destin apaisant.
Julia délaisse sa guitare de temps en temps pour jouer d’un petit clavier posé sur un guéridon, ou elle s’empare d’une trompette de la main droite sans lâcher sa guitare de la gauche. Elle demande l’aide des spectateurs pour une reprise de la chanson de Joe Dassin Aux Champs-Elysées et fait revenir Solann qui a assuré la première partie pour l’interpréter en sa compagnie. Ce fut difficile nous dit-elle, d’apprendre ce texte en français, elle apprécie d’autant plus le partage avec le public parisien qui le lui rend bien. Derrière un look d’éleveur de l’Outback en gros godillots Angus affiche sa grande finesse. Il a un toucher de cordes très singulier, sa main droite les effleurant en restant à plat. Sa voix se perd un peu dans le lointain lorsqu’il s’éloigne du micro en accompagnant sa sœur.
Avant Wedding Song, Julia raconte que, lorsqu’ils étaient enfants, elle et Angus écoutaient leurs parents qui leur ont enseigné la musique, classique et folk, et qui chantaient dans des groupes de reprises pour des mariages ou autres cérémonies où ils jouaient les Beach Boys, Dylan, Neil Young… Et justement, Wedding Song a été écrite par Angus à cette époque, lorsqu’il avait 15 ans, puis ressortie des cartons pour le disque de 2024.
Le show se termine sur le très beau Big Jet Plane qui nous ramène au point de départ, celui de l’album Down the Way.
Le rappel est une reprise de Neil Young, Harvest Moon, l’un des inspirateurs du duo. Elle est jouée par tous les musiciens du groupe réunis, debout, sur le bord de la scène. Une merveilleuse chanson d’amour dédiée aux rêveurs :
Come a little bit closer, hear what I have to say
Just like children sleeping, we could dream this night away
But there’s a full moon rising, let’s go dancing in the night
We know where the music’s playing, let’s go out and feel the night
Leurs deux voix si joliment posées font penser à des duos célèbres comme celui de Simon & Garfunkel ou aux harmonies vocales produites par les Beach Boys. Angus et Julia ont parfois tourné séparément mais c’est ensemble qu’ils réussissent cette fusion magique de leurs voix légères, éthérées, profondes, souvent à la limite de la brisure.
Le Grand Rex fond sous le charme de ce duo si séduisant dont la musique coule de source comme une évidence pleine de douceur. Julia rend un hommage appuyé à son petit frère et on ne peut s’empêcher de penser au caractère légèrement incestueux de cette fratrie qui coécrit des chansons d’amour et de rupture, les met en musique et les interprète ensemble sur les scènes du monde. C’est leur histoire à deux qui est aussi à l’origine de cette musique, c’est leur complicité qui permet cette interprétation si touchante.
Setlist : Santa Monica Dream/ Losing You/ Yellow Brick Road/ Nothing Else/ Just a Boy/ Flowers (Miley Cyrus cover)/ Draw Your Swords/ Down to the Sea/ Private Lawns/ Cape Forestier/ Wherever You Are/ Bella/ Les Champs-Élysées (Joe Dassin cover) (with Solann)/ The Wedding Song/ Love Song/ For You/ Chateau/ Big Jet Plane
Encore : Harvest Moon (Neil Young cover)
Warmup: Solann