« Le retour des hirondelles » de Li Ruijun

Ce film du réalisateur chinois Li Ruijun nous montre la Chine rurale, plus proche du moyen-âge que de l’agriculture moderne, à travers le parcours émouvant d’un couple réuni par un mariage arrangé, tous deux méprisés par leurs familles respectives plus tournées vers la recherche de la prospérité que du bonheur conjugal de leurs enfants… Elle a été battue comme plâtre dans son enfance ce qui l’a rendue incontinente, lui est attaché à son âne qui l’aide de la cuture de son petit lopin de terre. Nous sommes au bout du monde, le village est entouré de dunes de sable et voit progressivement la ville arriver vers lui, celles des immeubles « modernes » où l’Etat veut reloger les paysans après avoir détruit leurs cahutes en terre séchée, celle des Chinois avides d’enrichissement qui souhaitent mettre fin au mode de vie ancestral des paysans. Comment les urbains peuvent-ils comprendre l’attention portée par le coupe aux nids d’hirondelles accrochés aux murs de leurs cabanes ?

Il ne se passe pas grand-chose durant ce long métrage de deux heures quinze qui défile au gré des quatre saisons d’une année ponctuée par les semences, la plantation, la récolte, la vente de celle-ci et le remboursement des dettes. Pas grand-chose sinon l’apparition de la tendresse qui naît entre ces deux êtres rebus d’une société chinoise qui les abandonne. Tout ceci ne se termine pas très bien pour eux et l’on comprend mieux pourquoi la diffusion de ce film a été brutalement interrompue en Chine. Même si non officiellement censuré, il se dit que le pouvoir chinois n’a pas apprécié l’image qui lui est ainsi attribuée d’abandonner son peuple rural dans la misère.

On peut imaginer que les situations décrites dans ce film sont réelles, au moins dans certaines régions du pays. Elles ont existé en Europe et la transition vers la modernité ne s’y est pas non plus faite sans douleur.

Au-delà de la traditionnelle opposition villes/campagnes, ce film est émouvant en ce qu’il traite de la tendresse entre deux personnes défavorisées, qui leur apporte le réconfort dans une vie de labeur et de misère. Il faut être patient devant ce film lent et méditatif, mais la patience est récompensée.