L’Orchestre philharmonique de Radio-France s’est tourné vers l’est ce soir. Le chef polonais Krysztof Urbanski dirige la « Petite suite » du compositeur polonais Witold Lutostawski (1913-1994), une pièce moderne sortie en pleine période « idéologique » soviétique quand il fallait que la musique reflète « le réalisme socialiste » (Staline a fait récrire des symphonies à Chostakovitch car elles ne correspondaient pas à la doxa du parti communiste). La Petite suite se sort bien de ce carcan culturel en s’inspirant des musiques folkloriques polonaises. L’utilisation renforcée du piccolo marque ce tropisme.
Le célèbre pianiste russe Eugeny Kissin, né en 1971, vient ensuite interpréter le concerto en fa dièse mineur, op. 20, d’Alexandre Scriabine (1871-1915), toujours sous la baguette du chef polonais. Créé en 1897 (l’année du décès de Brahms) ce concerto se révèle assez classique dans son romantisme, le soliste est glorieux. A douze ans il interprétait déjà les deux concertos pour piano de Chopin… On a parfois l’impression que le piano est un peu noyé sous l’orchestre, sans vraiment identifier si c’est une question de placement de certains spectateurs ou alors prévu dans la composition ?
En deuxième partie l’orchestre joue la Symphonie n°6 en si mineur, op. 74 de Tchaïkovski, crée en 1893. Baptisé « Symphonie Pathétique » on comprend mieux cette appellation lorsque le chef reste un long moment silencieux après avoir replié sa baguette à l’issue du quatrième et dernier mouvement, l’Adagio lamentoso, dont l’inspiration tragique serre les cœurs. Tchaïkovski est mort quelques jours après la création de cette œuvre qui fut son chant du cygne. On a parlé du choléra ou d’un empoisonnement pour expliquer sa mort à seulement 53 ans. On a aussi évoqué un suicide pour avoir dévoyé un jeune officier.
Cette musique russe, Scriabine et Tchaïkovsy, comme Kissin, sont russes, dirigée par un Polonais, démontrent quand même l’attachement culturel de la Russie à l’Occident, au moins à cette époque. Malgré Chostakovitch, les événements géopolitiques récents révèlent que ce pays est en train de changer de camp. C’est aussi pathétique que la symphonie éponyme de Tchaïkovski. Après de tels apports à la musique, c’est d’une grande tristesse, mais ne n’est pas avec des concertos que la planète est gouvernée ! Et la musique est loin d’être universelle, hélas, pas plus que les droits de l’homme.


Laisser un commentaire