Dans ce film de Boris Lojkine, Souleymane est un immigré guinéen qui a déposé une demande pour bénéficier du statut de réfugié politique en France. Il est livreur à vélo pur une société de livraison mais utilise le compte d’un homme camerounais qui le « sous-traite » et le rackette au passage. Il est coaché par un autre guinéen qui le prépare à son entretien devant l’OFPRA (l’Office français de protection des réfugiés et apatrides) en essayant qu’il se fasse passer pour l’opposant politique au régime guinéen qu’il n’est pas. Bien sûr, il faut aussi payer pour ce coach de circonstance qui fournit de faux documents.
Alors Souleymane pédale toute la journée pour porter des repas chez des consommateurs plus ou moins aimables, pour chercher son argent chez le Camerounais qui le vole, pour fuir le Guinéen à qui il doit, pour attraper le bus, ou le rater, qui l’emmène se nourrir et dormir dans un foyer. Il lui reste peu de temps pour préparer son entretien avec l’OFPRA. L’agente de cette administration a déjà entendu dix fois cette fausse histoire de réfugié politique et le pousse, avec beaucoup de douceur, à révéler sa vraie histoire. Le spectateur ému a tendance à croire cette nouvelle version, mais peut-être est-ce une autre fable ?
Ce film est aussi émouvant que désespérant en ce qu’il marque l’irrépressible attrait des citoyens de pays pauvres pour migrer vers les pays riches, et l’incapacité de ceux-ci à accueillir tous les premiers. Le scénario serait partiellement inspiré de la vraie vie de l’acteur amateur Abou Sangaré. Il déroule la situation de façon intelligente sans sombrer dans les polémiques de Café du commerce sur ce sujet très sensible de l’immigration, régulière comme illégale. Selon que l’on s’attache au cas personnel de Souleymane ou à la problématique générale de l’accueil des immigrés dans un environnement souvent hostile, le regard est différent. Les spectateurs ressortent sans doute de cette séance avec les idées qui étaient les leurs en y entrant.