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  • Des élus à la double nationalité

    Des élus à la double nationalité

    La France avait déjà Manuel Valls, ancien maire, ancien ministre et même ancien premier ministre de la République, titulaire d’une double nationalité franco-espagnole ce qui lui permit d’aller tenter de planter ses choux à Barcelone lorsqu’il estima la politique française ne lui réservait pas la place qui lui revenait, puis, de revenir en France lorsqu’il échoua à se faire élire maire de Barcelone en 2019, où il échoua de nouveau à se faire élire député des « français de l’étranger » en 2022, avant « d’abandonner la vie politique française » une énième fois.

    Elle a maintenant Meyer Habib, citoyen franco-israélien, député des « français de l’étranger », ami du premier ministre israélien et de la frange dure des partis au pouvoir à Tel-Aviv, de celle qui considère que la Bible est son titre de propriété et l’autorise donc à occuper Gaza et la Cisjordanie, le concept du « grand Israël », puisque c’est écrit ainsi dans la Genèse de l’ancien testament qui se place au-dessus des résolutions des Nations Unies, bien entendu.

    Le député Habib, né à Paris, est originaire d’une famille juive de Tunisie. Il a fait des études supérieures en Israël. A la tribune de l’assemblée nationale française il prend fait et cause pour Israël dans la guerre en cours à Gaza et prend bien soin de ne jamais parler de « Cisjordanie » ni de colonies israéliennes dans cette région, comme cela est reconnu par la communauté internationale, mais de « Judée et Samarie » comme cette région est désignée dans la Bible. Comme il est polémique et ultra, il est devenu un bon client des plateaux télévisés en ces temps de guerre au Proche-Orient où il expose ses vues partisanes et extrémistes sans vergogne.

    Lire aussi : Des Palestiniens au Congo ?

    Il a bien entendu le droit de croire que la Bible s’impose au droit international mais son cas pose une nouvelle fois la question du concept de double nationalité. Que ce soit Manuel Valls ou Meyer Habib, à qui ces doubles nationaux font-ils vraiment allégeance ? Comment se dépatouillent-ils de cette double appartenance ? Plutôt mal si l’on en juge leurs prises de position dans le cadre des responsabilités politiques pour lesquelles ils ont été élus. Au mieux ils défendent les positions d’un de leur Etat d’appartenance dans le cadre du mandat pour lequel ils ont été élus dans l’autre Etat dont ils ont la nationalité, au pire ils utilisent cyniquement les avantages que leur procurent leurs deux Etats, se faisant élire dans l’un ou l’autre au gré de leurs intérêts.

    La France devrait réfléchir sur la compatibilité de la double nationalité avec le statut d’élu français, à l’image du Sénégal qui n’autorise pas la double nationalité, notamment pour se présenter à l’élection présidentielle, et où Karim Wade, candidat au scrutin de 2024 a dû renoncer à sa double nationalité française pour se présenter. Il a été « libéré de son allégeance à l’égard de la France » par un décret paru aujourd’hui :

    Fils de l’ancien président sénégalais, il est né à Paris et a donc choisi d’être « uniquement » sénégalais pour essayer de succéder à son père. La lecture de ce décret qui montre 17 pages d’individus naturalisés français et deux noms seulement renonçant à ladite nationalité, semble indiquer que la France reste un pays attractif et accueillant.

  • « Les lavandières de la nuit » par le chœur de chambre Melisme(s) au Sémaphore de Trébeurden

    « Les lavandières de la nuit » par le chœur de chambre Melisme(s) au Sémaphore de Trébeurden

    Le chœur de chambre Melisme(s) présente un charmant spectacle musical mêlant les traditions bretonnes avec la musique classique (Verdi, Berlioz…). Sous la direction de Jérôme Pungier qui joue de la clarinette, un quatuor de chanteur, un accordéoniste et une diseuse-soprano chantent et racontent les « Lavandières de la nuit » qui battent leur linge sous les étoiles en prédisant la mort qui rôde autour de tous.

    C’est bien emmené, bien joué, bien chanté, parfois en breton, parfois dans des harmonies un peu modernistes pour une oreille classique. La soirée est douce.

  • Des ministres de l’éducation nationale mettent leurs enfants dans l’école privée

    Des ministres de l’éducation nationale mettent leurs enfants dans l’école privée

    Un nouveau sujet fait l’actualité du microcosme politico-médiatique français. Les enfants de la nouvelle ministre de l’éducation nationale, une ancienne joueuse de tennis d’orientation centre-droit, sont dans l’enseignement privé au collège Stanislas. Ceux de son prédécesseur, plutôt de centre-gauche, étaient également dans le privé, à l’école alsacienne. Le premier établissement est catholique, fondé par des ecclésiastiques « comme maison d’éducation chrétienne de garçons » Le second a été fondé après la perte de l’Alsace et la Lorraine en 1870 pour réformer l’enseignement français qui a amené la France à la défaite face aux Prussiens.

    Sur le site Internet de Stanislas on peut lire le compte rendu des célébrations du 8 décembre :

    En ce 8 décembre, Stanislas a célébré l’Immaculée Conception, sainte patronne de notre établissement. La journée a commencé à Saint-Sulpice pour les élèves du collège, du lycée et des classes préparatoires avec une messe solennelle, célébrée par le nonce apostolique en France, et suivie d’un petit-déjeuner avant le retour en cours.  Les élèves de maternelle et de CP ont déposé au pied de la Vierge du Rocher qui veille » sur notre établissement les fleurs blanches qu’ils ont apportées ce matin. Les élèves du Ce1 au CM2 ont célébré Marie lors d’une messe à Notre-Dame des Champs cet après-midi.

    https://www.stanislas.fr/letablissement/lhistoire-de-stanislas/

    On y apprend aussi que l’enseignement est mixte depuis 1992, et que l’internat est ouvert aux filles en 2018 via un lieu dédié :

    En septembre 2018 Stanislas a inauguré l’ouverture du foyer de jeunes filles Sainte-Claire afin d’accueillir davantage d’élèves internes filles en classes préparatoires.

    https://www.stanislas.fr/vie-pastorale/8-decembre-fete-patronale-de-stanislas/

    Il ne doit pas y avoir de toilettes « non binaires » à Stanislas.

    Evidemment, il n’est pas interdit par la loi qu’un ministre mette ses enfants dans une école privée mais cela montre son rejet de l’enseignement public qu’il est chargé d’administrer et, si possible, d’améliorer. Bien sûr cela n’en fera pas forcément un mauvais ministre mais à une époque de transparence obligatoire et où tout doit être justifié devant tout le monde, et spécialement les non-sujets, il est plus que prévisible qu’un ministre de l’éducation nationale ayant ses enfants dans l’enseignement privé sera soumis à un harcèlement sur le sujet par une presse avide de polémique. Le temps du « faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais » n’est plus d’actualité dans ce monde d’aujourd’hui.

    Sur 65 millions de français il devrait tout de même être possible d’identifier des candidats compétents pour ce poste de ministre qui, soit n’ont pas d’enfant, soit mettent leurs marmots à l’école publique ! Cela éviterait les pertes de temps considérables auxquelles donnent lieu ces débats inintéressants. Cela devient désormais un critère de la fiche de poste du ministre de l’éducation nationale : avoir ses enfants dans l’enseignement public. Si on refuse ce nouvel état de fait, l’autre solution pour le ministre mis en cause et sa hiérarchie est de refuser de répondre aux questions sur le sujet que journalistes et opposants ne cessent de poser, et de voir qui renoncera le plus rapidement du ministre ou de ses questionneurs.

    Hélas, hélas, hélas, la politique recule souvent sur le fond pour protéger son image. Il n’est pas sûr que l’actuel ministre arrive à tenir face à la polémique !

  • A peine nommé, le premier ministre accroît la dépense publique

    A peine nommé, le premier ministre accroît la dépense publique

    Un nouveau premier ministre a été nommé en remplacement d’Elisabeth Borne, dont on ne sait pas exactement ce qui lui était reproché. Elle a passé les clés de l’hôtel de Matignon aujourd’hui en début d’après-midi à Gabriel Attal dont la principale qualité semble être sa jeunesse, il a 34 ans, et le fait qu’il ne passe jamais beaucoup de temp dans les postes qu’il occupe car il est constamment aspiré toujours plus haut…

    Cet après-midi, avant même d’installer ses petites affaires dans sa nouvelle demeure il est allé rendre visite au Pas-de-Calais en proie à des inondations interminables depuis la fin de l’année 2023. Bien sûr, une fois arrivé sur place, et devant les malheurs des citoyens de cette région, il a glosé sur « la solidarité nationale » et, donc, procédé à l’annonce de nouvelles dépenses publiques, sans un mot bien sûr sur la façon dont elles seront financées, ou les économies qui seront faites ailleurs pour faire jouer cette solidarité bienvenue.

    C’est une nouvelle fois l’application du syndrome de la politique française dont les membres n’existent que s’ils annoncent de nouvelles dépenses publiques. Sans remettre systématiquement en cause l’opportunité de telles dépenses, il serait opportun de préciser à chaque annonce son mode de financement. Il n’y a que trois possibilités : l’augmentation des impôts, la compensation avec la baisse d’une autre dépense ou l’augmentation de la dette publique si on ne peut pas appliquer l’une des deux premières méthodes. Toute le monde est capable de comprendre cette information. A défaut, les citoyens s’imaginent que « l’Etat paiera » et qu’il suffit de passer à la caisse en faisant venir un ministre. C’est ce qui se passe depuis des décennies en France et explique la situation financière délicate du pays par rapport aux autres pays d’Europe de l’Ouest.

    Lire aussi : La France pas assez raisonnable

  • Des Palestiniens au Congo ?

    Des Palestiniens au Congo ?

    La guerre entre Israël et le Hamas dure maintenant depuis plus trois mois avec son cortège de destruction et de barbarie et quelque chose entre 10 et 20 000 morts des deux côtés, très majoritairement palestinien. Après la libération d’une centaine de citoyens qui avaient été pris en otage et emprisonnés à Gaza, il resterait environ 130 israéliens toujours « disparus » depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre. Une partie est probablement gardée en otage par le Hamas et ses groupes affiliés. Il est en effet traditionnel que ces groupes se revendent leurs otages entre eux. On ne sait pas bien le nombre de ces « disparus » qui seraient encore vivants, sans doute pas la totalité.

    En attendant, l’armée israélienne continue à bombarder méthodiquement cette enclave au bord de la Méditerranée avec le but de guerre affiché de « détruire le Hamas ». Trois mois plus tard ledit Hamas continue à envoyer des missiles sur Israël et ses membres à se battre contre l’armée israélienne sur le terrain. Le mouvement doit certes être affaibli, on le serait à moins, mais il est toujours là. Il est probable que quelle que soit l’étendue des destructions effectuées dans la bande de Gaza, l’idée anti-israélienne subsistera et survivra sous une forme ou sous une autre à l’issue de la guerre, voire renaîtra renforcée tant la haine entre les deux peuples, ravivée par ces évènements, est féroce.

    Hélas, il n’y avait sans doute pas d’autre issues envisageables que de laisser parler les armes après le pogrom lancé par les Palestiniens ce 7 octobre tant ses réminiscences de Shoah parlent aux juifs israéliens. La simple question « qui a commencé ? » est impossible à poser et à trancher puisque chacun se relance la balle sans vouloir compromettre le moins du monde avec la parie adverse. La force brute d’Israël a les moyens de détruire les infrastructures gazaouis, ce qui est effectivement en cours en ce moment, de tuer un certain nombre de dirigeants du Hamas, mais elle ne suffira pas à éliminer l’idée de la résistance palestinienne à son encontre, pas plus qu’elle n’a réussi à neutraliser l’OLP ou le Hezbollah au cours des décennies passées malgré tous les efforts du peuple israélien en guerre quasi-permanente depuis sa création.

    Anticipant justement l’inefficacité de la guerre actuelle sur le long terme, certains des ministres religieux de la droite dure du gouvernement israélien prônent la recolonisation de Gaza par Israël et la déportation de la majorité de ses 2,2 millions d’habitants vers un autre pays. Les pays arabes avoisinants, Egypte ou Jordanie, n’envisageant pas une seconde d’accueillir un nouveau flux de réfugiés palestiniens, des négociations seraient menées entre Israël et… le Congo à ce sujet, c’est du moins ce qu’affirment les ministres en question. On a du mal à croire à la réalité d’une telle négociation avec le Congo (il semble s’agir de la République populaire du Congo, ex-Zaïre, pas du Congo Brazzaville), on voit mal un pays africain, ni quelque pays que ce soit d’ailleurs, s’engager dans un tel marchandage d’êtres humains au XXIème siècle, parfaitement irréalisable, sans compter la volonté des Gazaouis qui n’est sûrement pas de s’exiler où que ce soit ce qui ne serait pas sans rappeler la « Nakba », le grand exil des Palestiniens en 1948 après la création de l’Etat d’Israël et la guerre qui s’ensuivit. On ignore comment les promoteurs de cette idée saugrenue feraient pour transporter de force 2 millions de personnes sur un autre continent ?

    Tout ceci est parfaitement incongru et même nauséabond venant d’Israël. On se souvient que dans les années 1940, l’un des projets allemands, avant d’adopter la « solution finale » (l’extermination), était de déporter les juifs sur l’île de Madagascar pour les éloigner des territoires « aryens »… Mais aujourd’hui, l’idée d’une négociation avec le Congo, dont on ne sait même pas si elle a connu un début de réalisation (Kinshasa ne semble pas avoir démenti une telle hypothèse), confirme que la frange dure et religieuse de la politique israélienne n’a plus aucune volonté d’aller vers une solution politique et pacifique du conflit et n’envisage que la force pour régler ses problèmes de cohabitation avec ses voisins. Ces gens aux idées guerrières sont élus lors d’élections démocratiques et reflètent sans doute les idées d’une partie de la population ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour l’avenir de cette région qui empoisonne la planète depuis plus de 70 ans, ainsi que leurs propres populations. Cette croyance aveugle en la force pour régler un problème de territoire se heurte à la vraie vie. Depuis 70 ans, malgré les guerres, les actions antiterroristes, les assassinats ciblés, les résolutions des Nations Unies, les murs construits, la technologie mise en œuvre pour parquer les Palestiniens derrière des barrières électroniques, et même malgré les accords de paix avec l’Egypte et la Jordanie, il y a toujours des terroristes palestiniens pour se lever un matin comme celui du 7 octobre et aller massacrer 1 200 juifs. La simple recherche d’efficacité devrait pousser à chercher une solution politique à ce conflit qui va bientôt devenir centenaire. Des pistes avaient pourtant été initiées avec les accords d’Oslo de 1983 mais jamais suivis d’effets, emportés par les errements des extrémistes des deux bords, Yitzhak Rabin, le premier ministre israélien signataire de l’accord fut même assassiné en 1995 par un étudiant juif israélien extrémiste.

    Le pogrom anti-israélien qui s’est passé le 7 octobre, et ce qui se déroule depuis, a rechargé la haine entre Israéliens et Palestiniens pour plusieurs générations. Difficile de rester optimiste sur le court terme, la mésentente entre ces deux peuples va continuer à polluer la planète pour encore longtemps !

  • DUBOIS Jean-Paul, ‘ Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon’.

    DUBOIS Jean-Paul, ‘ Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon’.

    Sortie : 2019, Chez : Editions de l’Olivier.

    Prix Goncourt 2019, ce roman de Jean-Paul Dubois relate la vie ordinaire de Paul, dont on apprend dès les premières pages qu’il est en prison, élevé dans les années 1960 par une mère libertaire-soixante-huitarde et un père pasteur danois, plus rigoureux. Cet étrange mélange produit un homme qui mène sa vie comme il le peut, de Toulouse au Québec, avec quelques sommets, son amour pour sa femme indienne et sa chienne Nouk, mais aussi des désastres. Libéré de prison par anticipation des deux années auxquelles il a été condamné, n’ayant plus grand monde à aimer autour de lui, il retourne aux sources léguées par son père et le roman se termine sur son arrivée dans un village du grand Nord danois.

    Un roman bien fait, plein d’humour qui se lit agréablement. La fatalité qui semble cerner la vie de Paul ne l’empêche pas finalement de la poursuivre sur des bases positives qui devraient lui permettre de transcender les bonnes et mauvaise choses qui lui sont arrivées jusqu’ici.

  • « Chéri Samba dans la collection Jean Pigozzi » au musée Maillol

    « Chéri Samba dans la collection Jean Pigozzi » au musée Maillol

    Délicieuse rétrospective de l’artiste congolais (ex-zaïrois) Chéri Samba, né en 1956 dans un village proche de la capitale Kinshasa qu’il rejoint dans les années 1970. D’abord peintre publicitaire autodidacte pour devantures de coiffeurs et de tous ces petits commerces qui maintiennent tant bien que mal la tête du peuple à peine hors de l’eau de cette ville tentaculaire où la misère fraye avec une incroyable frénésie culturelle s’exprimant via la musique, le dessin, la peinture, la mode… il est aujourd’hui un artiste internationalement reconnu. Il sait rendre avec talent la joyeuse confusion qui enveloppe Kinshasa, tournant parfois à la farce sanglante sous la botte de satrapes comme Mobutu ou Kabila père, qui ont vainement tenté de gouverner ce pays gigantesque et ingouvernable.

    Dans ses peintures Chéri Samba introduit humour et couleurs éclatantes mais sous leur aspect naïf ses toiles déclinent la vision qu’il a des dérives de son pays : les enfants-soldats, la bière Primus tiède dans les nuits de Kinshasa, l’argent obsessionnel, le poids de la « fraternité » à l’africaine qui transforme la masse des inactifs en véritables sangsues consommant le salaire de ceux qui travaillent et qui ne peuvent rien refuser à leurs « frères dans le besoin », les infrastructures en ruine…

    Enfant soldat (kadogo) dont un effectif important a été employé pour le renversement du dictateur Mobutu par le satrape Kabila en 1997

    Samba se met souvent en scène dans ses tableaux dénotant sans doute une petite faiblesse narcissique mais dont il joue, comme toujours, avec humour. Les « sapeurs » étant une spécialité locale, ses personnages sont représentés avec des vêtements tape-à-l’œil aux couleurs voyantes, des grosses montres et tous les ustensiles propres aux m’as-t-vu qui font la réputation de Kinshasa. Il représente son fils en enfant soldat comme ceux, nombreux, que le président Laurent-Désiré Kabila a recrutés et armés pour renverser son prédécesseur le président Mobutu après 32 ans de pouvoir. Kabila, lui, a fini assassiné trois ans après son accession à la présidence, pour être remplacé par… son propre fils ! Tous ces évènements tragi-comiques font le miel de l’inspiration du peintre dont l’œil affuté sait croquer toutes ces scènes de la vie congolaise. La plupart des toiles sont de grande taille et les couleurs flashy sont percutantes mais irréelles ; quiconque connait un peu l’Afrique centrale sait qu’elle est plus souvent sous la poussière ou la pluie que sous un ciel bleu. Qu’importe, sa peinture traduit les excès d’un pays et rien n’interdit de rêver qu’il évolue sous un ciel pur et le sourire de ses citoyens dans une ambiance optimiste et rigolarde.

    L’une des spécificités de Samba est de peindre aussi des textes sur ses toiles pour diffuser ses idées, souvent rédigés de façon aussi naïve que la peinture qu’ils illustrent. Dans une interview diffusée sur un grand écran, on voit l’artiste expliquer que c’est aussi un bon moyen pour que les visiteurs restent plus longtemps devant ses toiles, un objectif plutôt atteint.

    Samba a commencé à exposer en dehors de l’Afrique dans les années 1980 pour devenir aujourd’hui un artiste mondialement connu de l’art africain contemporain. Les quelques 50 toiles exposées au musée Maillot sont extraites de la collection d’art africain financée par Jean Pigozzi via la Contemporary African Art Collection (CAAC) avec l’aide d’André Mangin qui parcourt le continent africain à la recherche d’œuvres intéressantes.

  • « Shttl » d’Ady Walter

    « Shttl » d’Ady Walter

    Nous sommes en 1941 dans un village juif d’Ukraine soviétique au cœur duquel s’oppose les juifs orthodoxes et les juifs « soviétisés » dans l’éternel lutte entre les anciens et les modernes. Dans la tradition juive les orthodoxes défendent des comportements d’un autre âge vis-à-vis des femmes, du travail et de l’interprétation de la Bible ? Ce sont les mêmes aujourd’hui qui défendent le droit d’Israël sur la Palestine puisque le concept de « grand Israël » est mentionné dans l’ancien testament depuis 4 000 ans… Au cœur de ce village perdu une partie des jeunes a été embrigadée par l’idéologie communiste qui, outre qu’elle refuse le fait religieux, prône des concepts généralement en totale opposition avec la Bible…

    Dans le film, Mendele qui fait des études de cinéma à Moscou sous uniforme militaire revient au village pour enlever son amoureuse Yuna des griffes rétrogrades de Folie, cultivant un judaïsme hassidique particulièrement rétrograde, qui fut son ami lorsqu’ils étaient enfants et qui se prédispose à devenir le rabbin de la synagogue lorsque l’actuel, père de Yuna, quittera ses fonctions. Ils en sont là lorsque l’armée allemande entame l’opération « Barbarossa » et envahit l’ouest de l’Ukraine où est situé le village. Il s’en suit le pogrom du village représentatif de la « shoah par balles » qui précéda l’extermination industrielle mise en œuvre dans les camps nazis d’extermination. Mendele le moderne est alors tiraillé entre sa fidélité aux siens et son amoureuse. Les Allemands mettent fin à leur manière à la querelle des anciens et des nouveaux et c’est sur cet épilogue dramatique que se termine le long métrage.

    Ce film intimiste se déroule entre ce pauvre village de masures en bois et la forêt attenante. Le noir-et-blanc est utilisé pour l’année du retour de Mendele au village et la couleur est réservée à la jeunesse des protagonistes, marquant sans doute ainsi la noirceur de cette année 1941. Réalisé par le franco-ukrainien Ady Walter, le tournage du film a été effectué en yiddish en Ukraine et a été perturbé par les bruits de bottes russes qui annonçaient l’invasion de février 2022, comme une tragique confrontation entre l’histoire et l’actualité. Le massacre d’israéliens commis le 7 octobre 2023 en Israël par le mouvement religieux Hamas est venu aggraver encore la funeste cruauté de la réalité, lorsque se mêlent les ambitions de pouvoir et la haine religieuse !

  • SUREAU François, ‘Le chemin des morts’.

    SUREAU François, ‘Le chemin des morts’.

    Sortie : 2013, Chez : Gallimard / Folio n°6410.

    François Sureau, né en 1958, haut-fonctionnaire ancien élève de l’ENA, passé du conseil d’Etat aux fauteuils bien rémunérés des « conseillers » du CAC40, avant de devenir avocat et écrivain, a été élu membre de l’accadémie française en 2021 au fauteuil n°24, libre après le décès de Max Gallo. Le garçon est brillant, la barbe bien taillée, le verbe juste, l’écriture précise et fluide, mais le garçon a parfois des remords sur ses actions passées.

    Dans ce court récit il raconte son expétience d’auditeur au conseil d’Etat dans les années 1980, chargé de rédiger des avis à la commission de recours de réfugiés. A ce titre, il eut à traiter le cas d’un ancien militant basque, réfugié en France depuis vingt ans après avoir participé à des actions violentes contre le franquisme. L’Espagne étant revenue à la démocratie après la mort de son dictateur galonné en 1975, la France a décidé de refuser désormais le statut de réfugié aux demandeurs de nationalité espagnole. En réalité, le nouvel Etat espagnol était certes « démocratique » mais il continuait de tolérer, voir de manipuler, des commandos de la mort, plus ou moins activés par la police, qui réglaient, le plus souvent violemment, les comptes du terrorisme espagnol, et bien sûr, tout particulièrement basque.

    Lorsque la décision de refus de renouvellement de son statut de réfugié en France dont il disposait depuis 1969 est notifiée à Javier Ibarrategui, suivant ainsi l’avis rédigé par le conseiller Sureau, il s’exprime calmement pour dire qu’il ne restera donc pas en France, contre la loi, mais rentrera en Espagne où il risque fortement d’être assassiné par les « groupes anti-terroristes de libération (GAL) ». Le même jour la commission accordait le statut de réfugié « à un Zaïrois dont nous devions découvrir ensuite qu’il s’était déjà présenté trois fois à la commission sous des identités différentes. Il avait un beau talent d’acteur et revendait ensuite -à un prix abordable- le précieux papier à ses compatriotes. »

    Quelques mois plus tard Ibarrategui est assassiné en Espagne, très probablement par les GAL. François Sureau s’interroge bien sûr sur l’opportunité de cette décision qu’il a initiée. Il n’est d’ailleurs pas sûr que s’il avait proposé l’inverse il eut été suivi, mais le sort vengeur et funeste qui fut réservé à Ibarrategui continue de le hanter, et sa responsabilité, même très indirecte, dans sa mort de l’obséder. Il explique comment l’image noble d’Ibarrategui la dernière fois qu’il le vit sous les ors du conseil d’Etat fut devant lui à toutes les (nombreuses) étapes de sa brillante carrière, sans préciser toutefois si ce souvenir indélébile a fait évoluer sa vision du monde et des dossiers qu’il eut à traiter, au barreau de Paris où dans les salons du CAC40. Il pose de façon claire et percutante, à son petit niveau, le problème de la responsabilité morale des décisionnaires d’un Etat démocratique, qui sont souvent confrontés aux choix cornéliens de devoir arbitrer entre l’intérêt général et le particulier, entre la raison d’Etat et l’émotion. Ce n’est certainement pas facile à vivre pour quiconque dispose d’un esprit bien fait, mais aussi d’une âme et de convictions.

  • Des nouveaux venus dans la lutte contre l’Occident

    Des nouveaux venus dans la lutte contre l’Occident

    Voici un nouveau venu sur la scène actuellement très active de la communication d’états-majors : Yahya as-Saree, sanglé dans un uniforme rutilant, le verbe haut, fort et saccadé, il est le porte-parole de « l’armée Houthi », la rébellion yéménite pro-iranienne qui contrôle la moitié du Yémen, y compris sa capitale officielle Saana. Le Yémen fut un terrain de conquêtes coloniales menées par les empires Ottoman et Britannique jusqu’au XXème siècle et sur lequel l’Arabie-Saoudite frontalière au nord a toujours gardé un œil attentif. Après les décolonisations le pays est resté divisé en deux. Il y avait un Yémen du sud, constitué en République populaire et démocratique du Yémen autour du port d’Aden, pro-soviétique, et la République arabe du Yémen, mieux intégrée dans la région arabe environnante.

    De guerres civiles en rébellions, de tribus en protectorats, de prébendes en famines, les deux Yémen n’ont cessé de se chamailler, parfois par les armes, situation largement attisée par les puissances environnantes dont l’Arabie-Saoudite pas vraiment raccord avec l’idéologie « révolutionnaire » prônée à Aden. C’est la raison pour laquelle Ryad a pris la tête d’une coalition arabe-sunnite en 2015 pour « libérer » le Yémen de l’emprise houthi à grand renfort d’armes achetées à l’Occident. Ce fut un échec comme l’illustre les actions encours des Houthis contre Israël.

    Les deux Yémen se réunissent pour fonder la République du Yémen en 1990 mais la paix ne dure que quelques années et dès 1994 la bataille reprend entre les marxistes et les unionistes et n’a quasiment pas cessé depuis. La rébellion Houthi est largement soutenue par la République islamique d’Iran. Les Houthi sont plus ou moins musulman-chiite, comme leur protecteur, mais il semble que ce soit une version particulière de cette tendance. Ils ont en tout cas pris le parti de la cause palestinienne dans la nouvelle guerre qui oppose Israël au Hamas depuis le pogrom commis par ce dernier mouvement le 07/10/2023 (plus de 1 200 morts israéliens, dont beaucoup de civils assassinés dans la plus grande barbarie). Leurs moyens d’action sont le lancer de missiles en direction d’Israël et de bateaux militaires ou commerciaux occidentaux navigant en Mer Rouge en direction du canal de Suez. Ils ont même réussi à prendre des navires en otage en déposant des commandos amenés en hélicoptère sur le pont.

    Cette tactique porte ses fruits puisque le trafic vers le, et en provenance du, canal de Suez est perturbé ce qui oblige les navires à faire le tour de l’Afrique. Les armateurs expliquent que l’augmentation des coûts de transport générée par cette route plus longue est à peu près compensée par l’économie des droits de passage sur le canal. Les à-coups sur la fluidité de la chaîne internationale de transport sont néanmoins patents ce qui réjouit les Houthis.

    Le problème du jour est que ces milices Houthi que l’on assimilait jusqu’il y a peu à une bande de va-nu-pieds dépenaillés sont maintenant organisées en armée presque nationale (la prise du pouvoir et de la capitale par cette rébellion n’est pas officiellement reconnue par les Nations Unies) et capable d’envoyer des missiles balistiques vers Israël ou l’Arabie-Saoudite, ce qu’elles ne se privent pas de faire. Si les guerres claniques internes sont millénaires, les armes utilisées ont évolué… Pour bien comprendre ce pays, il est recommandé de relire « Fortune carrée » de Joseph Kessel, écrit en 1932 ; rien n’a vraiment changé sur le fond si ce n’est la portée des missiles.

    Selon Wikipédia, la traduction de la devise du mouvement est :

    Dieu est le plus grand, Mort à l’Amérique, Mort à Israël, Maudits soient les juifs, Victoire à l’islam.

    Vaste programme ; il y a encore quelques progrès à faire pour ramener la paix dans la région semble-t-il…

    L’ambassade de France au Yémen est fermée, comme celle au Niger, ce qui apparaît comme une mesure raisonnable. Il semble en revanche que l’ambassade du Yémen en France soit toujours opérationnelle dans le XVIème arrondissement parisien. On peut se demander si elle est bien utile, voire opportune ?

  • « La chimère » d’Alice Rohrwacher

    « La chimère » d’Alice Rohrwacher

    La réalisatrice italienne Alice Rohrwacher nous livre un film basé sur un scénario un peu foutraque racontant le périple d’une bande de pieds-nickels trafiquant les pièces qu’ils pillent dans d’antiques tombes étrusques. Ils habitent dans un pauvre village au bord de la mer et d’une usine polluante qui rejette ses déchets un peu partout. Le clan vivote entre bistrot et escroqueries lorsqu’un de leur pote Arthur, anglais, sourcier, sort de prison pour les rejoindre. Ensemble ils reprennent la chasse au trésor, croisent des trafiquants plus haut de gamme qui les escroquent à leur tour et Arthur court après le souvenir de son amoureuse disparue à jamais mais dont l’image le hante jusqu’à la fin, lorsque enfermé dans un tunnel éboulé il tire le fil qui le ramène à la vie et à son amour, peut-être…

    La multitude de personnages loufoques qui se croisent dans le film en font l’intérêt et l’accumulation de situations improbables marque l’imagination sans bornes de la réalisatrice également scénariste. On se croirait un peu dans Affreux, sales et méchants d’Ettore Scola sorti en 1976 qui racontait la vie d’une famille dans un bidonville de Rome au début des années 1970. Un film un peu triste mais désopilant.

    Celui d’Alice Rohrwacher est plus social que véritablement drôle. Un film sur la débrouille à l’italienne d’une bande de joyeux drilles qui affrontent la misère car il faut bien survivre.

  • GRANN David, ‘Les naufragés du Wager’.

    GRANN David, ‘Les naufragés du Wager’.

    Sortie : 2023, Chez : Editions du sous-sol.

    1740 : les royaumes d’Angleterre et d’Espagne se font la guerre pour leur conquêtes coloniales, une armada quitte Douvres pour passer la Cap Horn rattraper la flotte espagnole sur la côte pacifique du Chili. Le HMS Wager est l’un d’entre eux. Les conditions de vie à bord sont extrêmement dures, le scorbut fait des ravages, le commandement est autoritaire, les moyens de navigation sont hasardeux… la flotte anglaise est ravagée en tentant de passer le Horn et le HMS Wager s’échoue dans la tempête sur les rochers d’une île du Grand Sud. Les survivants se retrouvent sur une île rocheuse très inhospitalière dans ces latitudes.

    C’est une micro-société d’une centaine de personnes qui va se débattre pour survivre durant des mois. Les naufragés se battent contre les éléments qui sont en permanence déchaînés, certains s’élèvent contre la rigidité du règlement de la Marine de Sa Majesté qui continue à s’appliquer dans ce nouveau contexte, d’autres entrent en rébellion, des clans se constituent, se battent, se tuent et, finalement, vont mener deux tentatives séparées de retourner en Angleterre.

    Contre toute attente, certains vont réussir après des périples dantesques à rallier Londres où ils vont devoir rendre des comptes devant la justice royale et l’Amirauté qui veulent s’assurer que la discipline a été respectée, même aux antipodes, et que les coupables survivants, s’il y en a, seront châtiés. Certains écrivent et publient leurs aventures pour influencer l’opinion publique. Finalement les juges font preuve de clémence et préfèrent enterrer l’affaire avec diplomatie pour ne pas faire de vague en une période où l’Empire britannique veut affirmer sa domination sur les peuples du monde et la supériorité de sa cavillation sur celles des pays colonisés…

    Il s’agit d’une histoire vraie, célèbre dans l’histoire de la Marine royale et en Angleterre, que l’auteur a reconstituée à partir des archives. Les ressorts de la comédie humaine sont identiques au XVIIème et aujourd’hui. Autorité, rébellion, avidité, jalousie, individualisme, sens de l’intérêt général… tout est concentré dans ce microcosme insulaire aux conditions dramatiques, y compris une fin heureuse après l’épreuve pour certain. Un récit haletant qui se lit comme un polar.

  • « Le Paris de la modernité, 1905-1925 » au Petit Palais

    « Le Paris de la modernité, 1905-1925 » au Petit Palais

    1905-1925, le rayonnement de Paris débordant d’activité attire les artistes de nombreux pays venus se frotter au formidable foisonnement culturel de la ville lumière. Même la période de la grande guerre de 1914-1918 ne tarit pas le flot des artistes. Il est question de culture bien sûr, mais aussi de sciences et de technique. L’exposition universelle de 1925 met en valeur les avancées françaises dans ces domaines.

    Le soleil de l’art ne brillait alors qu’à Paris, et il me semblait et il me semble jusqu’à présent qu’il n’y a pas de plus grande révolution de l’œil que celle que j’ai rencontrée à mon arrivée à Paris.

    Marc Chagall

    Sonia Delaunay, Amedeo Modigliani, Tamara de Lempicka, Picasso, les couturiers Lanvin ou Poiret, le bijoutier Cartier, Joséphine Baker, Jean Cocteau, de Montmartre à Montparnasse, Paris brille des feux de tous ces artistes qui s’inspirent les uns les autres et dont l’exposition du Petit Palais donne un aperçu des réalisations, avec même un avion exposé. Après avoir traversé tous les vestiges de cette époque, le visiteur dubitatif se demande si notre présent est bien à la hauteur de ce passé brillant.

    Un poème de Blaise Cendrars (« La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France ») illustré par Sonia Delaunay vs. Cyril Hanouna animant ses télé-réalités-poubelle, cherchez l’erreur… Mais chacun ses dérives, les Futuristes italiens clamaient en 1909 à la une du Figaro dans leur « Manifeste du futurisme » que « nous voulons glorifier la guerre -seule hygiène du monde-, le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes, les belles idées qui tuent et le mépris de la femme. » Au moins ces idéologues de l’anarchie du début du XXème siècle laissèrent des œuvres à la postérité.

  • MAUROIS André, ‘Olympio ou la vie de Victor Hugo’.

    MAUROIS André, ‘Olympio ou la vie de Victor Hugo’.

    Sortie : 1954, Chez : Librairie Hachette

    André Maurois nous raconte ici la vie de ce géant de la littérature et la politique françaises qu’est Victor Hugo (1802-1885). A 8 ans il traduit Virgile, à 15 ans, fervent admirateur de Chateaubriand, il reçoit une distinction au concours de poésie de l’académie française (il est trop encore trop jeune pour l’intégrer, ce qu’il fera en 1841). Sa jeunesse se déroule alors que Napoléon 1er dirige le pays et cherche à dominer l’Europe, son père est général de l’empereur, sa mère s’oppose à Napoléon. Nommé en Espagne sous l’autorité de Joseph Bonaparte, son père, séparé de son épouse, s’installe à Madrid avec ses trois fils. Victor vit sous les ors de l’Empire mais découvre aussi les affres de la répression contre les rebelles, répression dirigée par… son père.

    Marié avec Adèle Foucher, son amour de jeunesse, ils eurent 5 enfants dont le premier décède rapidement. Il verra mourir trois d’entre eux (Léopoldine d’une noyade accidentelle, Charles et François-Victor de pathologies diverses), seule Adèle sa fille lui survivra mais en proie à des troubles mentaux importants elle finira sa vie internée dans un asile. Affecté d’une sexualité d’ogre il accumule les conquêtes féminines jusqu’à la toute fin de sa vie. Sa femme commet aussi des infidélités avec Sainte-Beuve, ami de la famille, qui deviendra l’ennemi de Victor. Sa maitresse en titre est Juliette Drouet qui suivra son héros toute sa vie, composant ainsi un trio affectif avec Adèle plutôt original pour l’époque. Le grand homme pouvait tout se permettre…

    Travailleur acharné, il produit sans relâche de la poésie, des pièces de théâtre, des romans, des discours, une correspondance fournie, des dessins… Ses œuvres complètes se répartissent aujourd’hui en plusieurs dizaines de volumes. Mais il est sans doute avant tout un poète et versifie à tout moment et sur tous sujets. Sa maîtrise des mots dépasse l’entendement. Dans un style plutôt classique ses vers racontent son âme dans son époque.

    Jeunes amours, si vite épanouies,
    Vous êtes l’aube et le matin du cœur,
    Charmez l’enfant, extases inouïes !
    Et, quand le soir vient avec la douleur,
    Charmez encor nos âmes éblouies,
    Jeunes amours, si vite évanouies !.

    Mais il fut aussi homme politique, en rébellion contre Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III (qu’il qualifia de Napoléon « le petit » dans un article célèbre), après que celui-ci mena un coup d’Etat en 1851 pour rétablir un empire autoritaire. Jusqu’à la capitulation et la capture en septembre 1870 du dictateur par les Prussiens lors de la défaite de Sedan, Victor Hugo choisit l’exil, d’abord à Bruxelles puis à Jersey et Guernesey où il resta près de 20 ans, y poursuivant son œuvre magistrale. Malgré diverses amnisties dont il aurait pu bénéficier, il clama toujours : « quand la liberté reviendra, je reviendrai », ce qu’il fit en dès la proclamation de la IIIème République en septembre 1870. Accueilli comme un héros par des milliers de parisiens, il lui restait encore 15 années à vivre. Ses funérailles nationales rassemblèrent un million de personnes à Paris.

    André Maurois, lui aussi membre de l’académie française et spécialiste des biographies d’hommes illustres, trace la personnalité exceptionnelle de Victor Hugo avec force citations extraites de sa gigantesque production littéraire, illustrant les moments douloureux, glorieux, rebelles, solitaires, romantiques, naturalistes…

    Elle avait dix ans et moi trente ;
    J’étais pour elle l’univers.
    Oh ! Comme l’herbe est odorante
    Sous les arbres profonds et verts…

    Doux ange aux candides pensées,
    Elle était gaie en arrivant… –
    Toutes ces choses sont passées
    Comme l’ombre et comme le vent !

    1844, écrit pour le 1er anniversaire de la mort de sa fille Léopoldine

    Le biographe, tout en insistant sur l’œuvre détaille aussi la personnalité égocentrique de l’auteur, renforcée par les succès littéraires rencontrés, la fréquentation des plus grands, la reconnaissance du peuple comme de l’intelligentsia à toutes occasions. Bien sûr, ses cendres ont été transférées au Panthéon des grands hommes de la « Patrie reconnaissante ».

  • Joli cadeau de Noël du conseil constitutionnel

    Joli cadeau de Noël du conseil constitutionnel

    Le conseil constitutionnel présidé par Laurent Fabius, ancien premier ministre socialiste, a censuré quelques articles de la loi de finances 2024, dont les honteuses exonérations fiscales octroyées indument à des fédérations sportives et à leurs salariés afin de favoriser leur installation en France.

    Saisi de la loi de finances pour 2024, le Conseil constitutionnel censure, outre douze « cavaliers budgétaires », des dispositions relatives à l’exonération de certains impôts bénéficiant aux fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique et à leurs salariés.

    https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2023-862-dc-du-28-decembre-2023-communique-de-presse

    C’est une bonne nouvelle tant la France n’a pas les moyens de délivrer des exonérations à des fédérations de musculeux. C’est non seulement inégal comme le précise le conseil, mais c’est surtout financièrement absurde et inapproprié alors que la France est surendettée du fait de décennies de mauvaise gestion des deniers des contribuables. Rappelons ici que le dernier budget en équilibre de la France remonte à 1974.

    De plus, cette mesure « généreuse » est contraire à la constitution. Il est heureux que le conseil constitutionnel l’ait donc écartée et empêcher ainsi le gouvernement de s’égarer une nouvelle fois dans des dépenses inconsidérées.

    Mougey / Le Canard Enchaîné (24/05/2023)

    Le texte de la censure

    * Les auteurs des trois recours contestaient l’article 31 de la loi déférée modifiant plusieurs dispositions du code général des impôts afin d’exonérer de certains impôts les fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique ainsi que leurs salariés.

    Ces dispositions modifient le code général des impôts afin de prévoir, d’une part, que les fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique sont exonérées de cotisation foncière des entreprises, de cotisation sur la valeur ajoutée et d’impôt sur les sociétés au titre de certaines activités et, d’autre part, que les salariés de ces fédérations, fiscalement domiciliés en France, sont exonérés d’impôt sur le revenu à raison des traitements et salaires qui leur sont versés au titre de ces mêmes activités pendant cinq ans à compter de leur prise de fonctions.

    Ces dispositions étaient critiquées notamment au regard du principe d’égalité devant la loi, énoncé à l’article 6 de la Déclaration de 1789, et du principe d’égalité devant les charges publiques, énoncé à son article 13.

    Au regard de ces exigences constitutionnelles, le Conseil constitutionnel relève que, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu, afin de renforcer l’attractivité de la France, inciter les fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique à y installer leur siège social.

    Il juge que, toutefois, en prévoyant, d’une part, qu’une fédération est exonérée des impôts précités, pour toutes les activités afférentes à ses missions de gouvernance du sport et de promotion de la pratique sportive, et, d’autre part, que ses salariés, y compris lorsqu’ils sont déjà domiciliés fiscalement en France, bénéficient d’une exonération d’impôt sur le revenu au titre de ces activités, au seul motif que cette fédération est reconnue par le Comité international olympique, le législateur n’a pas fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction du but qu’il s’est proposé.

    Par conséquent, le Conseil constitutionnel censure comme méconnaissant le principe d’égalité devant les charges publiques l’article 31 de la loi déférée.

  • « À la cour du Prince Genji – 1000 ans d’imaginaire japonais » au musée Guimet

    « À la cour du Prince Genji – 1000 ans d’imaginaire japonais » au musée Guimet

    11ème siècle au Japon, c’est l’époque Heian, la vie culturelle à la cour de Kyoto est extrêmement riche, les caractères de l’écriture sont changés ce qui favorise la diffusion de la culture écrite, la poétesse Murasaki Shikibu écrit un vaste roman : le Dit du Genji qui déroule en 54 chapitres la vie du prince impérial Gengi à la cour. Cette fiction fondatrice inspire toujours la culture japonaise jusqu’au manga d’aujourd’hui. Ce long poème a donné lieu à des illustrations sous forme de dessins, décorations sur laque et de tissages depuis sa publication. Nombre d’entre eux sont exposés par le musée Guimet qui de plus a bénéficié d’un don de quatre rouleaux tissés par le maître tisserand Itarô Yamaguchi (1901-2007) qui voulut en fit don à la France, la patrie où a été inventé le métier à tisser « Jacquard » au début du XIXème siècle.

    Ces rouleaux, exposés dans de longues vitrines horizontales, alternent les caractères japonais de certains des chapitres du poème avec des tissages très sophistiqués et d’une grande finesse. Le maître Yamaguchi a mis trente ans à peaufiner cette réalisation poétique qui est l’œuvre de sa vie. La culture japonaise est quelque chose d’assez mystérieux pour le citoyen occidental, surtout lorsqu’elle remonte au XIème siècle. On pressent un monde extrêmement raffiné et précieux qui préserve ses traditions jusqu’à nos jours, ce qui confirme cette exposition d’un musée Guimet en pleine rénovation.

    Les cerisiers, arbres oh combien symboliques du Japon sont représentés sur dessins et tissages sous différentes formes.

    Le cerisier
    En vérité nous enseigne
    Par sa floraison
    Et par son rouge feuillage
    Que ce monde est éphémère

    Au deuxième étage est présenté l’exposition de photos « Portrait éphémère du Japon » de Pierre-Elie de Pibrac avec une galerie de personnages, figés sur de très grands formats, en couleurs ou en noir-et-blanc, avec qui généralement il dialogue préalablement pour créer le scénario des photos qui convoque l’histoire et la culture du Japon.

    Pierre-Elie de Pibrac
  • « Van Gogh à Auvers-sur-Oise – Les derniers mois » au musée d’Orsay

    « Van Gogh à Auvers-sur-Oise – Les derniers mois » au musée d’Orsay

    Le musée d’Orsay expose les dernières œuvres de Vincent Van Gogh à Auvers-sur-Oise où il arrive le 20 mai 1980 pour y passer les derniers jours de sa vie à laquelle il mettra fin en se tirant une balle dans le cœur. Il meurt le 29 juillet. Van Gogh fait preuve d’une incroyable productivité durant ces 70 jours réalisant 74 tableaux et 33 dessins, dont certains parmi les plus célèbres. C’est dire qu’il a fait plus d’un tableau abouti par jour, d’autant plus que les dernières 48 heures ont dû être moins fécondes avec une balle dans le cœur…

    Il s’installa dans l’auberge du village dont il portraitura la fille des aubergistes. Il fréquente le Dr. Gachet, psychiatre local tourné vers les arts qui l’accompagne dans les crises psychiques qu’il subit encore régulièrement. Van Gogh sort d’un internement à Saint-Rémy de Provence et affiche une personnalité manifestement très perturbée. Ses rencontres avec le docteur, qu’il portraiture également et s’inspire de son jardin pour peindre des natures mortes, n’empêchera pas son geste fatal sur le déroulement duquel subsiste encore quelques mystères.

    Eh bien mon travail à moi j’y risque ma vie et ma raison y a fondrée à moitié.

    A Théo 23/07/1890, lettre que Vincent portait le jour de sa tentative de suicide

    Ce petit village situé à une trentaine de kilomètres au nord de Paris, en pleine nature, au milieu des champs et du mode de vie rural de ses habitants a déjà inspiré les peintres avant Van Gogh. Installé au milieu des champs celui-ci peint dans l’urgence des paysages aux somptueuses couleurs : vert, bleu et jaune, dans une infinité de nuances que le tourbillon de ses pinceaux emmène bien loin dans l’imaginaire des spectateurs éberlués devant une telle maestria. Certains tableaux incluent le village et des fermes aux formes un peu biscornues avec cette notion singulière de la perspective développée par l’artiste.

    Tous ces tableaux expriment globalement de la joie ce qui ne manque pas d’étonner venant d’un artiste dont l’instabilité mentale l’a probablement conduit au suicide. Cette magie de couleurs et le côté un peu « bande dessinée » des formes représentées participent à l’immense succès de Van Gogh et de l’impressionnisme en France comme en atteste le nombre impressionnant de visiteurs qui se promènent aujourd’hui derrière leurs smartphones prenant un nombre incalculable de photos de ces tableaux devenus mythiques.

  • « Past lives » de Celine Song

    « Past lives » de Celine Song

    C’est une jolie comédie romantique que ce film tourné par la réalisatrice sud-coréenne Cecil Song. Nora et Hua Sung fréquentent la même école en Corée, ils ont 12 ans, le second est secrètement amoureux de la première qui va suivre ses parents, artistes, en émigration au Canada. 12 années plus tard, Nora est installée à New-York où elle écrit des pièces de théâtre. Un peu par hasard elle renoue avec Hua Sung devenu ingénieur à Séoul, Internet fait des miracles pour les réunir. Ils sont toujours sous le charme l’un de l’autre mais elle met fin à leurs vidéo-conférences par peur que la nostalgie du pays et de ses amours enfantines ne la submergent et elle veut réussir son intégration aux Etats-Unis. Encore 12 années plus tard, Hua Sung est de passage à New York, il est venu pour revoir Nora qu’il retrouve, mariée à un écrivain américain. Leur amour rode toujours. L’Américain, aimant, voit le risque arriver, laisse se dérouler les évènements en espérant que Nora fera le bon choix…

    Les deux acteurs sont émouvants de tact et de sensibilité. Nous sommes dans la culture asiatique, il n’y a donc pas un mot de trop, l’amour et sa souffrance sont exprimés tout en subtilité. Mais l’histoire est la même où qu’elle se déroule, quand une femme aime deux hommes il y a toujours un perdant. Quel que soit le continent, le retour d’un ex dans le paysage amoureux est souvent annonciateur de troubles. Et puis le temps et le destin font leur œuvre.

    Ce premier long-métrage de Celine Song est une réussite.