Des voyous ont attaqué une voiture de police en faction à Viry-Châtillon. Après en avoir bloqué les portes ils y ont jeté un cocktail Molotov. Un policier est très gravement brûlé et sa corporation manifeste depuis plusieurs jours dans les rues. La voiture surveillait une caméra de… surveillance censée filmer les dealers du coin et leur florissant business. On peut imaginer que ce sont ces dealers qui ont mené cette attaque pour protéger leurs affaires mais la justice le dira un jour peut-être.
Aussitôt le crime connu les politicards se sont emparés du sujet pour s’accuser les uns les autres de l’habituel « laxisme » qui semble être le qualificatif de circonstance en matière de sécurité. Et chaque partisan de rappeler que lorsqu’il est (ou sera) aux commandes cela se passe (ou se passera) autrement. Mensonges, accusations infondées, balivernes et billevesées, rien n’effraie ces responsables aux petits pieds et à courte vue, ni l’indécence ni même la vie des policiers en jeu.
En réalité, des gamins-dealers sans foi ni loi qui attaquent des membres des forces de l’ordre pour tuer sont le symbole de la déchéance de nos sociétés, un mal qui durent depuis des décennies et qui a progressivement rogné l’autorité des parents, des enseignants, des patrons d’entreprise, de partis politiques, et, in fine, de la République. Ce mouvement délétère est puissant, ancien et durable. C’est nous citoyens qui avons progressivement transformé nos sociétés, de mai 68 au mariage pour tous, c’est nous qui avons accepté petit à petit ces démissions en tous genres. C’est nous citoyens qui avons fait reculer les pouvoirs en descendant dans la rue à tout bout de champs, en élisant et réélisant des Patrick Balkany à la députation, en s’apprêtant à voter pour un repris de justice aux prochaines élections présidentielles, c’est nous citoyens qui avons glorifié des rémunérations indécentes de fouteballeurs ou de pédégés, qui avons préféré la télé-poubelle à la littérature, etc. etc. On voit même cette évolution au sein des familles : l’éducation des enfants d’aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec celle des générations qui les ont précédés. On voit des parents aller agresser des instituteurs qui ont mal noté leurs enfants, des citoyens attaquer leur maire en justice parce qu’un platane est tombé sur leur voiture. On entend des ministres d’un gouvernement afficher publiquement leur désaccord sur des décisions prises en conseil des ministres, on voit des corporations manifester ouvertement contre des lois votées par le Parlement (écotaxe votée à l’unanimité et finalement non appliquée face à la violence d’intérêts particuliers), ou des décisions adoptées par des représentations régionales (aéroport de Nantes), etc. Et parlons des entreprises où des organisations matricielles, transverses, horizontales, appuyées sur des réseaux sociaux internes envahissants remplacent de plus en plus le bon vieil organigramme pyramidal avec un chef absolu tout en haut. Tout ceci a progressivement consommé le socle d’autorité qui régissait la société.
Il s’agit globalement un problème de démocraties riches qui s’affadissent en même temps que le taux de cholestérol de leurs populations augmente. Quand on a réglé ses problèmes de pain quotidien et bien diminué ses soucis de santé et de durée de vie, il reste alors du temps pour le nombrilisme et la contestation. Nous en sommes là, ce n’est point une question de « Taubira-laxiste » ou de couleur politique. Personne n’a formellement décidé d’abdiquer l’autorité du jour au lendemain mais chacun a participé au mouvement général depuis trois ou quatre générations. C’est un mélange sociétal où l’on a mixé des concepts aussi variés et flous que les droits de l’Homme, l’Etat de droit, des conventions internationales de droits des enfants, des femmes, le droit humanitaire, celui des réfugiés… Assez peu de monde ne se pose trop de questions en Chine ou en Russie sur le caractère autoritaire ou non de la société. Cet autoritarisme semble à peu près accepté par les dirigeants cela va sans dire, mais par les populations qui les élisent comme dans le cas de la Russie. Ce n’est pas le cas dans nos démocraties, surtout latines.
La tâche sera rude et longue pour inverser cette dérive. Au-delà d’une loi ou d’une autre prise à l’occasion d’un changement de majorité, les prisons sont pleines depuis plusieurs décennies et la durée moyenne d’emprisonnement augmente. Il va surtout maintenant falloir se mettre à éduquer nos enfants pour leur ré-inculquer quelques principes d’intérêt général même si cela doit nuire à leurs/nos intérêts particuliers. Et pour aider, apprenons-leur à privilégier l’intelligence sur la beaufitude, la réflexion sur le slogan, la raison sur le dogme, Darwin sur Jésus. Montrons leur comment aimer Bach et Bowie plutôt que Nique ta mère, la presse de journalisme plutôt que les torchons gratuits distribués dans le métro.
Cela commence ce soir, à la maison !
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