La Turquie est prise dans une agitation politicienne marquante depuis ces dernières semaines. Gouvernée depuis dix ans par un parti religieux et dirigée par Erdogan, un moustachu énergique, elle a connu un développement économique plutôt favorable et continué, sans trop d’enthousiasme ni de certitude, ses négociations pour adhérer à l’Union européenne, entamées depuis le Traité de Rome en 1958.
Sûr de lui Erdogan a plutôt finement mené sa barque, faisant doucement évoluer le pays vers un islam politique raisonnable, sans remettre fondamentalement la laïcité kémaliste, muselant progressivement l’armée, traitant avec l’opposition kurde, restant un membre clé de l’OTAN, et surtout donnant de la croissance économique à ses électeurs, ce qui fait passer bien des pilules et a permis les réélections successives de son parti AKP au cours de processus démocratiques.
Depuis 2013 les choses ne sont plus si simples et le garçon dérive quelque peu vers une direction autoritaire qui déplaît à nombre de ses citoyens. On se souvient des manifestations étudiantes début 2013 réprimées sévèrement, voici maintenant qu’éclate un scandale de corruption qui touche certains de ses proches au gouvernement et le plus grosse banque publique. Tout ce petit monde aurait commercé avec l’Iran sous embargo et trafiqué avec la Perse. Erdogan éructe, accuse ses opposants, l’étranger, l’ambassadeur américain, bref, la terre entière de ses déboires. Il a été obligé de remplacer la moitié de ses ministres dont certains ont été arrêtés par une justice faisant preuve d’une indépendance plutôt inattendue… Il jure qu’il ne démissionnera pas.
Quoi qu’il en soit, le pouvoir use et sauf quelques très rares exceptions, 10 années aux commandes pour une même personne est une durée qui entraîne forcément tentations et dérapages, isolement et ambition dévorante, révérence de l’entourage et déconnection avec les réalités. Nous en sommes là en Turquie !
Le lascar risque sans doute de perdre quelques électeurs (les jeunes et les modernes) dans l’aventure mais devrait en garder suffisamment pour que lui et son parti soient réélus aux prochaines échéances, prolongeant encore ainsi son consulat sur le pays.