Alors que la guerre fait rage entre Israël et la Hamas gazaoui, le gouvernement israélien annonce tous les matins que les combats vont s’intensifier dès le lendemain… Lorsque l’on voit l’état des destructions dans la bande de Gaza depuis deux mois et demi de conflit on se demande comment il est encore possible « d’intensifier » quoi que ce soit au sein de cette guerre !
La presse française répète ce mantra de « l’intensification » sans se poser la moindre question sur son sens réel ni sa traduction dans les faits. En réalité cette guerre est « intense » depuis le départ et tous les moyens à disposition sont utilisés, sauf la bombe atomique que détiendrait Israël sans que ce pays n’ait d’ailleurs jamais officiellement admis l’avoir mise au point (avec l’aide de la France en son temps). Après les assassinats de près de 1 200 israéliens par le Hamas le 7 octobre, souvent dans des conditions de barbarie atroces, Tel-Aviv s’est mis en tête de « détruire » le Hamas. Il est probable qu’il n’y arrivera pas plus que lors des guerres précédentes puisque le Hamas comme le Hezbollah, comme le fut autrefois l’OLP, sont des concepts qui repoussent comme les têtes de l’hydre à qui l’on en coupe une. L’histoire l’a constamment montré depuis 1948.
Les acteurs de cette région ne veulent pas compromettre et empoissonnent la vie du reste du monde depuis plus de 70 ans. Il est à craindre que ce qui se passe depuis le 7 octobre entre Israël et Gaza ne relance la machine de guerre pour les deux ou trois prochaines générations. Quel dirigeant, israélien ou palestinien, pourrait émerger et proposer un plan de paix sur un tel tapis de cendres ?
C’est un bon accomplissement, la France a rapatrié ses derniers militaires stationnés au Niger et fermé son ambassade sans autre forme de procès. L’évacuation de l’armée française est conforme à la demande des autorités locales souveraines ; on espère que tout le matériel militaire a pu être aussi évacué ou a alors été détruit. La clôture de l’ambassade est tout aussi logique. Il est probable qu’elle rouvrira un jour mais elle n’est plus d’une grande utilité en ce moment tant les relations diplomatiques entre Paris et Niamey sont dégradées. Il n’est pas non plus nécessaire de délivrer des visas français à des citoyens locaux pour le moment. Une autre ambassade sera certainement désignée pour représenter les intérêts français en assurant le service minimum.
Bien heureusement, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui avait fait entendre des bruits de bottes, menaçant d’envoyer des troupes au Niger pour rétablir « l’ordre constitutionnel » ne s’est pas exécutée. Personne n’a d’ailleurs vraiment cru qu’une telle initiative puisse être exécutée, la CEDEAO a sans doute perdu là une bonne occasion de se taire. Dans les faits, elle a laissé prospérer la junte de galonnés ayant pris le pouvoir par la force, reléguant le président Bazoum et sa famille en résidence surveillée. Il semble que celui-ci refuse toujours officiellement de démissionner, marquant ainsi un courage certain d’autant plus qu’il est d’origine arabe, c’est-à-dire d’une ethnie minoritaire dans le pays. Il est un peu de dindon de la farce nigérienne, considéré comme un collaborateur de l’Occident et de la France, hélas pour lui. Sa vie ne serait pas en danger mais sa liberté est sérieusement entravée.
Alors que les troupes françaises qui étaient présentes au Mali, au Burkina-Faso et au Niger vont désormais être réemployées dans des tâches certainement plus conformes aux intérêts de la France il est temps maintenant de s’attaquer sérieusement à l’un des derniers vestiges de la françafrique, celui du franc CFA qu’il a déjà été convenu de démanteler en 2019 sans que ce projet n’ait beaucoup avancé depuis. Il prévoyait à l’époque un nouveau nom pour une devise commune, l’ECO, mais le maintien de la garantie d’un cours fixe avec l’euro, offerte par la France et ses contribuables. Ce lien atténue très fortement l’intérêt pour l’Afrique de passer à une devise nationale, qu’elle soit commune à plusieurs pays ou pas d’ailleurs. Il faut casser cette garantie pour redonner aux pays actuellement membres de la zone CFA leur véritable souveraineté monétaire, quitte à ce qu’ils s’organisent en zone monétaire commune s’ils le souhaitent.
On ne comprend pas bien pour le moment ce qui freine Paris pour mener à bien ce projet qui a été mis sur pieds par la France et les pays de la zone monétaire il y a déjà quatre ans. Peut-être les derniers soubresauts de la françafrique pourtant bien moribonde mais pas tout-à-fait à terre ?
Il semble que l’ambassade du Niger en France et ses deux consulats à Lyon et Marseille continuent de fonctionner normalement. Il conviendrait probablement d’examiner leur utilité en de telles circonstances et d’envisager leur fermeture le cas échéant.
Flamboyant concert ce soir à Bercy de l’Etienne Daho Show qui met ici le point final à une tournée dans les grandes salles françaises. La mise en scène est gigantesque, plutôt inhabituelle pour notre crooner rennais habitué généralement aux salles classiques comme l’Olympia, plus propices à l’intimité de ses chansons tourmentées. Mais la tournée lancée après la parution cette année de son dernier disque, Tirer la nuit sur les étoiles, a volontairement pris le chemin d’un jouissif grandiose qui a émerveillé les Parisiens.
Trois immenses murs de diodes LED bordent le fond de la scène, un quatrième au plafond et le sol brillant qui réfléchit les animations projetées referme la boîte à images dans laquelle sont positionnés les musiciens, comme dans un théâtre. Et le spectacle y est époustouflant, alternant animations et films naturalistes, le tout dans une permanente explosion de couleurs et de créativité assez exceptionnelle. Daho explique dans des interviews qu’il a fixé des mots clé pour chaque chanson afin que la société Mathematic Studio, habituée des grandes réalisations pour le rock (U2, The Chemical Brothers…), alliée à la puissance de calcul moderne, compose ce kaléidoscope féérique sur lequel sont posés les 26 morceaux joués ce soir.
Lorsque les lumières s’éteignent les premières notes de L’Invitation retentissent. Daho apparaît au fond de la scène au pied des 4 lettres blanches composant son nom en 4 mètres de haut. Il est vêtu d’un pantalon noir et d’une veste sombre parsemée de paillettes dorées et cuivrées sur lesquelles vont se réfléchir la soirée durant les projecteurs braqués sur la vedette.
Ah ! je brûle je brûle, les tentacules m’attrapant du fond des enfers Me donnent la cruelle sensation de marcher pieds nus sur du verre La bonté de ta main généreuse et parfaite qui me fait signe d’avancer Me donne l’aimable sensation d’être à la vie de nouveau convié, convié Ah ! qu’y puis-je ah qu’y puis-je, la liqueur volatile je veux toute la partager À la table des poètes, des assassins, tout comme moi ici conviés
Volontiers j’accepte le meilleur traitement Que l’on réserve tout exclusivement Aux invités le festin nu, qui fait les langues au soir se délier, se délier yeah Yeah yeah yeah…
On ne saurait si bien dire et 15 000 spectateurs font un triomphe à cette intro menée tambour battant, guitares et batterie marquant le beat brûlant de la chanson lançant l’éblouissante fantasmagorie de lumières qui va nous accompagner toute la soirée. Alors qu’il arpente le devant de la scène annonçant Sortir ce soir, Daho salue le public, le retrouvant avec affection dans la cathédrale de Bercy, expliquant que son « cœur explose » de jouer ici ce soir. Toujours timide et sensible, les années de métier n’ont pas entamé une émotivité à fleur de peau. Sur la scène immense sont étagés un quatuor à cordes (deux violons, un alto et un violoncelle), François Poggio (guitare), Colin Russeil (batterie), Marcello Giuliani (basse) et Jean-Louis Piérot (claviers & guitare).
Les bases sont posées, le show commence, la soirée sera furieuse. Il enchaîne sur Le grand sommeil et Sortir ce soir, toute la mémoire musicale de nos jeunes années, quand Daho était portraituré par Gilbert & Gilles avec un perroquet sur l’épaule pour la couverture de La notte, la notte sortie en 1985, puis Le phare, extrait du dernier disque et annoncé comme « plein d’embruns », nous confirme que nous allons traverser près de 40 ans de la carrière hors normes de notre rocker français au cœur tendre.
C’est à Rennes, que Daho est entré sur la scène musicale alors très riche de cette ville bretonne. Il porte toujours autour du cou une chaîne avec un triskèle celte, emblème solaire symbolisant les trois états de l’astre : lever, zénith et coucher, et dont les trois jambes qui s’enroulent autour du centre pourraient aussi marquer le cycle de la vie, bref, du mystère et de la symétrie à l’image de ce concert. Le triskèle est diffusé sur les écrans au milieu des bandes noire-et-blanche du Gwen ha du, le drapeau breton, sur Le premier jour (du reste de ma vie), reprise de Sarah Crachnell popularisée par Edith Piaf qui occupe une place de choix dans le Panthéon musical de Daho.
Il nous raconte ensuite sa première rencontre transie avec Gainsbourg rue de Verneuil pour lancer Comme un boomerang, chanson écrite par le maître pour Dani et que Daho avait réinterprétée avec elle, la sortant de l’oubli dans lequel elle était tombée. Car Etienne est aussi un artiste de la fidélité et de la reconnaissance à tous ceux qui ont forgé son univers musical. Plus tard il a interprété Comme un boomerang en duo avec Charlotte Gainsbourg… Il la chante tout seul ce soir pour une très belle version qui n’efface pas dans les yeux des fans les images de Dani ou Charlotte duettisant avec lui. L’enchaînement Saudade et sa ritournelle de piano avec Des attractions désastres aux riffs de guitare saccadés, revient sur l’excellent disque Paris ailleurs, enregistré à New York en 1991 avec Edith Fabuena à la guitare, cofondatrice du groupe Les Valentins, dont l’autre fondateur, Jean-Louis Piérrot, devenu compagnon de route de Daho, assure claviers et guitare ce soir à Bercy.
Et puis il revient sur ce concert donné à l’Olympia où il repérât une fan en mezzanine « juste au milieu » qui avait dansé fiévreusement durant tout le show. Revenu dans les coulisses, il découvre que c’était… Jeanne Moreau. Il ressortit de cette rencontre impromptue une collaboration et la mise en scène et en musique (par Hélène Martin) du poème de Jean Genet « Le condamné à mort » dont Daho interprète ce soir Sur mon cou… C’est aussi le symbole d’une longue amitié-estime entre les deux artistes ; Jeanne fera même d’Etienne l’un de ses exécuteurs testamentaires à son décès en 2017.
Nous n’avions pas fini de nous parler d’amour. Nous n’avions pas fini de fumer nos gitanes. On peut se demander pourquoi les Cours condamnent Un assassin si beau qu’il fait pâlir le jour.
Amour, viens sur ma bouche ! Amour, ouvre tes portes ! Traverse les couloirs, descends, marche léger Vole dans l’escalier plus souple qu’un berger Plus soutenu par l’air qu’un vol de feuilles mortes.
Ô traverse les murs, s’il le faut marche au bord Des toits, des océans, couvre-toi de lumière Use de la menace, use de la prière Mais viens, ô ma frégate, une heure avant ma mort.
C’est ensuite un melting-pot de ses tubes de légende : Duel au soleil, Week-end à Rome, En surface… Le public exulte, Tombé pour la France qui rencontre un franc succès avec ses montées d’accords tonitruantes sur huit temps, comme huit marches, pour lancer chaque couplet, comme pour recharger cette chanson d’amour endiablée lancée à la tête de celle qui n’est plus là :
Dum di la, je m’étourdis, ça ne suffit pas A m’faire oublier que t’es plus là J’ai gardé cette photo sur moi, ce photomaton que t’aimais pas Si tu r’viens n’attends pas que je sois tombé pour la France
Sur Le premier jour (du reste de ta vie), datant de 1998, les spectateurs, conformément au petit billet glissé sur chaque siège, couvre la lumière de leur téléphone d’un papier vert ou rouge et les agitent sur les paroles de cette chanson écrite aux temps dépressifs de Daho, qui fut reprise dix ans plus tard dans la bande originale du film éponyme de Rémi Bezanançon. Cette fois-ci le light-show vient de la salle et Daho, les larmes aux yeux, ne sait plus comment remercier son public énamouré, lui tendant ses mains ouvertes, comme pour le saisir dans ses bras.
Alors que démarre Tirer la nuit sur les étoiles, les écrans se remplissent des images de Vanessa Paradis en très gros plan, virevoltant avec une longue robe blanche avant que ne surgisse du fond de la scène… Vanessa Paradis dans la même tenue, entourant Etienne de ses frou-frous, cette fois-ci sur scène, pour un duo charmant. Elle est éclatante et épanouie et tous deux débordent de la joie d’être ensemble à Bercy qu’ils concluent par un hug prolongé sous les hourras.
Les meilleures choses ont une fin, Epaule tattoo vient nous le rappeler, interprété avec maestria sur ses riffs de claviers qui marquent le rythme entraînant de cette chanson inoubliable. Le déhanchement discret et félin de Daho émousse un public qui chante à tue-tête ce classique du répertoire.
Après le délai de rigueur, le groupe réapparaît, Daho habillé d’un perfecto noir et clouté pour chanter Au commencement extrait de l’album Eden, avant un nouveau duo sur Boyfriend avec Jade Vincent, du groupe américain Unloved qu’elle a fondé avec Keefus Ciancia, dont Daho est un grand fan et avec lequel il a collaboré sur son dernier disque dont ce morceau est extrait, une ballade romantique, une histoire d’amour, d’amitié, de fidélité… on ne se refait pas. Mais il faut bien partir et c’est Ouverture qui clôt cette soirée. La chanson mystérieuse d’un amour difficile à trouver, entamée sur des nappes de clavier obsédantes en mode mineur, la voix sombre de Daho monte en puissance, puis éclate en une supplique scandée vers l’espérance alors que la batterie et les guitares entrent dans le jeu :
Il fut long le chemin et les pièges nombreux avant que l’on se trouve Il fut long le chemin les mirages nombreux avant que l’on se trouve Ce n’est pas un hasard, c’est notre rendez-vous pas une coïncidence.
Une fois leurs instruments délaissés, les artistes n’en finissent pas de saluer et ne savent plus comment nous quitter. Vanessa Paradis et Jade Vincent sont venues se joindre au groupe éperdu de bonheur. Daho remercie un par un tous ceux qui ont fait cette tournée magique et puis… les lumières se rallument pendant que la sono joue Noël avec toi, l’un des bonus de Tirer la nuit sur les étoiles.
Quel talent, quelle élégance, quel parcours pour ce gamin né en 1956 en Algérie à Oran, expédié chez ses grands-parents à Cap Falcon pour fuir les horreurs de la guerre coloniale qui fait rage, délaissé très tôt par son père, exilé à Rennes où il devient la tête chercheuse de la pop électronique française des années 1980, ami ou admirateur des plus grands (Syd Barrett, Lou Reed, Françoise Hardy, Comateens, Dani, Chris Isaak, Alan Vega, Françoise Hardy, Eli & Jacno…), petit prince du rock français à la voix de velours il s’est inspiré de tout ce répertoire pour créer sa propre œuvre : des mots plein de tendresse et de nostalgie posés sur de superbes mélodies aux rythmes redoutables, entraînants et obsessionnels, donnant lieu à des prestations scéniques sans cesse renouvelées et toujours parfaites. Ce soir n’a pas dérogé à la règle en dévoilant un nouveau filon, celui d’une mise en scène numérique grandiose, à la fois hypermoderne mais aussi marquée d’images kaléidoscopiques dans lesquelles les symétries et les brisures ne sont pas sans rappeler des motifs Vasarely auxquels aurait été ajoutée la magie du mouvement.
A 67 ans Etienne Daho nous surprend encore, continue à créer de la musique, à collaborer avec ses amis au gré d’improbables rencontres dans le monde du rock et de la chanson française et, surtout, à enchanter un public conquis. Ce soir, les spectateurs de Bercy sont sortis avec des étoiles plein les yeux. Pour ceux qui voudraient y revenir, le Zénith du 16 mai 2024 est déjà complet mais un nouveau show vient d’être annoncé pour le 15 mai dans cette même salle.
Setlist : L’invitation/ Le grand sommeil/ Sortir ce soir/ Le Phare/ Comme un boomerang (Serge Gainsbourg cover)/ Virus X/ Réévolution/ Des heures hindoues/ Mon manège à moi (Jean Constantin cover)/ Saudade/ Des attractions désastre/ Sur mon cou… (Hélène Martin cover)/ L’homme qui marche/ Duel au soleil/ En surface/ Tombé pour la France/ Quatre hivers/ Bleu comme toi/ Soudain/ Le premier jour (du reste de ta vie) (Sarah Cracknell cover)/ Week-end à Rome/ Tirer la nuit sur les étoiles (with Vanessa Paradis)/ Épaule tattoo
Encore : Au commencement/ Boyfriend (with Jade Vincent)/ Ouverture
Song played from tape : Noël avec toi
Warmup : Global Network, un duo de DJ’s qui chantent sur leurs machines et commentent leur présence à Bercy à grand renfort de « gros délires » et « trucs de ouf » qui manquent un peu de finesse. C’est sans doute la loi du genre mais on préfère quand ils ne parlent pas.
Ce mardi, les abonnés de l’Institut du monde arabe (IMA) ont reçu un email mielleux et insignifiant signé Jack Lang, 84 ans, qui vient d’être reconduit pour un énième mandat de président de cette institution après déjà plus de dix ans d’exercice. Il remercie le président de la République qui semble avoir joué un rôle significatif dans cette reconduction à la tête de l’IMA qui est un institut où des pays arabes disposent aussi de pouvoirs.
Paris, le 19 décembre 2023
Chers amis de l’Institut du Monde Arabe,
C’est avec une grande satisfaction que je m’adresse à vous aujourd’hui. Lors de la réunion du conseil d’administration qui s’est déroulée ce jour, j’ai eu l’honneur d’être reconduit à la présidence de l’Institut du Monde Arabe, par un vote unanime.
Je tiens à exprimer ma sincère gratitude envers le Président de la République Emmanuel Macron et les pays arabes, qui m’ont renouvelé leur confiance. Cette décision témoigne du travail accompli par nos équipes au cours de ces dernières années, soutenant une gestion rigoureuse, une programmation de qualité et des projets ambitieux.
Votre appui constant est notre meilleure récompense.
L’Institut du Monde Arabe demeure un lieu privilégié d’échange, de découverte et de dialogue. C’est avec une détermination renouvelée et une passion toujours intacte que nous nous engageons à poursuivre ces missions.
Je profite de cette occasion pour vous remercier de votre fidélité envers cette institution unique au monde et espère vous accueillir nombreux prochainement.
Avec tout mon engagement et ma reconnaissance, je vous souhaite de belles fêtes de fin d’années.
Jack Lang, Président de l’Institut du monde arabe
Cette décision en faveur de Lang était en fait déjà prise depuis quelques mois mais elle a été juridiquement entérinée par un conseil d’administration tenu hier. C’est une très mauvaise nouvelle. Le maintien à son poste de cet homme âgé, certainement remplaçable, marque une défaillance de gouvernance édifiante. Elle confirme l’immobilisme de la vie politique française qui tourne en roue libre pour autorenouveler ses élites en son sein. Et elle nous permet de recevoir ce message autosatisfait de l’impétrant.
Pour ceux qui n’ont jamais lu Elsa Morante (1912-1985) il est urgent de se plonger dans La Storia, son grand-œuvre de 900 pages. Cette saga de l’écrivaine italienne se déroule à Rome entre 1941 et 1947 au cœur d’une période agitée qui voit l’Europe plonger dans la guerre pour contrer les ambitions du fascisme en Italie et en Allemagne.
Ida est une jeune enseignante, juive par sa mère (mais toutes deux se sont toujours évertuées à cacher cette origine), elle a un fils d’un premier mari disparu, Ninnu, elle accouche d’un second, Useppe, issu de son viol par un soldat allemand. Elsa Morante raconte la vie en cette période difficile à travers le regard de ces trois personnages auquel il faut ajouter celui de la chienne Bella, membre incontournable de la famille qui cornaque les virées d’Useppe dans Rome.
Ce roman fleuve déroule son cours au travers les idéologies qui emportent l’Europe et l’Italie : le fascisme mussolinien, l’alliance avec l’Allemagne nazie, la chasse aux juifs, la guerre civile italienne après la libération du Sud du pays par les alliés… Mais, surtout, il traverse l’âme et les émotions des personnages créés par la romancière avec une grande subtilité. On est emporté par le regard d’Useppe qui découvre le monde, d’abord limité à l’appartement dont sa mère n’ose pas le sortir, puis des rues de Rome où l’emmène Ninnu qui passe des chemises noires à la résistance puis au marché noir avec le même joyeux enthousiasme qui fascine son petit frère. Ida fait son possible pour survivre avec sa petite famille en ces temps de pénurie et d’incertitude, elle y réussit, guidée par l’amour sans limite prodiguée à ses deux fils. Et en 1945, alors que s’ouvrent les camps d’extermination, Useppe tombe par hasard sur un magazine publiant les photos des déportés et cet évènement va détériorer son état de santé déjà fragile. Ses crises d’épilepsie vont s’aggraver jusqu’à une issue fatale en 1947. Ida, qui a déjà perdu Ninnu dans les combats pour la libération de Rome tombe alors dans une apathie dont elle ne sortira plus.
Elsa Morante réussit dans ce roman dramatique à véritablement rentrer dans le cœur de ses personnages dont elle décrit les élans avec pudeur et émotion, et une précision dans l’analyse impressionnante. C’est une histoire triste bien sûr, mais tellement vivante que le lecteur la dévore, pressentant la fin, toujours accroché à l’espoir qu’elle pourrait être moins dramatique tant les réflexes de vie et de bonheur du petit Useppe sont forts. Les sentiments et le dévouement d’une mère en temps de guerre, d’abord inquiète, puis désespérée, sont relatés de façon bouleversante. Quel talent de l’écrivaine italienne dans l’analyse et la restitution de ces sentiments ! C’est du grand art et la caractéristique d’une immense romancière.
La Russie a le vent en poupe dans le conflit qui l’oppose à l’Ukraine et à l’Occident. Hier le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement a entériné l’ouverture des négociations d’adhésion à l’Union européenne (UE) pour l’Ukraine, la Moldavie et la Bosnie-Herzégovine. Certes il reste encore de nombreuses étapes à franchir avant que ces adhésions ne soient opérationnelles, l’exemple de la Turquie est là pour le rappeler, mais on peut imaginer que pour l’Ukraine en guerre contre la Russie l’Union sera moins exigeante pour accélérer cette adhésion comme prix des sacrifices endurés par Kiev pour défendre les frontières Est de l’Europe contre l’agressivité de la Russie.
L’ouverture des négociations d’adhésion déclenche le déblocage de fonds européens en faveur des candidats pour les aider à se mettre à niveau et il va bien falloir que ces fonds soient prélevés quelque part, c’est-à-dire dans les poches des Etats membres actuels ce qui risque de déclencher frustrations et difficultés. L’entrée de ces pays dans les instances de l’UE va significativement changer ses objectifs et ses règles, probablement en les dégradant car l’aspect politique de l’Union va progressivement être dissous dans l’immense capharnaüm que va devenir le conseil européen réunissant les chefs d’Etat et de gouvernement. Essayons d’imaginer la table du conseil demain avec les pays fondateurs, les pays de l’Est adhérents post-dislocation de l’URSS, certains pays balkaniques, sans parler de l’Albanie, la Géorgie et d’autres qui lorgnent vers un siège à Bruxelles. La confrontation de tant d’intérêts divergents, de niveaux de développement économique différents, de cultures et de religions parfois opposées va immanquablement entraîner la dilution de l’aspect politique que les pères fondateurs ont voulu donner à l’Union. La question budgétaire va également être au centre de conflits sans fin tant les besoins financiers de ces candidats sont gigantesques. Les probables difficultés à financer cette mise à niveau des candidats va immanquablement entraîner une baisse des flux financiers vers les pays qui en sont aujourd’hui bénéficiaires. Il va bien falloir trouver les sous quelque part…
Les pays dits « illibéraux », mais aussi certains partis nationalistes aux Etats-Unis et dans des pays occidentaux se frottent les mains devant cette déliquescence annoncée du projet européen tant ils rejettent ses « valeurs » démocratiques et libérales, la Russie au premier chef !
Deuxième victoire de Moscou face à l’Occident, le refus, ou le report dans le meilleur des cas, des aides financières que prodigue l’Union à l’Ukraine après que les Etats-Unis ont adopté la même position. Depuis deux ans que dure la guerre d’Ukraine, les pays occidentaux qui finance l’Etat ukrainien et le fournisse en armes commencent à affronter la lassitude de leurs citoyens. Evidemment c’est du pain béni pour la Russie dont les capacités de résistance à l’adversité ne sont plus à démontrer et qui est largement aidées par ses pays amis. Voir l’aide occidentale à son ennemi ukrainien se déliter ne peut que renforcer la position de Moscou dans ce conflit.
La semaine qui se termine a été excellente pour le pouvoir russe engagé dans un combat féroce contre l’Occident mais la lutte n’est pas encore terminée !
Un café-librairie à Saint-Laurent de la mer : au fond l’immense baie de Saint-Brieuc à marée-basse, Iggy sur la sono (James Bond) suivi par Leonard Cohen (I’m your man), de vieux vinyles en vente dans les bacs, Klaus Schultz, Grateful Dead, Lou Reed, Cat Power, Bessie Smith, Robert Wyatt ; côté livres d’occasion, Colette, Jakez Hélias, Saint-Simon… Le thé aux épices est bon et chaud… Tout est calme et désert, respirons, c’est juste une après-midi au bord du monde.
Le parti de droite Les Républicains (LR) a franchi le rubicond en s’alliant avec les extrêmes de gauche et de droite pour empêcher l’examen d’un projet de loi sur l’immigration déjà amendé et approuvé par le sénat. Un mystérieux article du règlement intérieur de l’assemblée nationale permet en effet de rejeter l’examen d’un texte si une majorité se rassemble en faveur de ce rejet, ce qui fut le cas aujourd’hui. Le gouvernement a alors le choix de retirer le texte ou de convoquer une « commission mixte paritaire » composée de députés et de sénateurs pour tenter de se mettre d’accord sur une nouvelle version du projet de loi. C’est cette dernière option qui a été choisie.
Cet incident procédurier n’est pas dramatique, après-tout la France peut sans doute se passer de cette énième loi sur l’immigration. Il faudrait déjà pouvoir appliquer intégralement les précédentes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, avant de légiférer de nouveau. En revanche, cette bataille juridique picrocholine a permis d’assister au consternant spectacle de députés de gauche (plutôt pro-immigration) brailler et applaudir avec des députés de droite (plutôt anti-immigration) devant la défaite du gouvernement qu’ils avaient provoquée. En s’associant à ce combat LR s’est acoquiné avec des forbans sans foi ni loi et a fait basculer la décision.
Une nouvelle fois la France brille par son incapacité à compromettre pour gouverner au profit du pays, privilégiant les petites haines personnelles et des idéologies au rabais. Après tout, la représentation nationale représente bien la Nation qui l’a élue : des bandes de voyous s’écharpent à coups de couteau dans la rue et leurs représentants se battent à coups d’articles de règlements intérieurs. C’est moins sanglant dans le deuxième cas, mais tout aussi inefficace pour freiner la chute du pays dans une décadence dont on se demande si elle prendra fin un jour.
Dans un train Paris-Brest, un jeune en jogging blanc et baskets de la même couleur (il ne porte pas de casquette) écoute son smartphone avec le son ouvert, certes à un niveau faible, mais suffisant pour que ses voisins autour de lui entendent. Et lorsqu’il lui est demandé aimablement de porter ses écouteurs ou de couper le son, il s’exécute en s’excusant mais comme il utilise en parallèle son application WhatsApp, chaque fois qu’il envoie un message on entend un léger « ploc » suivi d’un « plic » lorsqu’il reçoit la réponse. Les messages ne faisant pas plus de 3 ou 4 mots, les plic et les ploc prolifèrent.
Deux rangs derrière, une dame sexagénaire, après avoir téléphoné bruyamment, déplie son pic-nic et laisse ses déchets sur sa tablette en partant.
Le train est plein et transporte son habituel pourcentage de gens mal-élevés qui ne se sentent même pas coupables de leurs légères incivilités. Ce n’est plus une question d’âge, juste un affaissement des principes, la confirmation d’une certaine décadence.
Le musée de l’Orangerie expose la relation partagée entre Amedeo Modigliani (1884-1920) avec un de ses marchands, Paul Guillaume (1891-1934) à travers les tableaux du premier, dont nombre de portrait de M. Guillaume qui ne détestait manifestement pas se faire portraiturer et photographier. Modigliani, italien de religion juive arrive en France en 1903, après un séjour à Venise, se lance dans la sculpture, marque un grand intérêt pour les arts africains dont il s’inspire, fréquente Montparnasse, Montmartre et s’insère dans le foisonnement de la vie culturelle qui explose à cette époque. Ses amis sont Brancusi, Utrillo, Max Jacob, Blaise Cendrars, Jean Cocteau, Diego Riviera… puis Paul Guillaume qui découvre, fortifie et monétarise son talent de peintre.
L’Orangerie montre une galerie de portraits caractéristiques du modernisme du pinceau de l’Italien : des personnages légèrement difformes, des yeux aux orbites souvent vides mais colorées, des cous surdimensionnés, des traits taillés à la serpe, des corps alanguis, souvent posés sur une chaise, attablés ou accoudés sur un meuble. Dans les tableaux il n’y a quasiment pas d’autres objets, encore moins d’ouvertures sur l’extérieur, tout est centré sur ses modèles qui sont pour la plupart issus des écrivains et artistes parisiens. Pendant que Picasso et Braque fondent le cubisme, Modigliani, qu’ils croisent parfois au Bateau Lavoir de Montmartre sans en être proche, reste fidèle à l’Ecole de Paris qui transforme le postimpressioniste en le modernisant sans le révolutionner.
La reconnaissance dont bénéficie Modigliani ne l’empêche pas de mener une vie dissolue. Alcool et cannabis expliquent sans doute en partie son décès à Paris à 35 ans. Son marchand Paul Guillaume décède quelques années plus tard. Une sombre histoire de détournement de sa succession dans laquelle est impliquée sa femme amène une décision de justice qui fait revenir l’essentiel de son immense collection à l’Etat français. Elle est visible à la suite de celle de Modigliani.
Un merveilleux film du réalisateur allemand Win Wenders pour lequel l’acteur principal Kōji Yakusho a obtenu le prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes 2023. C’est l’histoire d’Hirayama, employé par la ville de Tokyo pour en nettoyer les toilettes publiques, tâche qu’il accomplit avec minutie, dévouement et, presque, avec plaisir. Son ordinaire est réglé comme du papier à musique : lever (tôt), repli du futon, brossage de dents et départ vers le boulot à travers les rues ensommeillées de Tokyo, déjeuner d’un sandwich dans un square avec ses amis les arbres ; puis, au retour, bain public traditionnel, repas dans un boui-boui en sous-sol dans un couloir de station de métro, complété le week-end par le pressing pour sa lessive de la semaine et le passage dans un bar dont il est secrètement amoureux de la patronne. Le soir avant des s’endormir il lit Faulkner et Patricia Highsmith.
Il ne parle quasiment pas mais chaque matin, assis dans sa camionnette il sélectionne la cassette qu’il va écouter la journée durant ses déplacements. Adepte de l’analogique, ses cassettes de collection datent des années 1970 avec Patti Smith, Lou Reed (dont la célèbre chanson Perfect Day inspire le titre du film), le Velvet Underground avec Pale Blue Eyes, l’une des plus belles chansons d’amour jamais écrite, composée par Lou amoureux fou de Nico, Van Morisson…
La monotonie de cette vie bien réglée, que certains pourraient qualifier d’autisme, est bien entendu troublée par les évènements de la vraie vie qui viennent bouleverser l’ordinaire de notre nettoyeur de toilettes. C’est d’abord l’incursion de sa nièce, fugueuse d’un environnement familial bourgeois lui aussi bien réglé semble-t-il, la découverte ensuite que la patronne de bar eut un mari désormais atteint d’un cancer, la gestion de l’adolescent tardif qui lui sert d’adjoint qui s’avère aussi agitée…
Mais Hiramaya fait face avec sérénité à tous ces évènements impromptus, sûr qu’il va revenir à son existence tranquille dès que les intrus seront retournés à leurs vies déréglées. Il aime la nature, souriant chaque matin devant le soleil levant après avoir pris soin de ses bonzaïs avec tendresse. Il aime voir les gens s’agiter et il aime, surtout, sa vie paisible dont les journées en semaine sont consacrées à agrémenter l’ordinaire des gens affairés.
Dans les interviews menées par Wim Wenders à l’occasion de la promotion de ce film, il explique la relation spéciale qu’il entretient avec le Japon et son cinéma. Pas sûr que ce balayeur de toilettes, lecteur de Faulkner et admirateur de Lou Reed, ne soit très représentatif de cette catégorie de Japonais, mais qu’importe, Wenders a réussi un film plein d’émotion autour d’un personnage, en principe inexistant, dont la sensibilité et le détachement irradient l’écran. Il y a un arrière-plan bouddhiste dans ce film délicat. La solitude heureuse peut exister, finalement !
Sur cette bonne vieille Montagne Sainte-Geneviève, le cœur du quartier étudiant et intellectuel de Paris durant des siècles, l’église Saint-Etienne du Mont accueille le Chœur Symphonique de Paris, dirigé par Xavier Ricour, qui chante la messe en ré de Dvorak (1841-1904) et les Chichester Psalms de Leonard Bernstein (1918-1990). Il n’y a pas d’orchestre mais une organiste, Mélodie Michel, perchée dans les hauteurs, suivant la baguette du chef sur un écran vidéo face aux imposants tuyaux d’orgue de l’église.
Autant Dvorak est d’une pure facture très classique autant le Bernstein chahute un peu l’oreille. Une batterie et une harpe ont été ajoutée marquant aussi la modernité de l’œuvre inspirée du Livre de psaumes de la Bible hébraïque et chantée en hébreu. Le chœur est renforcé par un jeune contre-ténor, Arnaud Gluck, dont la voix de tête monte bien haut dans les arches de l’église et le cœur de l’assistance. Bernstein, chef d’orchestre, pianiste et brillant compositeur a vogué sur tous les courants musicaux de son siècle avec un égal bonheur, de la comédie musicale au dodécaphonisme en passant par le blues. Le concert ce soir remporte un franc succès et donne l’envie de découvrir ces psaumes plus avant.
Dans la file pour d’attente pour accéder à l’église, deux vieilles dames à la peau parcheminée par le temps et le bronzage artificiel, très 6ème arrondissement, parlent du coronavirus. L’une affirme à l’autre : « ne te fais surtout pas vacciner car tu es ainsi sûre de l’attraper ». On a beau venir partager de la musique sacrée, on n’en reste pas moins concerné par les tracas du quotidien…
Le Mali et le Burkina Faso, anciennes colonies françaises, sont en train de modifier leurs constitutions pour retirer au français son statut de langue nationale et le rétrocéder au rang de « langue de travail ». Ce sont les langues nationales qui deviennent « langues officielles ». Le problème que ces pays vont devoir gérer est que ces « langues nationales » sont nombreuses et ils risquent de se retrouver un peu comme la Belgique avec le wallon et le flamand mais avec 10 ou 20 langues officielles ce qui ne va pas faciliter les choses. Cela reste toutefois une bonne décision en termes de souveraineté. En d’autres temps, l’Algérie a aussi mis de côté le français dans son système éducatif pour le remplacer par l’arabe, avec des résultats parfois mitigés.
C’est une nouvelle spécificité du fait colonial français : les anciennes colonies rejettent tellement l’ex-puissance colonisatrice qu’elles en rejettent la langue. Ce ne fut pas le cas pour les pays colonisés par l’Espagne, le Portugal ou le Royaume Uni.
Il reste un dernier clou à enfoncer dans le cercueil de la décolonisation française c’est l’abandon définitif de la monnaie coloniale « Franc CFA » avec le démantèlement complet de la « Zone Franc » annoncé il y a déjà quelques années mais jamais exécuté. Il faut le mener à bien et rendre aux anciennes colonies leur pleine souveraineté monétaire comme cela a été décidé entre la France et les pays concernés.
Après le récent départ forcé des troupes françaises de certains de ces pays, l’impression est que la décolonisation/post-colonisation se termine amèrement, sans parler des frustrations exprimées par les enfants et petits-enfants de cette colonisation nés en France, le pays qui a colonisé leurs parents… Il faut bien malgré tout que les choses évoluent et que le cordon ombilical soit coupé. C’est ce qui en train de se réaliser, enfin !
Ce documentaire détaille quatre cas de cyberharcèlement subis par quatre personnes dans quatre pays. En Italie, par la présidente de l’assemblée nationale, aux Etats-Unis, par une élue du Vermont, en France, par une réalisatrice, et au Canada, par une enseignante québécoise.
C’est à chaque fois une histoire un peu similaire : un déchaînement d’injures, de menaces de viol, de mort, qui s’abat soudain sur ces personnes via les réseaux dits « sociaux », pour n’importe quelle raison, qu’elles soient célèbres ou inconnues, engagées politiquement ou pas, noires, blanche ou d’une autre couleur, pour des motifs politiques ou pas, sexuels ou non, parfois juste pour le plaisir de nuire. Certaines victimes y résistent courageusement, d’autres prennent peur et cèdent pour mettre fin à la menace.
Le cyberharcèlement se montre surtout sous son vrai jour : une avalanche de bêtise crasse déversée par des décérébrés se sentant tout puissants derrière leurs écrans, ne se cachant même pas dans l’anonymat puisque la plupart revendiquent tout à fait publiquement leurs sordides actions numériques. Ce film expose au grand jour le niveau de dégénérescence dont souffre une partie de notre société à force de publicités abrutissantes, de télévisions débilitantes, de comportements politiques infantiles, de matchs de ballon aux accents racistes ou nationalistes, de « débats » menés par Cyril Hanouna et consorts…
Un certain nombre d’individus n’arrive pas à s’extraire de cet environnement déliquescent et libère bile et frustrations en nuisant à son prochain et utilisant la puissance du numérique. Ce n’est pas réjouissant !
Nous sommes au lendemain de la seconde guerre mondiale, Madeleine a accouché d’un garçon issu d’une liaison avec un officier allemand parti rapidement sur le front de l’Est. Elle l’élève seule en travaillant dans un hôtel de bord de mer breton où elle rencontre un jeune bourgeois atteint par la polio et à la sexualité indécise. Par la suite ils tiennent ensemble un bar à Châteauroux, ville de garnison pour GI’s américains. Un soldat se mêle à leurs ébats faisant réapparaître les tendances homosexuelles du mari de Madeleine qui l’amèneront à d’autres dérives. Pendant ce temps, le rejeton du soldat allemand se sent mal-aimé et le fait savoir avant qu’une petite-sœur ne s’annonce.
Ce film n’est pas inintéressant sur une époque trouble pour la France, mais une telle accumulation de traumatismes et de pathologies concentrée sur les personnages rend le film un peu irréaliste.
Malgré les visites régulières de représentants de l’Etat français en Nouvelle-Calédonie il n’y a pas moyen pour le moment de faire s’entendre les communautés sur un avenir commun, dans le cadre de la République, celui d’une autonomie ou de l’indépendance, statut ultime auquel cette ancienne colonie française est promise un jour ou l’autre. Le ministre de l’intérieur français est revenu de Nouméa fin novembre après avoir fait chou blanc, si l’on ose dire, à unifier les positions des Kanaks (population « de souche ») et des Caldoches (descendants des colons).
Les accords de Matignon de 1988 puis de Nouméa en 1998 ont échoué à mener l’archipel vers son émancipation et près de 40 ans après le lancement d’un processus intelligent et pacifique lancé sous l’autorité avisée du premier ministre Michel Rocard la République française a toujours ce caillou calédonien dans sa chaussure et cela commence à lui faire mal. Après les trois référendums qui ont dit « Non » à l’indépendance les loyalistes considèrent que la messe est dite, qu’il faut en prendre acte et que la Nouvelle-Calédonie doit être définitivement ancrée dans la France et, accessoirement être sortie de la liste des territoires à décoloniser des Nations Unies. Pour les indépendantistes qui président actuellement le gouvernement de Nouvelle-Calédonie (avec des pouvoirs beaucoup plus étendus que ceux d’une simple région française) il ne saurait être question d’accepter cette position. Ils refusent d’ailleurs de reconnaître le résultat du troisième référendum de décembre 2021 qu’ils ont boycotté pour cause de pandémie de Covid19 qui ne leur laissait pas assez de temps pour faire le deuil de leurs morts.
Le désaccord est quasi-complet sur les perspectives : composition du corps électoral, rétrocession des terres aux Kanaks, intégration du droit coutumier local dans le système juridique, modification de la Constitution, etc. Un consensus entre les trois parties, Kanaks, Caldoches et Etat français paraît improbable et il faudra pourtant le trouver. La question existentielle est toujours la même : a-t-on une chance de voir un jour les Kanaks accepter les droits et devoirs de la République française de façon apaisée ? La réponse est non. Il y aurait donc avantage à trouver la voie de l’émancipation, et si possible celle de l’indépendance, même dans une perspective à long terme, avant que ne ressurgisse la violence qui elle risque de revenir à court terme !
Si les parties ne sont pas en mesure de trouver un accord innovant comme celui signé en son temps par MM. Tjibaou et Lafleur avec M. Rocard, c’est l’Etat français qui va se retrouver une nouvelle fois en première ligne et être critiqué par tous, y compris le comité de décolonisation de l’ONU. Est-ce qu’une nouvelle génération de dirigeants calédoniens sera capable de laisser partir la Nouvelle-Calédonie dans le grand vent de son indépendance et de sortir ainsi le caillou acéré de la chaussure de la France ?
Une trêve « humanitaire » a été signée entre Israël et le Hamas Palestinien qui, lors de son attaque du 7 octobre ramené dans la bande de Gaza environ 250 otages, majoritairement israéliens mais aussi d’autres nationalités, en plus d’avoir assassiné environ 1 200 personnes lors de l’incursion réalisée lors de cette journée. La trêve a été convenue sous l’égide d’une médiation menée sous l’égide du Qatar semble-t-il, la Croix rouge et d’autres pays arabes. Elle prouve au moins que des négociations sont possibles entre les deux belligérants même s’il faut des intermédiaires pour cela.
Durant cette pause, les combats cessent et les otages du Hamas sont échangées contre des prisonniers palestiniens en Israël. Un ratio de 1 pour 3 a été retenu pour ces échanges et le choix des personnes échangées a été crucial. Côté otages il apparaît les femmes et les enfants ont été privilégiés, côté prisonniers, Israël a annoncé vouloir refuser de relâcher ceux qui auraient « du sang sur les mains ». On ne sait pas bien ce qui a finalement été décidé.
On imagine la sensibilité de ce dossier surtout qu’Israël ne sait sans doute pas exactement le nombre des otages détenus ni ceux qui sont déjà morts. La libération des otages est bien sûr mise en œuvre sous les caméras du Hamas et l’on voit des miliciens masqués, en uniformes rutilants, Kalachnikov en bandoulière, bardés de cartouchières, tenant par la main un enfant pour le faire monter dans une ambulance de la Croix rouge… Le retour des prisonniers palestiniens est aussi largement filmé, les bus qui les ramènent sont acclamés par la foule et des cris à la gloire d’Allah sont scandés par tous. En Israël les otages libérés sont orientés sur des hôpitaux. Outre leur détention durant deux mois dans des conditions que l’on peut imaginer difficiles, il va falloir apprendre à certains des enfants que leurs parents ont été décimés, souvent sauvagement …
L’attaque du 7 octobre a relancé la haine entre Israéliens et Palestiniens pour des générations. Les plus optimistes imaginent que ce traumatisme pourrait au contraire déclencher un mouvement vers la paix entre Israël et la Palestine pour éviter la reproduction d’une telle situation. Pas facile de les suivre !
Alors que les jeux olympiques (JO) d’été 2024 avaient été attribués à la France par défaut d’autres candidats, ceux-ci s’étant retirés lorsque de Comité international olympique (CIO) avait fait part de ses exigences financières : exonération fiscale totale de ses activités commerciales et garantie financière des Etats d’un minimum d’activité, voilà que la France est de nouveau la seule candidate pour l’organisation des jeux d’hiver 2030 et la seule à accepter ce racket financier.
Tout de même conscient de la gabegie de dépenses publiques générés par ces JO pour un pays déjà surendetté qui n’arrive déjà plus à financer son fonctionnement courant, le Sénat, de majorité conservatrice, vient de voter un amendement au projet de loi de finances 2024 visant à annuler les nouvelles exonérations fiscales dont l’Etat veut faire bénéficier la trentaine de fédérations sportives internationales reconnues par le CIO, déjà nstallées sur le territoire national ou projetant de s’y installer. Hélas, cette proposition sera certainement rejetée par le gouvernement qui aura le dernier mot et fera sans doute adopter la loi de finances de façon « autoritaire » comme l’autorise la Constitution par le biais de son article 49.3.
Non content de dépenser des sommes considérables pour l’organisation de compétitions sportives internationales, l’Etat exonère fiscalement les fédérations organisatrices (impôt sur les sociétés [IS], impôt foncier, TVA) ainsi que les salaires versés à leurs employés. La fédération de rugby a déjà bénéficié de ce statut pour la coupe du monde 2023 et le CIO en est bénéficiaire pour les JO 2024. Une telle « générosité » est proprement incompréhensible pour les contribuables français et parfaitement injustifiée s’agissant de fédérations sportives généralement très riches, le plus souvent, installées dans des paradis fiscaux et, régulièrement, mises en cause pour corruption.
Le dernier budget en équilibre de la République française date de 1974, depuis, l’Etat dépense systématiquement plus qu’il ne gagne et finance les déficits en augmentant une dette publique qui vient de dépasser le seuil des 3 000 milliards d’euros et que nos enfants devront rembourser. Malgré cette situation financière significativement dégradée, des dirigeants de rencontre octroient des avantages fiscaux indus à des fédérations sportives et cherchent à organiser des jeux du cirque plutôt que de financer la recherche ou l’enseignement… Une nouvelle fois la France se distingue par son incapacité à hiérarchiser ses dépenses. C’est irresponsable et incompréhensible ! Alors que de plus en plus les Etats occidentaux se retirent de l’organisation de ces compétitions ne voulant pas en assurer les coûts prohibitifs, l’hexagone en profite pour se placer et dépenser toujours plus. Autant certaines dépenses peuvent être considérées comme « contraintes », autant organiser des JO en 2023 et en 2030 relève d’une aberration purement volontaire et que l’on pourrait facilement éviter. C’est une espèce de masochisme budgétaire qui caractérise la puissance publique qui rejette avec allégresse la misère sur les générations futures.
Dans le projet de loi de finances 2024 les intérêts à payer sur la dette publique s’élèvent à plus de 50 milliards d’euros et devraient croître jusqu’à 60 milliards en 2026. De tels montants sont le résultat de la hausse continue de cette dette résultant de la mauvaise gestion publique et de l’augmentation des taux d’intérêt résultat des forces du marché. A titre de comparaison, le budget de l’enseignement scolaire est de 64 milliards en 2024 dans le même projet de loi, celui de la recherche et enseignement supérieur est de 32 milliards, celui de la justice de 10 milliards… Comment dans ces conditions ne pas jouer sur tous les leviers disponibles pour reprendre le contrôle de la dette ?
Cette permanence dans la gabegie des sous prélevés sur les contribuables est… désespérante.
L’amendement proposé par le Sénat
ARTICLE 3 SEXVICIES
Supprimer cet article.
Objet
Le présent article prévoit d’exonérer les fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique (CIO) de l’impôt sur les sociétés, de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il prévoit également d’exonérer d’impôt sur le revenu leurs salariés pour une durée de cinq ans.
Premièrement, cet article soulève des questions sérieuses de conformité à la Constitution. La portée du régime fiscal introduit par cet article ne semble pas proportionnée à l’objectif, qui est d’inciter les fédérations sportives internationales à s’installer en France, ce qui pourrait constituer une rupture d’égalité devant les charges publiques. De plus, laisser le CIO décider des fédérations internationales qui sont éligibles ou non à ces exonérations n’est pas respectueux de la compétence du Parlement en matière fiscale.
L’argument selon lequel les fédérations sportives internationales pourraient être assimilées à des organisations internationales n’est pas recevable. Il faut rappeler tout d’abord que les organisations internationales ont un système d’imposition interne, ce qui n’est pas le cas des fédérations sportives internationales. Ensuite, et plus fondamentalement, le caractère dérogatoire des exonérations bénéficiant aux institutions internationales est justifié par l’intérêt commun des États souverains qui décident de s’associer entre eux. Les fédérations sportives internationales ne réunissent pas des États, leur statut n’est pas réglé par des conventions internationales, et certaines d’entre elles poursuivent des objectifs de rentabilité sans aucun rapport avec l’intérêt général.
Au-delà des arguments juridiques, la mise en place d’un régime fiscal particulièrement dérogatoire, pour des motifs qui ne relèvent pas de manière évidente de l’intérêt de la Nation, est de nature à nuire au consentement à l’impôt. Alors que des efforts importants sont aujourd’hui nécessaires pour réduire le déficit et la dette, un tel « cadeau fiscal » du Gouvernement est tout simplement inacceptable.
Plusieurs fois reportée pour cause de Covid, puis de maladie (Darius Keeler, cofondateur du groupe en 1994 a annoncé en 2022 souffrir d’un cancer), la tournée Call to Arms & Angel, du nom du CD sorti il y a deux ans a enfin été lancée cette année et passe pour une date parisienne à Bercy après plus d’une dizaine de concerts en France.
L’immense scène de l’arène est occupée par une première ligne : Darius à gauche, Danny Griffiths à droite, tous deux aux claviers et machines, au milieu : Dave Pen et Pollar Berrier (Guitares et chant), et, de façon intermittente, Lisa Mottram (la nouvelle voix féminine du groupe) ; sur la deuxième ligne, entourant la batterie de Steve Barnard, le guitariste Mickey Hurcombe et le bassiste Jonathan Noyce. Les postes sur cette deuxième ligne sont séparés par des rampes lumineuses qui, ajoutées aux puissants projecteurs venant du fond de la scène, créent alternativement des atmosphères brumeuses bleues ou rouges, avec des déchaînements de lumières stroboscopiques accompagnant à l’infini les saccades de chansons tout aussi stroboscopiques.
Le groupe entre en scène sur une intro musicale électronique et mélancolique dans une atmosphère bleue tamisée, où souffle une espèce de trompette fatiguée, qui se transforme soudainement en lumières blanches violentes et tournoyantes dès que retentit la batterie vigoureuse sur M. Daisy extrait du dernier album. La course est lancée.
Get fucked if you think I’m in your shadow Run, run ’cause I’m gonna end your fun Smile, smile, gonna get you in your pile Get bent if you think I’m gonna bend
Mr Daisy
L’enchainement sur Sane (2006) puis The False Foundation (2016) est redoutable, tout en rythmes et riffs de guitares grincheuses. Seules les voix de Pollar et Dave, souvent en duo, amènent un peu d’harmonie dans ce déluge sonore. Il faut attendre Vice (2022) pour reprendre son souffle avec cette balade désabusée chantée par Pollar sur une ritournelle de piano :
Life in a vice Tightening up inside Life in a noose No chance to get loose Break through the chains Hope through the shame Orchestrated life Orchestrated fight Command what we like Into me and you
Vice
Elle est enchaînée sans interruption sur Lights et sa singulière montée de tension, démarrée au piano que vont progressivement rejoindre tous les instruments puis la complainte de Pollard. Il s’agit d’une chanson sur la souffrance, de celle qui submerge l’âme et fait renoncer. Cette version live est commencée de façon plus directe qu’à l’habitude, l’imperceptible intro sur une note unique de piano est coupée pour passer directement à la ritournelle obsédante de clavier. Le morceau de dix minutes se termine dans le noir et en douceur, la voie de Pollard s’envolant bien haut dans les aigües et les voutes de Bercy.
Dave Pen reprend ensuite le chant pour un enchaînement de Conflict mené tambour battant et Daytime Coma, encore une longue complainte (quinze minutes) sur fond de nappes de claviers, pas très gaie, dont le final explose avec l’arrivée de la batterie et des guitares sur le déchaînement vocal de Dave :
I see a light In darkness Save me
I feel you Through the air Hold me
Daytime Coma
Lisa Mottram fait son apparition sur Surrounded by Ghosts qu’elle interprète aussi sur la CD Call… Habillée d’une robe noire, elle danse en chantant, discrète et un peu en retrait, mais sa voix porte loin. C’est orignal cette volonté du groupe de changer de voix féminine régulièrement. Ils ne se sont jamais trompés mais on se dit à chaque fois que l’on va regretter la précédente, et puis non. De Roya Arab à Maria Q en passant par Holly Martin, nous ne sommes jamais déçus. Lisa reste ensuite sur scène pour chanter avec Dave sur The Skies Collapsing Onto Us, la bande originale d’un film Netflix puis Take my Head, retour à l’album du même nom sorti en 1999, le deuxième du groupe alors encore dans une période trip-hop, moins marquée pop. Elle se déchaîne et fait sa sortie sur The Crown, une espèce d’hymne rappé sur une tornade cadencée de guitares métalliques et de boîtes à rythmes qui semblent tourner sans contrôle.
Quelques derniers morceaux extraits de Call… nous amènent doucement vers Gold qui clôture le show, un morceau emblématique de l’inspiration présente de ce groupe si créatif, et lorsque que les artistes s’effacent dans les coulisses leurs ordinateurs continuent à diffuser les quatre notes qui forment le thème de ce final dans les flashs des projecteurs tournoyants et les larsens extirpés par Dave de sa guitare.
Ils reviennent bien sûr, pour deux rappels et terminent la soirée sur Again sur lequel la voix déchirante de Dave Pen nous narre l’histoire triste de la déchirure d’un amour perdu.
C’était un nouveau concert d’Archive, pas de véritable surprise mais toujours l’enthousiasme d’assister à la performance jamais décevante de ce groupe inclassable qui sait mixer avec habileté rythmes, machines et romantisme. On ne s’en lasse pas !
Setlist
Mr. Daisy/ Sane/ The False Foundation/ Vice/ Lights/ Conflict/ Daytime Coma/ Surrounded by Ghosts/ The Skies Collapsing Onto Us/ Take My Head/ The Crown/ Fear There & Everywhere/ Enemy/ The Empty Bottle/ Gold
Pour la célébration du cinquantième anniversaire du décès de Pablo Picasso, Sophie Calle a investi les quatre étages de l’hôtel de Salé, siège du musée Picasso. L’artiste plasticienne-photographe jongle entre les souvenirs qu’elle a gardé de sa visite du musée durant le confinement en 2020 et certains des évènements de sa vie, durant cette période ou pas, comme elle a l’habitude de les mettre en scène.
Au rez-de-chaussée, à la place des tableaux du maître espagnol figurent les photos grandeur nature de ces mêmes tableaux qui avaient été empaquetés dans du papier kraft à l’occasion de la fermeture du musée due à la pandémie. On ne voit donc que les plis du papier, pas le tableau lui-même. Un peu plus loin, les vraies toiles sont en place mais derrière un voile qui les recouvrent et sur lesquels sont imprimés les réflexions que l’artiste a élaboré sur ces toiles qui étaient momentanément prêtées et qui lui ont été décrites par le personnel du musée. Une fois les toiles réinstallées, les commentaires écrits ont été imprimés sur le voile sur une surface qui recouvre exactement celle du tableau sous-jacent empêchant de voir celui-ci.
Au premier étage, Sophie Calle expose des vidéos filmées à Istanbul montrant des Turcs, sans doute paysans de l’intérieur du pays, voyant la mer pour la première fois. Plus loin, des photos du musée de Boston montrent les cadres vides de tableaux qui ont été volés et dont le musée a décidé d’exposer les cadres laissés par les voleurs, Sophie demande aux visiteurs ce qu’ils voient. A des personnes aveugles de naissance elle leur demande qu’elle pour eux l’image de la beauté, l’un d’eux répond « le vert, parce que tout ce que j’aime est, me dit-on, vert : les arbres, les feuilles, l’herbe… ». A la suite d’un vol de tableaux au musée d’art moderne en 2020 Sophie Calle écrit au voleur en prison pour lui demander son commentaire artistique sur les toiles subtilisées ; il préfère le Matisse au Picasso.
Et puis l’artiste expose son rapport à la mort sous tous ses angles. Celles de ses parents qu’elle a documentées avec force photographies et séquences vidéo, la sienne qu’elle anticipe en organisant sa succession de son vivant et l’on voit sur un écran un commissaire-priseur constituer et valoriser 400 lots composés de tout le bric-à-brac accumulé par l’artiste (à l’exception de ses propres œuvres) et… que l’on retrouve dans la pièce à côté : des photos, des animaux empaillés, des bijoux, etc.
Sophie Calle est une personne singulière, tellement originale que l’on se demande comment lui viennent toutes les idées saugrenues qu’elle met en scène depuis des décennies, généralement centrées autour d’elle et de la disparition. Il n’y a rien de beau ni d’émouvant dans ses scénarii et installations, mais juste une volonté de donner son interprétation des petits évènements de la vie de tous les jours, de donner à les voir sous un autre jour. Pour chacun d’entre eux elle tire le fil de leur existence et amène le spectateur à les vivre à travers ses yeux. Elle est bien sûr obsédée par la mort (mais qui ne l’est pas ?), celle de ses proches (humains et animaux) est l’un de ses sujets favoris. Et ce faisant elle prépare la sienne en permanence et avec froideur, comme une œuvre d’art.
« Sophie est tellement morbide qu’elle viendra me voir plus souvent sous ma tombe que rue Boulard. »