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  • « À toi de faire, ma mignonne », une exposition de Sophie Calle au musée Picasso

    « À toi de faire, ma mignonne », une exposition de Sophie Calle au musée Picasso

    Pour la célébration du cinquantième anniversaire du décès de Pablo Picasso, Sophie Calle a investi les quatre étages de l’hôtel de Salé, siège du musée Picasso. L’artiste plasticienne-photographe jongle entre les souvenirs qu’elle a gardé de sa visite du musée durant le confinement en 2020 et certains des évènements de sa vie, durant cette période ou pas, comme elle a l’habitude de les mettre en scène.

    Au rez-de-chaussée, à la place des tableaux du maître espagnol figurent les photos grandeur nature de ces mêmes tableaux qui avaient été empaquetés dans du papier kraft à l’occasion de la fermeture du musée due à la pandémie. On ne voit donc que les plis du papier, pas le tableau lui-même. Un peu plus loin, les vraies toiles sont en place mais derrière un voile qui les recouvrent et sur lesquels sont imprimés les réflexions que l’artiste a élaboré sur ces toiles qui étaient momentanément prêtées et qui lui ont été décrites par le personnel du musée. Une fois les toiles réinstallées, les commentaires écrits ont été imprimés sur le voile sur une surface qui recouvre exactement celle du tableau sous-jacent empêchant de voir celui-ci.

    Au premier étage, Sophie Calle expose des vidéos filmées à Istanbul montrant des Turcs, sans doute paysans de l’intérieur du pays, voyant la mer pour la première fois. Plus loin, des photos du musée de Boston montrent les cadres vides de tableaux qui ont été volés et dont le musée a décidé d’exposer les cadres laissés par les voleurs, Sophie demande aux visiteurs ce qu’ils voient. A des personnes aveugles de naissance elle leur demande qu’elle pour eux l’image de la beauté, l’un d’eux répond « le vert, parce que tout ce que j’aime est, me dit-on, vert : les arbres, les feuilles, l’herbe… ». A la suite d’un vol de tableaux au musée d’art moderne en 2020 Sophie Calle écrit au voleur en prison pour lui demander son commentaire artistique sur les toiles subtilisées ; il préfère le Matisse au Picasso.

    Et puis l’artiste expose son rapport à la mort sous tous ses angles. Celles de ses parents qu’elle a documentées avec force photographies et séquences vidéo, la sienne qu’elle anticipe en organisant sa succession de son vivant et l’on voit sur un écran un commissaire-priseur constituer et valoriser 400 lots composés de tout le bric-à-brac accumulé par l’artiste (à l’exception de ses propres œuvres) et… que l’on retrouve dans la pièce à côté : des photos, des animaux empaillés, des bijoux, etc.

    Sophie Calle est une personne singulière, tellement originale que l’on se demande comment lui viennent toutes les idées saugrenues qu’elle met en scène depuis des décennies, généralement centrées autour d’elle et de la disparition. Il n’y a rien de beau ni d’émouvant dans ses scénarii et installations, mais juste une volonté de donner son interprétation des petits évènements de la vie de tous les jours, de donner à les voir sous un autre jour. Pour chacun d’entre eux elle tire le fil de leur existence et amène le spectateur à les vivre à travers ses yeux. Elle est bien sûr obsédée par la mort (mais qui ne l’est pas ?), celle de ses proches (humains et animaux) est l’un de ses sujets favoris. Et ce faisant elle prépare la sienne en permanence et avec froideur, comme une œuvre d’art.

    « Sophie est tellement morbide qu’elle viendra me voir plus souvent sous ma tombe que rue Boulard. »

    (sa mère)

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  • David Cameron, à l’origine du Brexit, réintègre le gouvernement britannique

    David Cameron, à l’origine du Brexit, réintègre le gouvernement britannique

    David Cameron vient d’être nommé ministre des affaires étrangères du gouvernement britannique conservateur. Pour ceux qui ne s’en souviendraient pas, c’est lui qui, alors qu’il était premier ministre, organisa en 2016 un référendum pour proposer aux électeurs du royaume le choix entre quitter l’Union européenne (UE) ou rester en son sein. La rumeur veut qu’il ait lancé l’idée pour compromettre avec la tendance la plus à droite de son parti conservateur, tout en étant persuadé que la réponse serait de rester dans l’UE. Le résultat fut inverse et le Royaume-Uni a maintenant légalement quitté l’Union. M. Cameron a ensuite démissionné et laissé ses successeurs gérer, difficilement, l’exécution du choix populaire.

    Il est encore trop tôt pour faire le véritable bilan de ce choix révolutionnaire mais il a en tous cas permis de démontrer qu’il est possible de quitter l’UE et on ne voit d’ailleurs pas pourquoi cela n’aurait pas été possible. Les difficultés techniques générées par ce départ ont calmé les ardeurs des anti-européens au sein des 27 pays restants. Ils savent maintenant qu’à continuer de brailler en permanence, et sans risque pour eux, que « Bruxelles » est responsable de tous les malheurs de la nation, leurs électeurs vont un jour leur demander d’aller au bout de leurs slogans et d’inclure le départ de leur pays de l’UE dans leurs programmes ce qu’ils n’ont pas tous le courage de faire. En France, le Rassemblement National qui voulait encore il y a quelques années faire sortir le pays de la zone euro et de l’Union a jeté un voile pudique sur ce projet dont on entend plus parler mais qui peut ressortir au gré du vent qui tourne.

    Il apparaît que M. Cameron, après sa démission en 2016, s’est mû en lobbyiste à forts honoraires, notamment pour défendre les intérêts chinois, ce qui pose quelques problèmes éthiques vis-à-vis de ses nouvelles responsabilités. Bref, pas rancunière, la couronne britannique est en train de l’investir dans un poste que les analystes politiques jugent qu’il ne gardera pas longtemps car les prochaines élections législatives pourraient renvoyer le parti conservateur du pouvoir pour les remplacer par les travaillistes qui, eux, étaient très majoritairement en faveur du maintien dans l’UE.

    Kiro / Le Canard Enchaîné (15/11/2023)

    Le plus ironique dans ce fait divers est que le jeu de chaises musicales ayant entraîné le retour de Cameron a été provoqué par le départ de la ministre de l’intérieur, Suella Braverman, pour ses positions extrêmes, notamment concernant la politique migratoire. Elle-même, née à Londres de parents immigrés indiens, n’avait de cesse de chercher à durcir cette politique pour mieux réduire les flux d’entrée, ce que le Brexit aurait dû en principe faciliter. Le premier ministre, Rishi Sunak, né au Royaume-Uni, est lui issu de la diaspora indienne, installée en Afrique de l’Est. Comme le parti conservateur auquel il appartient, il a pour objectif de mieux contrôler les flux migratoires vers le Royaume-Uni mais sans valider pour autant l’extrémisme de sa ministre Braverman qui a été débarquée.

    En résumé : au lendemain du Brexit censé redonner à Londres la main sur sa politique migratoire, on a deux ministres conservateurs, eux-mêmes issus de cette immigration, qui échouent à la réduire pour les migrants venant après eux, ce qui coûte la place de l’un d’entre eux et l’autre, premier ministre, fait appel à celui de ses prédécesseurs pour le nommer ministre des affaires étrangères, lui qui a initié le Brexit alors qu’il était lui-même opposé à la sortie de l’UE et qu’il a immédiatement démissionné après le résultat pour laisser les autres gérer la misère de sa décision…

    On peut comprendre que les électeurs britanniques annoncent vouloir voter pour l’alternance politique pour les élections législatives de 2024 !

  • L’impossible dialogue

    L’impossible dialogue

    Alors que la guerre est relancée au Proche-Orient entre Israël et le mouvement Hamas qui « gouverne » la bande de Gaza, la France s’enferre dans ses habituelles querelles entre les pro-israéliens et les propalestiniens. Les chaînes de télévision se régalent en convoquant des débats stériles pour savoir s’il faut qualifier le Hamas de « terroriste » ou de « résistant », si les massacres du Hamas en Israël le 7 octobre sont plus « génocidaires » que les bombardements d’Israël sur Gaza, si la « Cisjordanie » doit s’appeler la « Judée et Samarie » ou non, si un fermier israélien installé en Cisjordanie est un « colon » ou pas, si la Bible donne le droit à Israël d’occuper la Cisjordanie ou pas, etc., etc. Vouloir mettre d’accord des pro-israéliens avec des propalestiniens est juste impossible, chacun développe son argumentation, ponctuée d’emportements voire d’insultes, personne ne convainc personne et tous se quittent en se haïssant un peu plus qu’au début du débat. C’est un peu comme chercher à réconcilier un descendant de harki avec un partisan du FLN algérien, c’est une perte de temps mais de l’audience garantie pour des médias racoleurs.

    Chacun défend son camp sur ce qui s’est passé le 7 octobre et se passe depuis. Personne n’envisage ni le compromis ni l’avenir. En réalité le Proche-Orient perturbe le monde depuis 1947, déclenchant des passions mortifères et des non-solutions sans avenir. Alors pour le moment comme depuis 70 ans ce sont les armes qui parlent. Israël n’a jamais réussi à annihiler le terrorisme palestinien et le camp arabe n’a jamais rencontré de succès en cherchant à éliminer l’Etat d’Israël. Nous en sommes toujours là aujourd’hui. C’est triste et inefficace.

    Des espoirs sont tout de même apparus au cours des évènements récents : le voyage de Sadate en Israël en 1977, la paix entre Israël et l’Egypte (1979) d’une part, et la Jordanie (1994) d’autre part, les accords d’Oslo (1994), les accords d’Abraham (2020). Ces accords, qui ont été le fait de dirigeants à la hauteur de leurs tâches, ont délivré quelques avancées mais aussi de grandes déceptions, autant au Proche-Orient que dans le reste du monde. 70 ans après la partition de la Palestine prononcée par les Nations-Unie, le cas de la Palestine n’est toujours pas traité conformément aux résolutions de la communauté internationale et il n’a pas plus été résolu par aucune des autres tactiques mises en œuvre par les parties : guerres, colonisation, terrorisme, prises d’otages, assassinats ciblés… alors c’est la barbarie qui continue de régenter cette région pour le moment.

    Aujourd’hui Israël règle ses comptes avec le Hamas après l’attaque du 7 octobre qui a fait 1 400 morts sur son territoire, souvent dans des conditions d’une sauvagerie exceptionnelle. Comme lors des précédentes campagnes militaires contre le Hamas, Tel-Aviv élimine quelques dirigeants de ce mouvement terroriste mais n’arrivera évidemment pas à annihiler son idéologie ni de nouveaux volontaires pour en porter le message de violence. Les armes vont se taire un jour, il serait opportun de saisir alors l’occasion pour avancer vers la solution à deux Etats qui n’est probablement pas idéale mais la « moins mauvaise de toutes ». Si l’on pousse l’absurde à son terme et que l’on imagine un schéma mono-Etat, soit sous forme fédérale, soit après annexion par Israël de la Cisjordanie et de la bande de Gaza pour reconstituer le territoire biblique, l’Etat juif se retrouverait être un Etat avec une majorité de citoyens arabes et musulmans, la négation même de ce qu’Israël veut être… Si on élimine l’annihilation complète d’une des parties qui est moralement inadmissible et techniquement irréalisable, le schéma de deux Etats tel que décidé par les Nations-Unies en 1947 semble le seul à pouvoir être tenté. Il faut donc se remettre à l’ouvrage, faire preuve d’imagination et de bonne volonté dès que ce conflit sera terminé.

  • « Mark Rothko » à la fondation Louis Vuitton

    « Mark Rothko » à la fondation Louis Vuitton

    Mark Rothko (1903-1970) est exposé à Paris par la fondation Louis Vuitton qui réunit 115 œuvres de l’artiste américain. Né Markuss Rotkovičs au sein de la Russie tsariste dans ce qui est devenu aujourd’hui la Lettonie, de confession juive, sa famille émigre à Portland aux Etats-Unis au début des années 1910 pour éviter la conscription impériale à ses fils. Rothko a suivi une éducation talmudique et approché les pogroms et persécutions antisémites de l’époque. Il adopte le nom de Mark Rothko en 1940 après avoir reçu la nationalité américaine.  

    Je suis devenu peintre parce que je voulais élever la peinture au même degré d’intensité que la musique et la poésie.

    Aspiré très tôt par le dessin il est un travailleur infatigable et va produire près de 850 œuvres répertoriées. Le début de cette exposition présente dans les premières salles un ensemble de toiles figuratives datant des années 1930, certaines inspirées par la mythologie, d’autres par des paysages urbains dans lesquels on distingue des personnages aux formes longilignes placés dans environnement fermés et étouffants, des stations de métro, des pièces aux plafonds bas… Un autoportrait est placé dans la première pièce. Assez vite il considère qu’il a échoué à représenter la figure humaine « sans la mutiler ». C’est ainsi qu’il se dirige vers l’abstraction et ses toiles de grandes dimensions qui sont devenues iconiques et sa marque de fabrique

    Et petit à petit son standard apparaît comme d’immenses tableaux colorés sur le fond desquels sont étagés des rectangles de couleurs aux contours flous. L’artiste a toujours refusé la qualité de coloriste qu’on a eu tendance à lui attribuer face à la magnificence des couleurs de ses toiles. Sombres ou lumineuses, la superposition des couleurs et des rectangles sur les fonds de ces tableaux donnent un éclat très singulier à ces œuvres. La peinture elle-même est apposée en couches rendues d’autant plus visibles que Rothko travaille la matière et fait preuve d’inventivité. Il applique d’abord une couche de colle, puis des couches de peinture mélangées à des métaux, à de l’œuf… Ces mixtures improbables provoquent sans doute des réactions chimiques plus ou moins prévisibles qui donnent un rendu un peu brumeux des couleurs, des ombres et des traces parsemant ces toiles à l’aspect mystérieux. Les bords des rectangles sont eux-mêmes diffus, comme travaillés pour ne pas être nets, un peu comme des nuages qui s’effilochent dans un ciel monochrome.

    Certaines séries sont de couleurs sombres, les « Blackforms » mais toujours merveilleusement assemblées par ce « non-coloriste » qui développait tout de même un goût exquis pour mêler les teintes idéales et harmonieuses. Il y a des verts, des bleus, des gris, on croirait le ciel atlantique un soir de tempête. La série « Black and Gray » est exposée dans une pièce où trônent des sculptures de Giacometti (sans doute des reproductions), artiste qui a inspiré Rothko. Ce sont des tableaux bi-couleurs composés d’une bande noire superposée avec une bande grise. Cette fois-ci ce ne sont pas des rectangles peints sur un fond coloré, mais deux bandes aux bords bien nets qui joignent les quatre côtés du tableau. Bien entendu, sur la dizaine de toiles de cette série il n’y a pas un noir ou un gris qui soit les mêmes.

    A ceux qui pensent que mes peintures sont sereines, j’aimerais dire […] que j’ai emprisonné la violence la plus absolue dans chaque centimètre carré de leur surface.

    Mark Rothko s’est donné la mort en 1970 un jour d’hiver dans son atelier New-Yorkais. Les hypothèses pour expliquer son geste sont un peu confuses : il était malade (atteint d’un anévrisme de l’aorte, son médecin lui avait déconseillé de continuer à peindre des toiles de grands tailles, injonction qu’il n’avait pas suivies), cigarettes et alcool n’arrangeaient pas les choses, mais peut-être surtout, une colère devant la faible reconnaissance de son œuvre dans le milieu artistique qui semblait plus excité par le pop’art naissant, le comble de la vulgarité commerciale, que par son propre travail qui lui avait demandé tant de passion, d’abnégation et d’engagement.

    Ces dernières décennies lui ont finalement rendu son honneur et son œuvre est maintenant universellement portée aux nues. Peintre de l’absolu, il réussit à déclencher une troublante spiritualité chez le spectateur par le simple étagement de rectangles dans une phantasmagorie chromatique, le flou et la méditation réunis dans la même abstraction fruit des mains d’un artiste hors du commun !

    Avec Nicolas de Staël exposé en ce moment au musée d’Art moderne, Rothko dans le bois de Boulogne, on pense à tant de ces artistes russes, exilés ou pas, qui ont aussi forgé cette vielle culture occidentale. Nabokov, Chostakovitch, Rachmaninov, Rothko, et tous les leurs, nous font souffrir d’avoir à déplorer les errements politico-militaires de la Russie d’aujourd’hui. Mais malgré la dictature étouffante, la créativité survit, c’est une bonne nouvelle !

    Le spectateur comblé se dirige vers la sortie de l’exposition Rothko en se rappelant que ce bâtiment Louis Vuitton d’aspect lourdaud et tarabiscoté est toujours aussi peu adapté à l’exposition de grands tableaux.

  • Le guitariste de Massive Attack est mort

    Le guitariste de Massive Attack est mort

    Angelo Bruschini, le guitariste de Massive Attack depuis les années 1990 est mort ce 23 octobre à 62 ans des suites d’un cancer du poumon qu’il avait rendu public depuis déjà plusieurs mois. C’était un musicien brillant qui avait réussi à donner une place de choix à la guitare dans un groupe plutôt tourné sur l’électronique. Il était parfaitement dans le ton des Massive Attack avec des riffs glacés et métalliques qu’il posait merveilleusement sur les rythmes d’outre-tombe produits par le collectif de Bristol dont il était aussi originaire. Seule sa chevelure peroxydée marquait une touche de fantaisie sur scène. Il va manquer.

  • Le multilatéralisme à la dérive, l’Occident face à ses contradictions !

    Le multilatéralisme à la dérive, l’Occident face à ses contradictions !

    Depuis 2014 les alliés de l’Ukraine se basent officiellement sur la violation du droit international pour condamner la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine commencée par l’annexion de la Crimée et poursuivie en février 2022 par l’invasion décidée par Moscou, réchauffant ce conflit qui est toujours en cours et ne semble pas en voie de règlement. L’annexion en 2022 par la Russie de quatre nouvelles régions ukrainiennes dans le Donbass, à la frontière entre les deux pays a été une nouvelle atteinte au concept de l’intangibilité des frontières reconnues par les Nations Unies. Celui-ci peut toutefois être remis en cause si les parties concernées y ont convenance comme ce fut le cas en 2011 avec la partition du Soudan en deux Etats distincts. Ou comme cela aurait pu se produire si la Nouvelle Calédonie avait voté « oui » au référendum d’indépendance qui lui avait été proposé par la France.

    Vu de l’Ouest il ne fait pas de doute qu’au regard du « droit international », les frontières d’un Etat souverain, l’Ukraine, ont été violées par l’agression d’un autre Etat, la Russie, qui, de plus, a annexé les régions du Donbass, modifiant sa constitution pour les accueillir. Mais vu de Moscou, l’histoire est bien différente et la Russie se dit agressée par « l’Occident décadent » et les « nazis-drogués » ukrainiens. Durant la guerre froide l’Occident et l’URSS se mettaient à peu près d’accord sur quelques grands principes pour imposer leurs vues à leurs affidés, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui où cela tire à hue et à dia dans les enceintes internationales où chacun veut sa part de pouvoir. Le multilatéralisme qui a fait ses preuves est remis en cause par ceux qui en ont été les perdants pendant la deuxième moitié du XXème siècle. Progressivement le corpus de règles qui constituait le droit international et faisait l‘objet d’un consensus au sein de l’organisation des Nations Unies et de ses agences annexes est en train de s’effondrer. Ce n’est même plus la question d’une interprétation différente des règles comme au temps de la guerre froide, c’est la nature même de celles-ci qui est désormais contestée par les pays non-occidentaux, que l’on appelle désormais le « Sud global ».

    Pas toujours très habile, l’Occident est pris à son propre piège pour avoir lui-même agit en contradiction avec le droit international. Pour ne reprendre que ces dernières années, l’action la plus notable fut celle menée en 2003 par une coalition menée par les Etats-Unis pour envahir l’Irak soupçonnée de détenir des armes de destruction massive. Cette invasion a été menée sans l’aval de l’ONU (la France avait mis son veto au conseil de sécurité statuant sur l’opportunité de cette intervention) et s’est terminée dix ans plus tard en désastre pour toutes les parties impliquées et bien au-delà si l’on prend en compte le chaos créé au Moyen-Orient dont le monde n’est toujours pas sorti.

    Les bombardements menés en 1999 contre la Serbie par l’OTAN durant presque deux mois pour mettre fin aux agissements serbes dans la guerre du Kosovo ont également été initiés sans aval de la communauté internationale et la création de l’Etat kosovar qui suivit s’est faite contre la volonté de la Serbie et de ses soutiens, dont la Russie (cet Etat n’est d’ailleurs toujours pas reconnu par l’ONU). L’Occident qualifiait « d’exactions contraire au droit de la guerre » la répression menée par les Serbes contre les Kosovars que le camp slave ex-soviétique appréciait comme du maintien de l’ordre nécessaire à la défense légitime du territoire serbe…

    Plus ancien mais tout aussi récurrent, la non-application des résolutions successives de l’ONU dans le conflit israélo-palestinien depuis 1947 et la colonisation continue réalisée par Israël en contradiction avec le droit international montre que, aujourd’hui, chacun voit celui-ci à l’aune de ses convictions et de ses intérêts.

    C’est la vie nous dira-t-on et dans ce chaos il faut choisir son camp. On peut concevoir que les pays occidentaux préfèrent le non-respect du droit international avec les Etats-Unis ou Israël plutôt qu’avec Moscou ou Belgrade. Leur position serait bien sûr mieux défendable si les dérives précitées n’avaient pas eu lieu et si les résolutions de l’ONU concernant le Proche-Orient étaient appliquées comme elles ont été votées par la communauté internationale. Ce n’est pas le cas et chaque partie, Occident comme Sud-global, défend ses raisons de ne pas respecter le « droit international » ou de l’interpréter à sa façon. Chacun est persuadé d’avoir raison et personne ne convainc personne, des règles communes sont de moins en moins reconnues ni respectées. Pour autant que l’on puisse en juger, les citoyens vivant dans les pays occidentaux plutôt d’orientation libérale (au sens « liberté » du terme) ne semblent pas forcément envier le sort des citoyens vivant dans les pays autoritaires du Sud-global et, si l’on se base sur les courants migratoires et les flux d’investissements qui traversent la planète, l’Occident démocratique et son interprétation de l’Etat de droit restent encore attractifs pour le moment.

    D’ailleurs, nombre des dirigeants et oligarques de ces Etats autoritaires envoient leurs enfants faire leurs études en Occident, de la Russie au Sénégal, de l’Algérie à la Chine, les universités occidentales (surtout anglo-saxonnes d’ailleurs) sont pleines des rejetons de leur nomenklatura et les quartiers chics des capitales et des rivieras de l’Ouest sont massivement investies par les fortunes amassées plus ou moins légalement par les oligarques du Sud-global, comme les clubs de fouteballe européens. On a appris que même le dictateur nord-coréen actuel, Kim Jong-un, et sa sœur Kim Yo-jong, ont fait leurs études en Suisse. Ainsi, pendant que leur père lançait le programme nucléaire nord-coréen pour se défendre contre l’Occident, ses deux rejetons étudiaient calmement au cœur de l’Europe et à la succession de son père, Kim Jong-un a finalisé ledit programme.

    La question est de savoir pourquoi un oligarque russe préfère investir dans une villa clinquante à Saint-Jean Cap-Ferrat plutôt que sur les bords de la mer Noire mais on dirait que l’herbe est encore un peu plus verte dans la vieille Europe que dans les empires asiatiques autoritaires.

  • « Klimt & the Kiss » d’Ali Ray

    « Klimt & the Kiss » d’Ali Ray

    La sympathique compagnie Seventh Art Productions continue à produire des « expositions au cinéma », aujourd’hui un film consacré au célèbre « Baiser » du peintre autrichien Klimt (1862-1918). Centré sur ce tableau, l’exposition revient également sur les immenses talents de portraitistes de Klimt commentés par des historiens de l’art et spécialistes de cette époque qui nous apprennent les techniques novatrices de l’artiste mêlant les métaux à la peinture pour donner ces ensembles flamboyants au service, le plus souvent, du corps humain et de celui des femmes qui ont traversé sa vie, dont Emilie Flöge dont on suppose que leur relation fut essentiellement platonique et artistique. Par contre, on apprend qu’une quinzaine de demandes de reconnaissance en paternité venant de différents modèles passées par son atelier émergèrent après sa mort…

    L’artiste est aussi l’auteur de décors, souvent gigantesques, comme la célèbre Frise Beethoven présentée en 1902 et se référant à l’Ode à la joie du musicien (IXème symphonie). Celle-ci, peinte directement sur les murs au Palais de la Sécession, regroupement artistique monté par Klimt qui a pour objet de mettre un coup de pied dans la fourmilière du classicisme de l’art viennois. La Frise Beethoven fait parler d’elle lorsqu’elle est dévoilée, de part son modernisme et sa crudité. Elle représente l’aspiration au bonheur de l’humanité souffrante et se termine par l’union de deux amants, debout, vus de dos.

    Le Baiser donne lieu aussi à de multiples interprétations : tendresse exprimée par les visages, ou violence faite à l’amante, serrée au cou par une main de l’homme d’où, peut-être, la crispation de sa propre main sur celle de son amant, présence du vide insondable derrière la femme dont les pieds débordent sur l’abîme, masculinité symbolisée par les rectangles blancs et noirs sur le vêtement de l’amant quand celui de la femme est tacheté de fleurs, tous deux agenouillés aussi sur un tapis de fleur au bord du vide…

    C’est une passionnante analyse des tréfonds de ce tableau et d’hypothèses sur l’inspiration mystérieuse de son auteur qui se termine par le constat un peu amer de l’un des historiens sur le fait que Klimt est plutôt passé à la postérité pour le kitch de son œuvre alors qu’il fut un artiste complet et révolutionnaire.

  • « L’Enlèvement » de Marco Bellocchio

    « L’Enlèvement » de Marco Bellocchio

    C’est le film choc du cinéaste italien Marco Bellocchio (né en 1939) qui passe en revue, depuis le début de sa longue carrière, certains des traumatismes vécus par son pays. Il s’en prend cette fois-ci au Vatican en revenant sur l’histoire vraie de « l’affaire Mortara » apparue à la fin des années 1850. Un enfant juif d’une famille bourgeoise de Bologne est enlevé par l’Eglise catholique car il aurait été baptisé secrètement par la jeune fille qui le gardait et le croyait à l’article de la mort. Le gamin est amené à Rome et placé dans une institution pour jeunes juifs « convertis » qui sont élevés dans la dureté de l’enseignement catholique à l’époque et la froideur de prêtres dogmatiques. Mais l’embrigadement fonctionne et, malgré le combat des parents et de la communauté juive pour extraire le jeune Edgardo des griffes du Vatican, il va continuer dans la voie catholique et même devenir prêtre, jusqu’à vouloir convertir sa propre mère sur son lit de mort.

    L’histoire vraie a peut-être été un peu romancée pour rentrer dans le format du film mais qu’importe, on sait l’Eglise catholique capable de ce dont elle est accusée par Bellocchio. C’est le pape Pie IX qui est aux commandes à l’époque du Vatican et des « Etats pontificaux ». Il est présenté dans le film comme un dirigeant aveuglé par le dogme et « l’infaillibilité pontificale », le teint gris, sûr de son idéologie mais voyant son pouvoir divin décliner, prêt à se battre pour le maintenir quoi qu’il en coûte.

    Le film est intéressant en ce qu’il revient sur les errements des religions, capables d’enlever des enfants, oubliant toute humanité, pour les soumettre à leur volonté dominatrice. Cet évènement que l’on croirait d’un autre âge, mais ce n’était finalement qu’en 1858, fait tristement écho aux déportations actuelles d’enfants ukrainiens dont sont accusées les forces russes qui occupent une partie de l’est de l’Ukraine. Ces crimes sont relativement bien documentés et valent une inculpation devant la Cour pénale internationale (CPI) du président russe et de sa commissaire « aux droits de l’enfant », qui aurait d’ailleurs adopté l’un d’entre eux.

    Pre-Trial Chamber II considered, based on the Prosecution’s applications of 22 February 2023, that there are reasonable grounds to believe that each suspect bears responsibility for the war crime of unlawful deportation of population and that of unlawful transfer of population from occupied areas of Ukraine to the Russian Federation, in prejudice of Ukrainian children.

    https://www.icc-cpi.int/news/situation-ukraine-icc-judges-issue-arrest-warrants-against-vladimir-vladimirovich-putin-and

    La Russie s’enorgueillit d’ailleurs officiellement d’avoir procédé à une « évacuation sanitaire » de ces milliers d’enfants pour les sauver. C’est une vieille histoire, des jeunesses hitlériennes (Hitlerjungend) aux jeunesses staliniennes (Komsomol) en passant par les actions du maréchal Pétain pour embrigader la jeunesse française après la défaite de 1940, la Russie d’aujourd’hui ne fait que perpétrer la volonté des dictatures de manipuler les cerveaux de ses enfants.

    Le plus déplorable dans « l’affaire Mortara » narrée par Bellocchio est que l’église catholique se soit rendue coupable d’un tel embrigadement à une époque finalement pas si éloignée d’aujourd’hui. Outre cette défaite morale, le film montre aussi la fin d’un Vatican exerçant un pouvoir temporel sur ses « Etats pontificaux » face aux insurgés italiens républicains. C’est en 1870 que Rome est envahie et rattachée au royaume d’Italie. Depuis, le Vatican se contente de son micro-Etat autour de Saint-Pierre et d’un pouvoir uniquement intemporel. On sait depuis que l’Eglise catholique a eu à déplorer dans ses rangs d’autres méfaits contre les enfants. Les papes successeurs de Pie IX n’ont pas toujours été à la hauteur face à ces crimes. C’est un peu le problème avec le pouvoir « intemporel », on n’est responsable de ses actes que devant Dieu.

    Ce film est aussi celui du crépuscule de l’institution catholique.

  • « Immigrations est et sud-est asiatiques depuis 1860 » au Musée de l’histoire de l’immigration

    « Immigrations est et sud-est asiatiques depuis 1860 » au Musée de l’histoire de l’immigration

    Le Palais de la Porte Dorée retrace, rapidement, l’histoire des migrations est-asiatiques vers la France à travers deux salles. La première relate l’histoire de ces flux depuis 1860 jusqu’à nos jours : colonisation/décolonisation, guerres, communisme, dictatures. La seconde permet de revenir sur quelques faits divers qui ont touché la communauté asiatique en France dans les années 1990-2000, notamment la mort violente d’un des leurs lors d’une « bavure policière ». Ces évènements avaient déclenché à l’époque des manifestations de la communauté asiatique réclamant le droit de pouvoir vivre en paix en France sans être l’objet de discriminations racistes. Une petite dizaine d’écrans diffusent des interviews de citoyens d’origine asiatique parlant de leurs propres expériences en France, présentées comme plutôt bénéfiques d’ailleurs.

    L’exposition insiste sur les « stéréotypes » qui collent à la diaspora asiatique, positifs comme négatifs. L’épisode de la pandémie du Covid19 a aussi marqué la communauté, les « Chinois » étant parfois qualifiés de virus lors de cette pandémie qui a démarré en Chine. Mais globalement, ces stéréotypes sont généralement plutôt favorables ; on parle d’une bonne intégration, des succès scolaires des enfants, d’un ascenseur social qui fonctionne encore, alors faut-il vraiment s’ingénier à voir des problèmes migratoires là où il y en a finalement peu pour le moment ?

    On voit d’ailleurs dans les étages supérieures l’exposition « J’ai une famille » proposant aux visiteurs les œuvres contemporaines de dix artistes d’origine chinoise installés en France, dont celles de Yan Pei-Ming :

    Yan Pei-Ming (sa mère)

    Figure 1 – Yan Pei-Ming (sa mère)

    D’autres installations sont un peu plus obscures mais le thème général de la famille évoque celle que ces artistes ont constituée en France, poussés vers l’exil par des convictions et des talents communs.

    Transexpérience : un mot qui résume de manière vivante et profonde les expériences complexes que l’on vit quand on quitte son pays natal et que l’on va de pays en pays.

    Chen Zen
  • Annie Ernaux se voit refuser son visa pour l’Algérie

    Annie Ernaux se voit refuser son visa pour l’Algérie

    On ne peut s’empêcher de (légèrement) sourire lorsqu’on apprend qu’Annie Ernaux (83 ans), prix Nobel de littérature 2022, s’est vu refuser son visa pour l’Algérie où elle devait se rendre pour assister au Salon international du livre d’Alger. Ce refus n’est pas motivé par les autorités algériennes mais certaines mauvaises langues évoquent une tribune signée il y a quelques mois par l’auteure réclamant la libération d’un journaliste algérien emprisonné par le régime. De sensibilité plutôt « progressiste » elle est habituée des tribunes et pétitions prônant le combat social, le féminisme, la lutte des classes ou le refus de la politique sanitaire française durant la pandémie du Covid19. Elle est bien entendu concernée par le traumatisme « décolonial » des anciennes colonies françaises et il est savoureux que ce soit la première d’entre elle qui lui refuse l’accès à son territoire…

    Eh oui, il existe des pays qui peuvent priver de visa des intellectuels occidentaux qui ont, même ponctuellement, pris des positions contraires à ce qu’ils estiment être leurs intérêts. Ces pays sont généralement aujourd’hui dans le « Sud global » mais les plus anciens se souviennent qu’il fut un temps, pas si lointain dans les années 1970, où, pour obtenir un visa d’entrée aux Etats-Unis d’Amérique il fallait certifier n’être pas communiste. Georges Marchais (1920-1997), ex-chef du Parti communiste français (PCF) se faisait d’ailleurs une joie de préciser à tout bout de champ qu’il pouvait librement entrer en Union soviétique mais était interdit de voyage aux Etats-Unis, marquant ainsi le vent de liberté qui soufflait sur Moscou quand Washington était l’hydre capitaliste.

    Aujourd’hui Mme. Ernaux n’ira pas en Algérie où le gouvernement ne veut pas l’y voir. Alger a décidé qu’il pouvait choisir qui pouvait entrer ou pas sur son territoire. C’est ce qu’on appelle la souveraineté nationale, exercée pour de bonnes ou de mauvaises raisons, chacun en jugera. Mme. Ernaux n’a pas communiqué sur le sujet.

  • A l’Hôtel de la Marine

    A l’Hôtel de la Marine

    Construit en 1748 sur la Place Louis XV, qui deviendra plus tard la Place de la Concorde, le futur Hôtel de la Marine est un bâtiment dédié au Garde-Meuble royal, organisme chargé de l’achat et de l’entretien du mobilier du roi. Il est ensuite le siège du ministère de la Marine pendant plus de 200 ans (la Kriegsmarine l’a même investit durant l’occupation allemande de la seconde guerre mondiale). Après le départ de son dernier occupant en 2015, le premier étage de l’hôtel a été magnifiquement rénové dans l’état où il était lorsqu’il avait la fonction de garde-meuble royal. C’est cette partie qui est ouverte à la visite avec un audio-guide légèrement infantilisant qui recrée des dialogues entre les personnages de l’époque au fur et à mesure du cheminement dans les pièces pour expliquer la destination de celles-ci : bureau, chambre, antichambre, salle-à-manger, etc.

    Tout n’est que dorures, lustres, boiseries et meubles précieux. Toute la magnificence de l’artisanat du XVIIIème siècle s’exprime face au majestueux spectacle de la place de la Concorde avec l’assemblée nationale comme horizon. On imagine que les maris du ministère de la marine qui étaient encore présents dans le bâtiment il y a dix ans devaient s’en disputer les bureaux La pièce d’angle place de la Concorde / rue Saint-Florentin, avec vue en enfilade sur la rue de Rivoli, était sans doute affectée à l’amiral tant son exposition est superbe.

    Un magnifique bâtiment historique !

  • « La Comédie Humaine » de Koji Fukuda

    « La Comédie Humaine » de Koji Fukuda

    Ce film du réalisateur japonais Koji Fukuda date de 2008. Il est composé de trois histoires entremêlées où l’on retrouve le tragique et le comique dans lesquelles tombent le plus souvent les relations humaines. On suit les parcours de jeunes hommes et femmes engagés parfois dans des situations burlesques : deux femmes se rencontrent et échangent sur les choses de l’amour autour d’un spectacle de danse contemporaine, une photographe attend désespérément des visiteurs dans la galerie où elle expose ses photographies, un couple dont la femme est enceinte affronte le sujet de l’infidélité et le mari au bras droit amputé par suite d’un accident se trouve confronté au syndrome du « membre fantôme ».

    Les acteurs passent d’une histoire à l’autre, on apprend dans le troisième sketch que le couple recomposé du premier est mort dans des conditions violentes, on retrouve au mariage des amis de la photographe de la deuxième histoire les actrices de la première, etc. Le réalisateur explique s’être inspiré de la Comédie humaine de Balzac et de sa capacité à observer la société des humains à travers les yeux de personnages évoluant dans leur époque. Le long métrage se regarde comme on lit Balzac, c’est social et… un peu long.

  • KAFKA Franz, ‘ Le procès’;

    KAFKA Franz, ‘ Le procès’;

    Sortie : 1925, Chez : Editions Gallimard (1957)

    Ce roman de Kafka (1883-1924) est sorti après sa mort et n’était pas totalement achevé. Comme nombre d’autres de ses livres, l’auteur ne voulait sans doute pas le publier. Il avait demandé à son ami Max Brod de brûler tous ses manuscrits après son décès, volonté qui ne fut pas exécutée.

    Ce roman narre un procès initié contre « Joseph K… » par une bureaucratie totalitaire et absurde. L’accusé ne sait pas de quoi il est accusé. L’instruction de son cas et son procès sont menés par une justice parallèle implantée dans les combles d’un immeuble où il croise des personnages improbables avant de trouver la salle d’audience. Sur les conseils de son oncle il engage un avocat malade, le recevant au fond de son lit et dont il séduit l’infirmière qui fait ainsi concurrence à Mlle. Bürstner qui est logée par la même logeuse que Joseph K qui a des vues sur elle.

    Son avocat n’avance pas sur son dossier dont on il ignore tous les éléments sinon que K est coupable. Celui-ci est harcelé chez lui par une espèce de police politique. Ses errements dans le tribunal déserté et dans une cathédrale qu’il fait visitera un client italien de la banque qui l’emploie lui font rencontrer des personnages burlesques qui l’édifient sur son cas « désespéré ». Il est finalement exécuté.

    Ecrit en 1914, différentes interprétations ont été portées sur ce livre qui pourrait être un pamphlet contre la bureaucratie, un peu à la manière de « 1984 » d’Orwell, ou une anticipation de la situation des juifs (Kafka est de confession juive et écrit en allemand, sa langue maternelle) au XXème siècle, se demandant pourquoi ils sont persécutés sous couvert de la loi dont ils ignorent les éléments. Ils ne savent de quoi ils sont coupables mais ils le sont et ils doivent expier…

    Le personnage de Kafka se débat seul face à l’absurdité des choses sans trop comprendre ce qui lui arrive, broyé qu’il est par un système supérieur dont il ignore qui tire les ficelles. Une situation « kafkaïenne » qui est la marque de l’auteur tchèque qui, très peu publié de son vivant, aurait pu rester dans l’anonymat si son exécuteur testamentaire avait effectivement détruit ses manuscrits comme son mandataire le lui demanda. Max Brod a donc reconstitué l’ordonnancement des chapitres tel qu’il se souvenait en avoir parlé avec son ami, apporté quelques corrections à la marge. L’édition Gallimard 1957 publie à la fin du roman les chapitres qualifiés « d’inachevés » ainsi que les paragraphes rayés par l’auteur. A la vérité, on ne voit pas toujours en quoi ces lignes sont « inachevées » et on se dit qu’elles n’auraient pas forcément dépareillé si elles avaient finalement été retenues dans « Le Procès ».

  • Brian Eno and The Baltic Sea Orchestra – 2023/10/26 – Paris la Seine Musicale

    Brian Eno and The Baltic Sea Orchestra – 2023/10/26 – Paris la Seine Musicale

    Brian Eno, musicien britannique né dans le Suffolk en 1948, magicien du son et inspirateur plus que musicien, se produit ce soir à la « Seine Musicale » de Paris avec le Baltic Sea Orchestra. Une soirée apaisée et méditative, emportée par des compositions mystiques et intergalactiques.

    Après des études de Beaux-Arts, Eno avait pourtant commencé sa carrière dans les excès et les fanfreluches du pur glam-rock où il tenait le poste de claviériste-bricoleur du groupe Roxy Music, créé par Bryan Ferry, qu’il rejoint au début des années 1970 pour le quitter deux années plus tard. Il emprunte alors une route plus innovante en inventant l’ambient music, sorte de musique sophistiquée pour supermarché. Il collabore avec Robert Fripp le guitariste et fondateur du groupe de rock progressiste King Crimson. Le duo Fripp & Eno produit une série de CD dont (No Pussyfooting) en 1973 dans lequel le guitariste si inventif déploie d’incroyables arabesques générées par des notes de guitares maintenues à l’infini avec l’aide d’un magnétophone qui passe et répète des boucles de guitare les unes sur les autres. Nous étions en 1973… bien avant l’invasion de l’électronique dans le rock.

    Et puis Eno se lance dans une carrière de producteur des plus grands artistes des années 1970 à aujourd’hui, à commencer par la célèbre « trilogie berlinoise » de David Bowie (« Low, « Heroes » et Lodger) avec, là encore, Robert Fripp qui commet le solo de guitare le plus brillant de toute l’histoire du rock avec Eno derrière les consoles pour forger un son si urbain et déchirant. Outre sa science de la technique musicale il exerce une forte influence intellectuelle sur les musiciens avec qui il travaille. Il est notamment connu pour utiliser un jeu de cartes conçu par Peter Schmidt et lui-même et dont chacune des cartes indique une stratégie énigmatique prêtant à interprétation. C’est ainsi lorsque l’inspiration semblait se ralentir au studio berlinois Hansa by the Wall où fut enregistré « Heroes » en 1977, Eno tirait les cartes de son tarot mystique er relançait la création. Ce pouvait être une injonction « chacun change d’instrument » ou une redéfinition des positionnements des musiciens et des micros dans le studio. Bref, il a ainsi aidé à accoucher des disques de légende.

    Après Bowie il a collaboré avec Devo, Talking Heads, U2, John Cale, Ultravox, Genesis (sur The Lamb lies down on Broadway)… les plongeant chaque fois dans sa marmite de sorcier dont ils ressortaient avec un son très spécifique, pas vraiment reconnaissable car propre à chaque groupe, mais travaillé jusqu’à l’extrême. Dans le même temps il a poursuivi sa propre création musicale, éditant sous son nom un nombre incalculable de CD aux sons étranges, fruit de ses réflexions intérieures et triturations techniques, sans aucuns objectifs commerciaux. Des disques expérimentaux exclusivement pour spécialistes !

    Depuis Roxy Music au début des années 1970 ses tournées sur scène sont extrêmement rares alors on ne manque pas celle de ce soir avec un orchestre classique scandinave dirigé par Kristjan Järvi. Quand les lumières s’éteignent les musiciens de l’orchestre font leur apparition en marchant tout en jouant sur la partie basse de la scène. Eno et ses musiciens, dont la soprano Melanie Pappenheim et un conteur, sont sur une estrade derrière leurs machines. Au deuxième étage figurent les percussionnistes. Il s’agit d’une musique que l’on peut qualifier de « contemporaine » autour de l’album « Ships » composé par Eno en 2016, dans le cadre d’une commande de La Biennale de Venise dont la première représentation a eu lieu le 21 octobre au Teatro la Fenice, en tant qu’œuvre centrale de la Venice Biennale Musica 2023.

    « L’album ‘The Ship’ est une œuvre inhabituelle dans la mesure où elle utilise la voix mais ne s’appuie pas particulièrement sur le format chanson. C’est une atmosphère avec des personnages occasionnels qui dérivent, perdus dans l’espace vague créé par la musique. En arrière-plan, il y a un sentiment de temps de guerre et d’inévitabilité. Il y a également une ampleur qui convient à un orchestre et le sentiment que de nombreuses personnes travaillent ensemble.

    Je voulais un orchestre qui joue de la musique comme j’ai envie de jouer de la musique : avec le cœur plutôt qu’avec une partition. Je voulais que les membres de l’orchestre soient jeunes, frais et enthousiastes. Quand j’ai vu pour la première fois le Baltic Sea Philharmonic, j’ai trouvé tout cela… et puis j’ai remarqué qu’ils portaient le nom d’une mer. C’était décidé ! ».

    Brian Eno

    La musique est aérienne et éthérée, des instruments classiques sont mixés avec les traitements du magicien. Eno chante sur certains morceaux, une voix grave et monotone, pas désagréable, parfois vocodée. Il s’excuse d’ailleurs d’être enrhumé, ce qui ne s’entend pas vraiment. Tous les artistes sont habillés de noirs et portent un T-shirt de la même couleur floqué de ce qui ressemble à un globe terrestre, de couleur différente selon les étages.

    Les allers-et-venus des musiciens sont lents comme la musique jouée est ample. On reconnait la reprise du Velvel Underground de Lou Reed : « I’m set free », considérablement ralentie, les cordes et claviers se substituant aux guitares :

    I’ve been blinded but now I can see
    What in the world has happened to me
    The prince of stories who walks right by me
    And now
    I’m set free
    I’m set free
    I’m set free to find a new illusion

    The Velvet Underground

    C’est ensuite la chanson “By This River », un classique d’Eno extraite du disque Before and after Science (1977). Le rappel est dédié aux populations palestiniennes sous les bombardements de la bande de Gaza. Applaudissements et youyous marquent le soutien du public à cette cause défendue par l’artiste engagé en faveur de nombreuses causes humanitaires.

    Le spectateur sort troublé par l’atmosphère musicale si apaisante et mystérieuse qu’Eno imprime à ses compositions et leur interprétation. C’est un voyage dans un monde immobile où tout semble apaisé, un sentiment transmis par une musique venant d’un autre monde, celui où Brian Eno nous emmène depuis cinq décennies. Il fallait bien sûr être présent à cette soirée pour tous ceux qui ont passionnément aimé la façon dont le maître a su inspirer et guider tant de grands musiciens, notre bonheur ce soir fut plus celui de la reconnaissance que de l’enthousiasme pour une musique qui s’y prête assez peu.

    Setlist : The Ship/ Fickle Sun (I)/ Fickle Sun (II) The Hour Is Thin/ Fickle Sun (III) I’m Set Free/ By This River/ Who Gives a Thought/ And Then So Clear

    Encore : Making Gardens Out of Silence/ There Were Bells

  • Maustetytö : groupe finnois

    Maustetytö : groupe finnois

    A l’occasion du visionnage du film « Les feuilles mortes » du réalisateur finnois Aki Kaurismäki on découvre un groupe très intéressant : Maustetytöt (traduit par Spice Girls). Il s’agit de deux sœurs, Anna et Kaisa Karjalainen, l’une chanteuse & claviers, l’autre guitare & chant, toutes deux blondes comme il se doit. Une musique électro qui porte les très belles voix du duo sur de jolies mélodies. Evidemment elles chantent en finnois, ce qui n’est pas des plus aisé à comprendre…

    Elles jouent leurs propres rôles dans le film où elles interprètent Syntynyt suruun ja puettu pettymyksin (Né avec tristesse et vêtu de déception) de leur dernier disque EIVÄT ENKELITKÄÄN ILMAN SIIPIÄ LENNÄ (MÊME LES ANGES SANS AILES NE VOLENT PAS). On trouve une traduction en anglais de ce morceau sur Youtube :

    C’est une chanson pas très gaie pour un film qui ne l’est guère plus. Cela semble d’ailleurs être le concept du groupe, une musique glaçante et répétitive, des voix éthérées, des visages fermés qui ne sourient jamais, un océan de blondeur… On se croirait sur la banquise d’un fjord en plein hiver. Les mots sont semble-t-il à l’image de cette ambiance. Mais quel choc !

    Lire aussi : « Les feuilles mortes » de Aki Kaurismäki

    Voir le site web de Maustetytöt

    https://www.maustetytot.fi/

  • Le journal Libération n’aime plus les Rolling Stones

    Le journal Libération n’aime plus les Rolling Stones

    Le journal Libération du 21 octobre a commis un article félon intitulé ‘« Hackney Diamonds», les Rolling Stones croulent des mécaniques’  consacré au dernier disque des Rolling Stones. Cet article déplorable et plein d’amertume est à charge contre les Rolling Stones. Qu’on en juge :

    …ce disque est une monstruosité inattendue dans l’actualité de la pop qui nous subjugue jusqu’à nous faire douter du rôle de la musique enregistrée dans notre culture : un disque des Rolling Stones tellement factice et redondant qu’il nous hurle à chaque seconde qu’un nouveau disque des Rolling Stones ne sert à rien.

    L’effet de contraste [du morceau Dreamy Skies, NDLR], est saisissant avec Driving Me Too Hard, morceau de vieux niqueur épuisé par un ou une amante insatiable ou l’horrible Bite My Head Off, boogie punk monté sur un riff de basse fuzzée à la Satisfaction, vaguement réminiscent d’un Clash (Safe European Home) et dont on réalise au bout de quelques minutes qu’il est supposé nous faire frémir d’émotion puisque la basse y est tenue par Paul McCartney. Las, c’est surtout l’occasion de vérifier quel mal le producteur Andrew Watt, notamment aux manettes du dernier Iggy Pop, fait au rock des anciens dans le terrain miné du contemporain, avec ses YouTube, TikTok, iPhone et consorts.
    etc, etc

    Ces pisse-vinaigres de Libération ne se sont toujours pas remis de la trahison de leur ancien patron, fondateur de la Gauche Prolétarienne dans les années 1970 qui a quitté Libération avec un parachute doré digne d’un nabab du CAC40, après s’être marié avec une femme de l’âge de sa fille. Depuis ils dévident leur bile à longueur des colonnes de leur journal toujours entre deux faillites. Cela fait longtemps qu’ils ont perdu leurs illusions idéologiques qui se sont embrasées dans les feux de l’enfer de Sympathy for the Devil. Ces plumitifs (qui bénéficient de la niche fiscale des journalistes totalement imméritée et qui devrait être révoquée depuis longtemps) ne savent pas tourner la page. Et c’est particulièrement vrai pour la rubrique Rock qu’on ne lit plus depuis des lustres, mais qui fut un temps flamboyante (et pro-Rolling Stones).

    Ce dernier disque des Rolling Stones n’est pas exceptionnel mais honnête et correct. On peut souhaiter aux journaleux rock de Libé de tenir aussi bien la plume que Keith Richards tient sa guitare à 79 ans !!! Le Monde et L’Humanité ont produit des critiques plus apaisées de Hackney Diamonds.

    Lire aussi : Sortie de « Hackney Diamonds », le nouveau disque studio des Rolling Stones

  • Le Mali se plaint de la « junte française » !

    Le Mali se plaint de la « junte française » !

    Après avoir demandé à l’armée française de quitter le pays, le gouvernement malien a demandé aux troupes internationales des nations unies de suivre le même chemin. La France s’est exécutée et le dernier soldat aurait le territoire malien en août 2022. La force militaire de maintien de la paix mise en place par l’ONU (Mission des Nations Unies au Mali – MINUSMA) a commencé son retrait selon la décision adoptée par le conseil de sécurité dans sa 9365ème réunion du 30/06/ 2023 et il est régulièrement rendu compte de celui-ci au conseil.

    28 août 2023 Paix et sécurité

    Le chef de la Mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA) a prévenu lundi les membres du Conseil de sécurité que la clôture de la Mission en six mois, après dix ans de présence dans le pays, était une entreprise « complexe et ambitieuse ».

    Le Conseil de sécurité a pris la décision, le 30 juin, de mettre un terme au mandat de la MINUSMA, conformément à la demande des autorités maliennes, demandant que la fermeture soit achevée avant le 31 décembre 2023.

    « La MINUSMA a établi un groupe de travail intégré afin d’élaborer un plan de réduction et de retrait de la Mission. Ce plan prévoit un retrait et un rapatriement du personnel et des équipements et matériels déployés dans les zones d’opération de la MINUSMA, selon un calendrier et un ordre séquentiel précis, tout en gardant à l’esprit l’exigence d’un processus ordonné et conduit en toute sécurité », a expliqué M. Wane dans un exposé lors d’une réunion du Conseil consacrée à la situation au Mali.

    https://news.un.org/fr/story/2023/08/1138012

    Il y a 13 000 personnels à rapatrier, 4 000 véhicules, 5 500 containeurs de matériel, 12 camps et une base opérationnelle à fermer et à remettre aux autorités maliennes. La première étape du retrait doit être terminée d’ici le 31/12/2023 selon la planification onusienne.

    C’est pour le moment la fermeture de ces bases qui posent de grosses difficultés car elles sont revendiquées par les rebelles Touaregs, plus ou moins acoquinés avec les terroristes islamiques, qui ont relancé leur combat contre l’armée officielle malienne. La communication du 23/08/2023 du chef de la MUNUSMA, M. El-Ghassim Wane, au conseil de sécurité illustre cette situation avec la base de Ber.

    Retrait de Ber difficile

    Selon lui, l’expérience de la fermeture du camp de Ber a été révélatrice. Le dernier convoi de Casques bleus, d’équipements et de matériels qui s’est retiré de Ber pour rejoindre la ville de Tombouctou a mis 51 heures pour parcourir les 57 kilomètres du trajet en raison de la nature du terrain, qui est peu favorable – une situation aggravée par la saison des pluies – et de l’insécurité.

    Ce convoi a été attaqué à deux reprises par des éléments extrémistes non identifiés, blessant quatre Casques bleus et endommageant trois véhicules avant d’arriver à Tombouctou, a-t-il précisé.

    « Le retrait de Ber s’est également avéré difficile sur le plan politique, les autorités maliennes et les Mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali étant en désaccord sur le sort du camp après le départ de la MINUSMA. Pour sa part, et en raison de l’extension des affrontements à la zone de Ber et des risques que la situation posait pour la sécurité des Casques bleus, la Mission a dû avancer son départ du camp », a expliqué M. Wane.

    De même, les convois transportant du matériel et des équipements des bases de Goundam et d’Ogossagou ont été la cible d’engins explosifs improvisés, tandis que le dernier convoi de Gao à Ménaka a également été pris pour cible par des éléments extrémistes, sans causer ni dégâts matériels ni pertes en vies humaines.

    https://news.un.org/fr/story/2023/08/1138012

    Il reste 11 camps à évacuer d’ici la fin de l’année…

    Cerise sur le gâteau : le gouvernement malien qui a demandé officiellement ce retrait de la MINUSMA de son pays s’est plaint maintenant via son porte-parole de l’accélération du retrait qui serait le fait de l’action de la France : « La junte française [SIC] ne ménage aucun effort en vue de faire fuir la Minusma, en lieu et place d’un retrait ordonné. »

    Avec la relance de la rébellion Touareg qui s’ajoute à celle des islamistes, les autorités maliennes font face à plusieurs fronts. Il est sûr que si les Touaregs, accompagnés ou pas des terroristes religieux sahéliens, s’emparent directement des emprises libérées par l’ONU cela renforcera leurs positions. D’un autre côté, si les camps du grand Nord sont remis à l’armée malienne officielle, il faudra sans doute assez peu de temps aux Touaregs islamisés pour les reconquérir.

    Le gouvernement malien putschiste est maintenant allié avec la Russie, le Burkina Faso et le Niger après avoir chassé la France et la Minusma. Il va pouvoir coopérer avec ces pays pour rétablir son pouvoir dans les zones désertiques sahariennes. Il est souhaitable qu’il réussisse plutôt que de laisser le chaos se réimplanter. Mais il ne pourra sans doute pas encore très longtemps rendre la France responsable de l’échec de sa politique.

    Lire aussi

    Evacuation de l’armée française

    L’armée malienne va mieux !

  • Sortie de « Hackney Diamonds », le nouveau disque studio des Rolling Stones

    Sortie de « Hackney Diamonds », le nouveau disque studio des Rolling Stones

    Le 24ème album studio des Rolling Stones, “Hackney Diamonds” est sorti ce matin. Le dernier, « A Bigger Bang », datait de 2005. Depuis Charlie Watts est mort, Mick Jagger a passé les 80 ans, Keith Richards 79 ans et Ron Wood 76. Le groupe était encore en tournée l’an passé en Europe, avec un passage par Paris et Lyon pour la France.

    « Hackney Diamonds » est plutôt un bon cru. Des guitares énergiques, des claviers rythmés, des cuivres intermittents, sur la voix légendaire et l’harmonica titilleur du patron. Du rock, surtout, du blues, aussi, avec deux très beaux morceaux : Sweet Sound of Heaven, Lady Gaga choriste de luxe et Stevie Wonder invité de marque au piano, et une superbe reprise de Muddy Waters : Rolling Stone Blues. Elton John est également de la partie sur deux morceaux et Paul MacCartney sur Bite my Head Off, participations plutôt transparentes. Bill Wyman revient jouer de la bass sur Live by the Sword, un hommage à Charlie Watts dont des parties de batterie enregistrées avant sa mort ont été utilisées pour ce disque. Keith a le droit de chanter Tell me Straight.

    Evidemment, depuis plus de 60 ans qu’il est sur la route, le groupe voit son futur se rétrécir mais la gloire lui survivra. Quelle bonne idée de mettre tout ceci en musique.

    I hear the sweet, sweet sounds of heaven
    Falling down, falling down to this earth
    I hear the sweet, sweetest sounds of heaven
    Drifting down, drifting down to this earth

    Sweet Sounds of Heaven

    The streets I use to walk on, are full of broken glass
    And everywhere I’m looking, there’s memories of my past

    Whole Wide World

    Mais les Rolling Stones ont la nostalgie heureuse et cet album est plein d’énergie. Et puis, un nouveau disque des Rolling Stones, cela fait tout simplement du bien !

    Un lecteur attentionné nous signale que Hackney est un faubourg de l’Est de Londres, autrefois mal famé, où l’on pouvait se faire casser la vitre de sa voiture et subir un vol à la tire, d’où le design de la couverture du disque. « Hackney Diamonds » signifiait donc « verre brisé » en argot londonien en référence à ce qui pouvait vous advenir si vous baguenaudiez dans ce quartier qui s’est quelque peu gentrifié depuis.

    Hackney Diamonds est dédié à Charlie Watts.

    Le groupe profite aussi de cet évènement pour sortir en CD et DVD le concert intégral donné à l’Olympia de Paris en 1995 qui n’avait été diffusé jusqu’ici que sous forme d’extraits. Il s’agit de Totally Stripped. Un show d’un excellent cru !

  • « Les feuilles mortes » de Aki Kaurismäki

    « Les feuilles mortes » de Aki Kaurismäki

    C’est le film finlandais un peu pesant et lugubre du réalisateur finlandais Aki Kaurismäki sur le choc de deux solitudes. Nous sommes dans un environnement industriel à Helsinki, les deux personnages errent entre chômage et usines, lui se console avec de la vodka, elle avec son chien. Et puis ils se croisent, se perdent et se retrouvent.

    Tout se passe plutôt de nuit, dans les bars, dans l’appartement d’Hansa. Les environnements sont dépouillés, les couleurs plutôt sombres et travaillées, un peu à la manière d’Almodovar. Les sourires sont rares, les acteurs restent silencieux face à leur errance. De ci de là on voit des affiches des films de la nouvelle vague : Godard, Visconti… qui ont manifestement inspiré le réalisateur.

    Le duo de sœurs finlandaises, la guitariste Anna Karjalainen et la claviériste Kaisa Karjalainen, jouent leurs propres rôles en expirant une chanson triste (Syntynyt suruun ja puettu pettymyksin) au cours d’un concert dans un bar fréquenté par nos héros et quelques autres zombies silencieux devant leurs verres d’alcool. Les mots las (traduits en français) sont aussi désespérants que la guitare aigüe et répétitive sur fond de nappes de claviers glacantes.

    Anna et Kaisa Karjalainen

    Finalement, on a l’impression que l’histoire se termine bien avec nos personnages qui partent tous les trois (y compris le chien) vers leur destin.

  • Deux guerres et les mêmes « experts de plateaux télévisés »

    Deux guerres et les mêmes « experts de plateaux télévisés »

    Une deuxième guerre chaude s’est déclenchée au Proche-Orient après celle d’Ukraine qui dure depuis février 2022. Du coup, la bande de Gaza a remplacé celle du Donbass du jour au lendemain sur les chaînes d’information en continue et les mêmes « experts » de plateaux télévisés, un quarteron de généraux en retraite, recyclent leurs analyses des plaines de l’Asie aux sables du Sinaï. Ils ont toujours aussi peu de choses à dire sinon quelques informations récupérées sur Internet et les réseaux dits « sociaux ». Certes, tous ces galonnés ont certainement encore quelques numéros de téléphone à appeler de leurs camarades d’active ou de collègues en Israël ou en Ukraine, mais le propre des opérations militaires est d’être secrètes et, en principe, non annoncées sur les antennes alors nos « experts » ressassent les mêmes évidences qui s’avèrent régulièrement être de fausses informations.

    Au début de la guerre d’Ukraine ils avaient annoncé que le président russe était malade et devait mourir sous peu, que la Russie était à court de missiles, que l’armée russe allait s’effondrer, puis que « la Russie avait d’ores et déjà perdu la guerre », et patati et patata… Presque deux ans plus tard, M. Poutine semble toujours en bonne santé, les missiles russes tombent comme à Gravelotte et l’armée russe, certes n’avance pas, mais paraît tenir solidement ses positions.

    Aujourd’hui ils prévoient ce qui va advenir à l’armée israélienne si elle se décide à envahir la bande de Gaza. En réalité, personne n’en sait rien. Que les journalistes échafaudent des inepties semble dans le cours de choses, mais que d’anciens militaires se compromettent dans leur sillage est plus problématique. Ne sont-ils pas soumis à un devoir de réserve ? Sans doute plus une fois l’heure de la retraite sonnée. Peut-être faudrait-il revoir ce point et étendre ce devoir dans le temps ? Des journalistes incompétents qui ne savent pas dire « je ne sais pas », on est habitué, mais des généraux bavards c’est plus problématique d’un point de vue éthique et militaire.