PLISNIER Charles, ‘Faux Passeports’.

Sortie : 1937, chez Le Livre de Poche 1309/1310.

Prix Goncourt en 1937, ce récit romancé est celui de la déception et du renoncement, celui d’un militant communiste belge qui a participé à l’élaboration de l’Internationale communiste avant de s’en séparer (et d’être exclu du parti) pour suivre les trotskistes contre les staliniens. Le livre s’organise autour de 7 chapitres consacrés à 7 personnages croisés au cours de cette vie de militant.

En lutte d’abord contre les mouvements fascistes très forts dans les années 1910/20, le combat est violent et la mort est souvent au rendez-vous. L’idéologie communiste et la révolution d’octobre guident ces hommes et ces femmes qui croient à l’élaboration d’un nouveau monde, heureux et commun à la planète. Pour cet idéal ils mèneront une lutte sans merci qui aboutira aux grandes dictatures européennes du XXème siècle, à des millions de morts, à l’échec économique et aux épurations sauvages. Pour cette illusion ils ont sacrifié leurs existences, délaissé leurs familles, trahit leurs pays d’origine, affronté la Justice et les milices… Bref, un engagement révolutionnaire aveugle qui n’est pas sans points communs avec celui, un siècle plus tard, des djihadistes islamiques. Dieu a remplacé Lénine ou Staline, la communauté salafiste a pris la place de l’Internationale communiste ; dans les deux cas, le même aveuglement, la même absence de raison, le même sens du sacrifice, la même croyance en un pouvoir surnaturel qui doit dominer l’Homme pour le mener à son bonheur forcé.

On retrouve dans ce récit un peu de l’ambiance de la « Condition humaine », celle de ces militants fiévreux au service de leur idéologie qui parcourent la planète pour combattre et ériger un « monde radieux ». Ces évènements ont eu lieu et on ne peut pas refaire l’Histoire. De par leurs combats et leurs échecs, ces hommes ont aussi participé à ce que notre XXème est devenu. L’effondrement du communiste au crépuscule de ce siècle a marqué la fin de cette idéologie qui avait été déjà sérieusement écornée par sa variante stalinienne…

Iégor, l’un des personnages du livre (probablement un personnage réel), qui finira exécuté d’une balle dans la nuque lors des grandes purges de Moscou, disait, du temps de sa gloire :

« Sacrifier sa vie est peu de chose. Accepter de rester vivant et sacrifier sa pensée, là commence le dévouement ».

On ne peut mieux décrire la foi inébranlable qui animait ces hommes pour leur parti. Pour lui ils acceptèrent le mensonge, la trahison, la dictature, les massacres… pour finalement échouer. La similitude avec le djihadisme salafiste est édifiante, seule la fin n’est pour l’instant pas encore actée.