Dette et dîners en ville

La presse glose sur les eurobonds qui seraient la panacée pour sauver l’Europe. En fait, il s’agit juste d’un outil supplémentaire pour refiler le mistigri à quelqu’un d’autre et continuer à pouvoir dépenser tranquillement. L’Europe en tant que telle n’étant pas endettée, nos politiciens y voient donc un véhicule idéal que l’on peut… endetter à son tour. Si on allait dans cette direction, cela donnerait une bouffée d’oxygène aux Etats mal gérés qui pourraient ainsi retarder les incontournables décisions à prendre c’est-à-dire l’équilibre des recettes et des dépenses, car eurobonds ou pas, il faudra bien un jour que nos Etats et nous, citoyens de ces Etats déliquescents, acceptions le principe que nous devons sur la durée dépenser moins que nous ne gagnions, ne pas vivre au-dessus de ses moyens.

Dans les dîners en ville ces mêmes citoyens font souvent preuve d’une coupable indulgence envers nos comportements collectifs irresponsables et la mauvaise gestion de nos finances publiques. Alors que chaque ménage s’applique généralement à lui-même, sauf exception, la règle de gestion ne pas vivre au-dessus de ses moyens, il a du mal à étendre ce principe aux finances publiques qui relèvent pourtant globalement des mêmes principes et contraintes : quand il y a des sous dans la caisse, on peut les dépenser, quand il y en a plus, il faut réduire ses dépenses et/ou augmenter ses recettes, l’endettement pouvant compenser provisoirement un déficit, mais seulement provisoirement car il a ses limites : la confiance du prêteur.

Les eurobonds c’est un peu comme les subprimes de 2008 : on fait un sandwich avec de la bonne dette (pays du nord) et de la mauvaise (pays du sud), et on espère que le consommateur-prêteur mordra à pleines dents sans s’apercevoir de la supercherie. Le problème c’est qu’on l’a déjà grugé en 2008 en lui tartinant une couche de subprimes au milieu de deux couches de bon crédit, et il s’y est endommagé les molaires. Dieu merci pour sa dentition carnivore le contribuable mondial est venu tempérer ses douleurs mais il lui reste encore un petit élancement dans les gencives alors il n’est pas évident qu’il morde à l’appât des eurobonds sans un engagement des contribuables qui lui épargne à l’avance toute rage de dents si le produit s’avérait toxique…

Comme disait un oracle en 2008 : « on ne résout pas un problème de dette en s’endettant. »