L’écrivain algérien Boualem Sansal vient d’être arrêté à l’aéroport d’Alger en provenance de France. Il serait accusé « d’atteinte à l’unité nationale ». Sa production littéraire, dirigée contre l’islamisme conquérant, ainsi que l’inefficacité et la corruption du régime algérien, est fortement critiquée dans son pays d’origine où elle est d’ailleurs censurée. Il est aussi fort critique contre les régimes occidentaux qui ne lutteraient pas assez vigoureusement contre l’islamisme. Il avait malgré tout choisi de rester résider en Algérie et faisait de fréquents aller-retours au-dessus de la Méditerranée.
Il a obtenu récemment la nationalité française ce qui a peut-être précipité son arrestation compte tenu des relations actuellement déplorables entre les deux pays. Il s’est jeté dans la gueule du loup et celui-ci a les dents particulièrement aiguisées contre tout ce qui touche de près ou de loin à l’ancienne puissance coloniale. Dans ces conditions il n’a pas été très avisé de se rendre en Algérie, d’autant plus que ce pays ne reconnaît pas le concept de deux nationalités. S’il est entré en Algérie avec son passeport algérien l’administration locale le considère comme un citoyen lambda et lui applique ses lois sans avoir de compte à rendre à qui que ce soit, et encore moins à Paris. S’il a présenté un document français cela devient une affaire franco-algérienne, une de plus.
A-t-il tenté le diable par fanfaronnade ou par mauvaise estimation du risque ? Dans les deux cas il a manqué de clairvoyance, Boualem Sansal est plus utile à sa cause en écrivant des livres en Occident plutôt qu’en moisissant dans une prison algérienne. L’émotion manifestée par les milieux littéraires et médiatiques français devant cette arrestation risque plutôt d’aggraver encore son cas vis-à-vis d’Alger. Le mieux pour Paris serait d’essayer de régler cette affaire dans la discrétion, mais sans garantie de succès à court terme.
Si la France pratiquait les méthodes russes, par exemple, il suffirait de prendre en otage un écrivain algérien et de négocier son échange avec M. Sansal. Mais nous sommes à Paris et c’est sans doute la raison pour laquelle il a cherché à obtenir la nationalité française et pas la russe…
Un consortium de journaux, dont Le Monde, coordonné par l’organisation Forbiden Stories, a identifié et interrogé un citoyen centrafricain réfugié en France, Ephrem Yalike Ngonzo, qui a révélé que les forces russes en Centrafrique l’auraient recruté et payé à partir de fin-2019 pour diffuser localement des informations plus ou moins fausses en faveur de l’intervention russe en cours dans ce pays et généralement en défaveur de la France ou des Nations-Unies. A la tête d’un média en ligne, M. Ngonzo aurait endossé le rôle de désinformateur contre rémunération. Progressivement le manipulateur aurait éprouvé quelques scrupules jusqu’à prendre peur de ses mentors russes et fuir vers la France qui, bonne mère, lui a délivré un visa.
J’ai contribué au maintien de mon pays dans le chaos… Aujourd’hui, je veux tout dénoncer pour réparer, me délivrer de ma honte et de mes regrets.
Le Monde (21/11/2024)
Il est ironique que le nom même de « Ngonzo » se rapproche de celui du journalisme dit « gonzo », un courant de la presse développé dans les années 1970, aussi qualifié « d’ultra-subjectivité » qui consiste à favoriser la fiction au détriment de l’information…
Fin 2024 M. Ngonzo raconte son « aventure » aux journaux occidentaux et se présente comme « lanceur d’alerte ». On peut penser que Forbiden Stories a mené quelques investigations pour vérifier ses dires mais qui peut vraiment savoir si M. Ngonzo n’est pas un agent triple ou quadruple ? Quel est d’ailleurs l’intérêt de ses déclarations pour la République française qui n’ignore pas depuis longtemps que l’une des spécialités de la Russie est la désinformation, en Centrafrique comme ailleurs. Alors sur quelles bases a-t-on délivré un visa à M. Ngonzo, un homme qui a nui à la France, par faiblesse ou par intérêt de la République ? Sans doute a-t-il été débriefé par les services de sécurité français qui en ont peut-être appris un peu plus sur les méthodes de leurs homologues russes ? Certainement s’il a trahi ses mentors russes ceux-ci menacent sa vie et celle de sa famille car il est plus aisé de trahir la France que la Russie
Mais le jeu en vaut-il la chandelle ? L’avenir le dira. Si un jour la République centrafricaine cherchait à retourner sa veste, lâcher la Russie et revenir vers la France, on se demande si Paris l’accueillerait avec la même complaisance que celle manifestée à M. Ngonzo ? C’est probable à l’heure où la reprise de la coopération financière est annoncée et où le président centrafricain a été reçu à l’Elysées par le président Macron le 17/04/2024.
En attendant, l’ambassadeur de France en Centrafrique introduisait son discours du 14/07/2024 par ces phrases :
Accompagné de l’ensemble de l’équipe France en République centrafricaine, je suis très heureux que nous partagions ensemble un moment de joie, de convivialité et de fraternité placé sous le signe de l’amitié entre la France et la RCA.
Je remercie très chaleureusement le chef de l’Etat qui nous fait l’honneur de rehausser cette célébration par sa présence.
Ces derniers mois ont été le théâtre d’une reprise d’un dialogue constructif entre nos pays, marqué par plusieurs rencontres entre le Président Macron et vous-même, monsieur le Président. Vos échanges ont posé les jalons d’un dialogue renouvelé entre nos deux nations, traduit dans l’endossement par les deux parties d’une feuille de route bilatérale le 17 avril dernier, à Paris.
Dans les faits, cette feuille de route trouve une première illustration concrète avec la reprise imminente de l’aide budgétaire française, d’un montant de 10 millions d’euros.
Robert Plant, 76 ans, le légendaire chanteur britannique du non moins légendaire groupe de rock énergique Led Zeppelin, poursuit une brillante carrière solo depuis la fin du groupe en 1980, via différente formations et associations. Arte concert diffuse en ce moment un concert donné en 2024 avec son dernier groupe Saving Grace : trois vétérans chevelus, tatoués et professionnels (guitares et batterie) et une chanteuse, Suzi Dian, également accordéoniste. Ils développent ensemble un blues mâtiné de folk, ou l’inverse, avec beaucoup de grâce. Plant a gardé sa voix dans les aigus même si, l’âge aidant, elle est un peu moins stridente. Il mène ce groupe avec discrétion et harmonie. Le vieux musicien a roulé sa bosse sur toutes les scènes du monde dans le fracas du hard-rock et du mode de vie associé, il est maintenant apaisé et consacre tout son talent à une musique folk intimiste et inspirée, toujours très bien entouré de musiciens de talent.
Après Bale où a été tourné ce concert, Saving Grace était de passage à Paris ce mois d’octobre.
François Ruffin, journaliste-documentariste-député du groupe écologiste, après s’être fâché avec Jean-Luc Mélanchon, le patron propalestinien de LFI (La France Insoumise), avait réalisé en 2016 un documentaire hilarant sur le combat gagné d’un salarié licencié du groupe LVMH contre le capitaine d’industrie Bernard Arnault.
Il rempile cette année avec moins de réussite sur le thème de la « réinsertion des riches ». Ce documentaire lui a été inspiré suite à une émission de radio, « les Grosses Têtes », à laquelle il participait, et au cours de laquelle une des animatrices, Sarah Saldmann, prononce des mots violents contre les chômeurs qu’elle traite de « feignasses, d’assistés, de glandus, de gens qui ne foutent rien et qui sont entretenus par mes impôts ».
Mme Saldman s’affiche juriste mais semble passer bien plus de temps sur les plateaux médiatiques populaires qu’a étudier le code civil. Elle est située à mi-chemin entre Nabilla (avec moins de poitrine et un peu plus de neurones) et Nadine Morano. Elle ajoute un « grave » devant ses adjectifs dans une phrase sur deux. Elle est jolie et affiche une langue bien pendue, d’où son statut de chroniqueuse sur les ondes pour lesquelles elle a tout de la « bonne cliente ». Sa vie semble organisée entre CNEWS, les cocktails chez les grands bijoutiers et les brunchs au Royal Monceau. Devant l’impossibilité de dialoguer avec elle sur le thème des « assistés », François Ruffin lui propose à l’antenne de partager la vie des smicards à 1 300 EUR/mois pendant quelques mois. Avec un certain courage, elle accepte la proposition mais pour une semaine seulement. C’est cette plongée dans un univers inconnu d’elle que Ruffin va filmer.
Leur première rencontre se déroule à l’hôtel Plaza Athénée où elle commande un croque-monsieur à la truffe coûtant 54 EUR ce qui laisse Ruffin coi. La suite la voit livrer des paquets, nettoyer des toilettes dans maison d’accueil pour personnes précaires, faire le ménage avec une aide de vie chez un malade, etc… mais aussi dans un rendez-vous de haute couture où elle se sent manifestement plus à l’aise qu’avec les pèlerins d’Emmaüs.
Le documentaire est surtout intéressant en ce qu’il montrer une Sarah Saldmann dont on se demande vraiment si elle fait des efforts pour paraître aussi nunuche ou si c’est son état naturel. Était-ce prévu dans le scénario qu’elle débarque en talons hauts et couverte de bijoux pour faire la livreuse ou s’est-elle habillée ainsi « naturellement » pour sa première journée avec les smicards ? Elle verse malgré tout quelques larmes devant l’engagement de la garde-malade qu’elle seconde quelques heures durant. Ruffin joue son rôle, toujours malin, privilégiant l’humour à l’invective. On comprend mieux son divorce avec LFI…
Le spectateur reste indécis, et un peu déçu par le documentaire, comme Ruffin affiche l’être devant l’échec de sa tentative de réinsertion de cette nunuche des beaux quartiers et des plateaux télévisés.
Sortie : 1988, Chez : Editions Gallimard / POCKET 11078.
Gisèle Halimi (1927-2020) est une avocate franco-tunisienne, née dans une famille juive à Tunis, devenue célèbre pour son engagement constant en faveur du féminisme et des militants de l’indépendance algérienne qu’elle a défendus au risque de sa vie puisqu’elle fut régulièrement menacée par les tenants de « l’Algérie française ».
Après la mort de son père, Edouard, en 1976, elle décide d’écrire un livre hommage dans lequel elle revient avec beaucoup d’affection et de douceur sur ce père aimant, mais aussi sur son enfance en Tunisie et les combats qu’elle a menés ensuite en faveur de la liberté. « Le lait de l’oranger » fait référence à l’oranger dans la cour de sa maison qu’elle arrosait en cachette du lait qu’elle refusait de boire le matin affirmant déjà un caractère affirmé. C’est l’incroyable destin d’une femme arcboutée sur des principes nobles et humanistes et dont les combats ont fait évoluer son époque.
Le premier de ses combats fut celui de la défense des militants algériens en lutte armée contre la France coloniale à la fin des années 1950 et jusqu’à l’indépendance acquise en 1962. Lorsqu’ils étaient arrêtés, ces militants accusés de terrorisme, étaient présentés devant une justice d’exception, celle des tribunaux militaires dont les méthodes étaient plutôt expéditives et souvent totalement illégales. En application du droit, les accusés devaient être défendus par des avocats mais souvent ceux-ci étaient commis d’office, choisis au sein du barreau local et dont la neutralité n’était pas toujours assurée. Avec un certain nombre de collègues de métropole et d’Algérie elle a fait en sorte que les accusés soient défendus selon le droit français et s’est mise ainsi à dos beaucoup de monde Algérie. Elle était évidemment en faveur de l’indépendance, comme elle le fut de celle de la Tunisie, mais elle s’est basée sur le droit dans ses stratégies de défense, un droit que les tribunaux militaires violaient sans vergogne et avec tant d’allégresse qu’elle réussit à faire inverser le cours de certains procès.
Avec l’aide d’un comité d’intellectuels français (Sartre, Beauvoir, Aragon, Germaine Thillon, et d’autres) elle a notamment sauvé la tête de Djamila Boupacha qui avait été impliquée dans une tentative d’attentat dans les rues d’Alger. Elle n’hésita pas à porter plainte contre le ministre de la défense Pierre Messmer qu’elle estimait responsable des méthodes employées par l’armée française en Algérie contre les terroristes : torture, aveux extorqués, viols… Elle a même été emprisonnée quelques jours à Alger lors de la tentative de putsch menée par des officiers français factieux en 1958, avant d’être libérée sans dommage pour elle suite à l’intervention de ses soutiens à Paris.
Elle affronta aussi le FLN algérien (Front de libération national) qui n’était pas vraiment un parangon de féminisme… En 1962, après la signature des accords d’Evian qui incluaient une amnistie générale des combattants des deux côtés, Djamila Boupacha fut libérée ; hébergée chez la famille Halimi elle fit part à Gisèle de son désir de rester en France pour y faire des études. Le FLN ne l’entendit pas de cette oreille et exigea que Djamila lui soit « livrée » pour qu’elle rentre en Algérie. Devant les menaces du FLN contre sa famille, Gisèle accepta que Djamila rejoigne Algérie, même contre sa volonté affichée.
Le second grand œuvre de sa vie fut celui de la libération de la femme à une époque où il y avait beaucoup à faire dans ce domaine. Elle partagea ses idées avec Simone de Beauvoir qui l’aida à forger sa stratégie en matière de féminisme. Elle fit beaucoup pour légaliser l’avortement. Elle devint ami de Jean-Paul Sartre qu’elle accompagna avec admiration et affection dans les dernières années de la vie du philosophe. Elle rencontra de Gaulle, Mitterrand, Giscard d’Estaing, fut élue député en 1981, occupa un poste d’ambassadeur de France à l’UNESCO.
Et cette suractivité ne l’empêcha pas d’entourer ses parents, ses enfants et la fin de son père atteint d’un cancer à qui elle permit de réaliser un dernier grand rêve : être décoré de la légion d’honneur.
C’est un parcours exceptionnel que celui de Gisèle Halimi, celui d’une femme d’honneur qui a défendu sa vie durant, avec intelligence et conviction, des principes d’humanisme. Contre vents et marées elle a combattu le colonialisme, la torture, la peine de mort, le patriarcat. Elle a été à l’origine d’avancées importantes dans ces domaines qui lui tenaient tant à cœur. Elle fut un personnage du Xxe siècle qui a participé à l’émergence de certaines des grandes idées de ce siècle. Décédée en 2020 elle eut les deux premières décennies du XXIe pour constater et, sans doute, déplorer l’affadissement intellectuel occidental d’une époque qui ne dénombre plus beaucoup de personnalités à sa hauteur.
Devant l’effondrement économique provoqué, entre autres, par les émeutes de mai 2024 et les destructions considérables qui en ont résulté, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie mené par son président indépendantiste Louis Mapou se voit obligé d’aller à Canossa en venant quémander à Paris les financements publics nécessaires à la reconstruction du tissu économique de l’archipel consciencieusement mis à bas par la révolte des populations « kanaks » qui ne voulaient pas entendre parler de changement dans la constitution du corps électoral. Celui-ci est en effet gelé pour les élections locales depuis 1998, ce qui veut dire, par exemple, qu’une personne qui se serait installée sur le territoire en 1999 ne peut pas voter pour les élections provinciales depuis cette date, notamment bien entendu en cas de référendum sur l’indépendance. Comme ce sont très majoritairement des non-kanaks qui émigrent vers la Nouvelle-Calédonie, cette mesure visait à donner progressivement la majorité aux populations kanaks pour leur permettre d’emporter les référendums sur l’indépendance puisqu’elles sont censées croître plus rapidement que les populations non-kanaks. Hélas, les choses ne se sont pas passées comme prévu et les trois scrutins organisés en 2018, 2020 et 2021 ont donné des majorités à la dépendance envers la France.
Alors voir aujourd’hui un gouvernement indépendantiste demander à Paris des financements à hauteur de 4,2 milliards d’euros pour son « plan de sauvegarde, de refondation et de reconstruction », ou PS2R, c’est un peu Vercingétorix déposant les armes devant César après la défaite d’Alesia ! Heureusement Louis Mapou devrait connaître un sort moins funeste que celui du chef gaulois qui aurait été étranglé dans les geôles de César. Il va d’ailleurs très certainement repartir dans le Pacifique avec ses sous bien que ce ne soit pas le meilleur moment compte tenu de la situation déplorable des finances de la République et la multiplicité des revendications en cours de toutes les corporations qui exigent « plus de moyens » en métropole comme dans tous les confettis de l’Empire.
On pourrait imaginer que le gouvernement calédonien indépendantiste soit gêné de venir ainsi demander aux contribuables métropolitains de financer la reconstruction de l’économie calédonienne dévastée par ses propres soutiens mais en réalité l’imaginaire kanak considère que la France est responsable de ce chaos politique et économique et qu’il est donc normal qu’elle paye pour en sortir. C’est une nouvelle fois la démonstration par l’absurde de l’absence totale d’espoir d’une solution autre que l’indépendance à long terme. La visite récente à Nouméa des présidents de l’assemblée nationale et du sénat en ce mois de novembre n’a évidemment abouti à rien sinon que ces deux personnalités ont soutenus le PS2R et les dépenses publiques qu’il nécessite…
Une visite qui ne va sans doute pas marquer l’histoire de la Nouvelle-Calédonie
La route vers l’indépendance est aujourd’hui coupée, mais il est nécessaire pour toutes les parties de la réparer et de s’y engager de nouveau. Tout est aujourd’hui détruit, l’économie comme l’espoir. Il semble que des départs définitifs de non-kanaks se produisent vers les pays avoisinants et la métropole, ce qui va dans le bon sens pour une évolution du corps électoral vers l’indépendantisme. Dans le même temps le Palika (parti de libération kanak), seul parti qui ose revendiquer ouvertement l’indépendance et auquel appartient M. Mapou, vient de se mettre « en retrait » du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) jugé non crédible pour « avancer dans le cadre de la décolonisation ». Des choses bougent (un peu) et du chaos ne peut sortir que la vision pour une Calédonie enfin indépendante.
Nous voilà ramenés à l’An Mil, chaque matin nous serons à la veille de la fin des temps. […] Après la mort de Dieu voici qu’on annonce la mort de l’homme. […] Il n’y a plus d’espèce humaine. La communauté qui s’est faite gardienne de la bombe atomique est au-dessus du règne naturel car elle est responsable de sa vie et de sa mort : il faudra qu’à chaque jour, à chaque minute, elle consente à vivre. Voilà ce que nous éprouvons aujourd’hui dans l’angoisse.
Jean-Paul Sartre, Les Temps Modernes – octobre 1945
L’atome a inspiré les artistes et le musée d’art moderne de Paris (MAM) expose quelques œuvres qui en ont résulté, parfois morbides, souvent existentielles. L’exposition est à la fois artistique et documentaire tant l’aspect géopolitique du nucléaire est inséparable de l’art qui le représente.
Tout d’abord, la découverte de la radioactivité, avec l’invisibilité de ses rayons, a fasciné ces artistes qui rivalisent d’ingéniosité pour matérialiser l’invisible, ce qu’ils réussissent plutôt bien. Un photographe contemporain a pris des photos de sites sur lesquels ont eu lieu des essais de bombes atomiques en parsemant ses clichés lors de leur développement de parcelles de terre irradiée. Le résultat final fait apparaître de petits éclats lumineux sur la photo en surimpression du paysage. Les surréalistes se sont saisis du sujet, Duchamp a conceptualisé la théorie de « l’inframince », Dali a représenté l’atome… Mais il y a aussi un mur entier dédié à des dessins d’enfants japonais réalisés en 1945 peu après le feu nucléaire. Ils expriment l’horreur vue au travers les yeux de ces gamins. Bouleversant !
Après les deux seules utilisations (à ce jour) de la bombe nucléaire comme arme de guerre, à Hiroshima et Nagasaki au Japon en 1945, une « esthétique » de la bombe s’est développée et de multiples représentations de son champignon atomique ont été produites. Le MAM en présente certaines sous forme de peintures, de films, d’installations… Ce champignon, il est vrai, a quelque chose de fascinant en ce qu’il émane de la créativité humaine et peut aboutir à son autodestruction.
Une salle entière est consacrée au « colonialisme nucléaire » ou comment les puissances détenant la bombe ont réalisé leurs essais en dehors de leurs territoires métropolitains : Iles Bikini pour les Etats-Unis, Kazakhstan pour l’Union soviétique, Algérie puis Polynésie pour la France. On y voit même une vidéo du président français Chirac justifiant la reprise des essais nucléaires français à Tahiti en 1995, expliquant que le taux de radioactivité naturelle est plus élevé à Paris qu’en Polynésie…
Nous savons aujourd’hui que bien que nous ne puissions « faire » la nature au sens de la création nous sommes tout à fait capables de déclencher de nouveaux processus naturels, et qu’en un sens par conséquence nous « faisons la nature », dans la même mesure que nous « faisons l’histoire ». Nous n’avons atteint ce stade qu’avec les découvertes nucléaires, où des forces naturelles sont libérées, délivrées, pour ainsi dire, et où ont lieu des processus naturels qui n’auraient jamais existé sans l’intervention directe de l’action humaine.
Hannah Arendt, « Between Past and Future » 1954
L’exposition est troublante, comme l’est l’intrusion du nucléaire dans le domaine de l’art.
Un petit village breton des Côtes d’Armor, célèbre pour sa charcuterie, temps frais et grisonnant, le bistrot de la place de la mairie sert une potée bretonne et au sortir de ce déjeuner roboratif les convives traversent la place pour découvrir une exposition consacrée à l’écrivain Anatole Le Braz (1859-1926) dans la « salle du conseil ».
Fils du pays, né à 50 km d’ici dans la commune de Duault, ayant habité Ploumilliau, professeur de philosophie et de lettres, il fréquente Ernest Renan, commence à publier des ouvrages « bretonnants » dans les années 1890. Son œuvre et sa vie sont consacrés à la Bretagne, et plus spécialement au Trégor. Il faut peut-être lire les livres de ce personnage de la Bretagne littéraire.
D’après sa fiche Wikippédia, il est l’arrière-grand-père de la musicienne Tina Weymouth, bassiste du groupe américain Talking Heads, élément majeur du post-punk américain, et créatrice du groupe Tom Tom Club avec son mari, Chris Frantz, également batteur des Talking Heads.
Avec une joie mauvaise les Français découvrent les difficultés économiques dans lesquelles se débat leur voisin allemand. Le pays devrait être en récession économique en 2024 pour la deuxième année consécutive et la coalition politique au pouvoir est en train de se dissoudre. Volkswagen ferme des usines dans le pays, le président élu américain Donald Trump déteste l’Allemagne et ses citoyens vieillissent encore plus vite qu’en France. Bref, tout ne va pas pour le mieux à Berlin ce qui réjouit une partie des commentateurs français du Café du commerce.
Ils devraient plutôt refréner leur bonheur, d’abord par souci d’élégance, mais, surtout car si la première économie d’Europe fait face à un incontestable coup de vent, pour des raisons évidentes c’est tout le continent qui en subit les conséquences. Gageons toutefois que l’Allemagne saura affronter cette nouvelle situation avec son pragmatisme habituel. C’est tout le vieux monde européen qui se rabougrit face au nouveau monde et au « Sud global ». Au moins Berlin part avec une situation de ses finances publiques meilleure que celle des pays latins qu’elle qualifia du temps de sa toute-puissance de pays « Club-Med », ce dont elle aurait pu se passer.
Engluée dans le chaos de ses finances publiques et de ses minorités parlementaires se tenant par la barbichette la France est la dernière à pour voir donner des leçons d’économie à sa voisine d’outre-Rhin, sa meilleure ennemie depuis si longtemps !
Devant la situation très dégradée des finances publiques que l’on semble découvrir en cette fin d’année 2024, la commission des finances du sénat a créé une « mission d’information relative à la dégradation des finances publiques » dans le cadre de laquelle défilent les anciens ministres qui étaient en charge des affaires du pays jusqu’à ce mois de septembre. Avec une mauvaise foi impressionnante ils expliquent qu’ils ne sont ni coupables ni responsables du déficit 2024 qui devrait dépasser les 6% du produit intérieur brut (PIB), contre 4,4% prévus dans le projet de loi de finances initial, et ont plutôt tendance à charger leurs successeurs. Lex-ministre des finances Bruno Le Maire donne sa version des faits :
Quand on me dit que le déficit en 2024 sera à 6,1 %, c’est le choix du gouvernement actuel. Et j’apporterai toutes les preuves que nous pourrions avoir en 2024, avec des mesures de redressement plus rigoureuses, un déficit autour de 5,5 %. Je conteste donc formellement ce chiffre de 6,1 %
Bruno Le Maire au sénat (07/11/2024)
Quant à l’ex-premier ministre Gabriel Attal, il affirme avoir pris « des décisions fortes » en gelant des dépenses dès que les premières alertes sont apparues sur le faible niveau des recettes réelles 2024 par rapport aux prévisions.
Bref, « c’est pas moi c’est l’autre ! », c’est du niveau cour d’école. On se demande ce qui pousse ces responsables à fuir leur… responsabilité. Certes M. Le Maire n’a sans doute pas tout à fait tort lorsqu’il explique que le nouveau gouvernement a dû charger la barque du déficit 2024 puisque celui-ci relève de l’ancienne gestion pour au moins les neuf premiers mois de l’année. C’est une attitude assez classique, y compris en entreprise lors de changement de management. Mais cela ne joue qu’à la marge. Le déficit est bien le fruit de décisions de dépenses sans commune mesure avec la réalité des recettes. Mais tout n’est pas négatif dans cette situation puisque ces fonds dépensés en sus des recettes sont bien allés dans l’économie et la poche de nombreuses catégories de citoyens. Les bénéficiaires vont s’en apercevoir avec le reflux qui s’annonce.
Simplement ce n’est plus possible de poursuivre sur cette tendance, c’est une simple question de bon sens et le réveil va être douloureux, y compris pour le président de la République et ses anciens ministres qui ne pourront pas échapper encore longtemps à leurs responsabilités dans ce naufrage financier malgré les dénégations puériles de ceux qui détenaient les cordons de la bourse.
Visionner quelques interventions ministérielles au sénat
Les présidents du sénat et de l’assemblée nationale sont partis en Nouvelle-Calédonie pour y mener une « mission parlementaire de concertation et de reprise du dialogue ». Pas sûr que ce soit la voie la plus rapide vers la décolonisation et l’indépendance que ce territoire mérite le plus rapidement possible. C’est en revanche le chemin le plus sûr pour engager de nouvelles dépenses publiques en faveur de l’archipel qui a été dévasté par des semaines d’émeutes, pas complètement terminées d’ailleurs.
Le film a reçu la palme d’or du festival de Cannes 2024, l’histoire d’une danseuse gogo, Anora, dite Ani, baragouinant un peu le russe du fait de ses ascendances, prestant ses services dans une boîte de striptease des quartiers russes de New York. Elle y rencontre un fils-à-papa russe, Ivan, dont la seule activité semble être de dépenser sans limite les sous accumulés par son père oligarque resté à Moscou mais qui a délégué une bande de pieds-nickelés arméniens pour surveiller le jeune fiston livré à lui-même et à ses dollars probablement pas très bien acquis.
Ivan fait d’Ani son escort de luxe. Entre deux soirées bling-bling et trois rails de cocaïne, ils déboulent à Las Vegas en jet privé et s’y marient sur un coup de tête. La nouvelle atteint Moscou d’où l’oligarque et sa harpie de femme slave aux yeux bleus déboulent à New York dans un autre jet privé afin de démarier les tourtereaux. Il ne saurait être question que le fils de famille reste uni avec une « prostituée ». Il s’en suit des scènes rocambolesques dignes de Tarentino, les flots de sang en moins.
Le film est plutôt drôle pour traiter des sujets graves : prostitution à New York et décadence russe. Pas sûr qu’il était nécessaire de lui délivrer une palme à Cannes.
Ce roman fleuve (700 pages) de l’écrivain américain Henry James (1843-1916) emmène le lecteur sur la trace des pérégrinations d’une jeune femme américaine, Isabel Archer, venue visiter l’Europe, et tout spécialement la vieille Angleterre, pour y assouvir sa soif de liberté et son besoin de découverte du vaste monde. Nous sommes à la fin des années 1870 et, à l’initiative de sa tante, elle quitte alors son milieu bostonien aisé et se retrouve dans le vaste domaine près de Londres où réside sa tante, mariée avec américain riche banquier à la City.
Elle fait la connaissance de son cousin Ralph, tuberculeux, avec qui elle établit une relation affectueuse et elle rencontre aussi nombre de prétendants dont elle repousse les propositions de mariage, préférant préserver sa liberté. A force de se dire que le prochain homme à séduire sera meilleur que celui qui se jette actuellement à ses pieds, elle laisse peut-être passer l’occasion irrattrapable, qui sait ? Mais tout lui semble permis, elle est née sous une bonne étoile et les hommes éconduits restent en pamoison et Isabel éprouve toujours la même « jouissance à exercer son pouvoir ».
Finalement, après moulte voyages, sur les conseils de son amie Mme. Merle, elle consent à épouser un américain, Gilbert Osmond, installé à Florence avec sa fille Pansy. Cette union se révèle rapidement un échec et Isabel se retrouve enfermée psychologiquement par un mari qui ne l’aime pas. Elle ne sait plus comment en sortir, tiraillée entre son sens du devoir conjugal (nous sommes à la fin du XIXe siècle) et son besoin de liberté. Devant cette situation elle tente de garder la tête haute et, surtout, de ne pas avouer sa désillusion. Jouant de son pouvoir de séduction qui la rend sûre d’elle, croyant user de ses charmes pour avoir les hommes à ses pieds, elle découvre en fait qu’elle a été manipulée par Mme. Merle qui l’a poussée dans les bras de ce mari inapproprié.
La fin est douloureuse mais ouverte sur l’espoir : Ralph meurt de sa tuberculose, à son chevet Isabel comprend l’intensité de l’amour qu’il lui portait et la discrétion qu’il manifestât sur son union avec Osmond sur laquelle il avait les plus extrêmes réserves. On comprend qu’Isabel retourne ensuite en Italie au domicile conjugal mais on se prend à espérer que c’est pour rompre son mariage et retrouver ainsi sa liberté. Mais comme le lui dit un jour son cousin :
Les femmes, lorsqu’elles sont très très bonnes, s’apitoient parfois sur les hommes qu’elles ont blessés ; c’est leur grande façon de témoigner leur bonté.
Ce roman est un délice dans l’analyse de personnalités aussi différentes qu’attachantes. Nous sommes dans un milieu où personne ne travaille, tout le monde vivant sur des rentes plus ou moins généreuses. Que ce soit en Angleterre ou aux Etats-Unis, tous ont suivi des études supérieures et une éducation bourgeoise, aristocratique pour certains. Les conversations entre eux sont sophistiquées et le narrateur les restituent avec humour, ajoutant parfois ses propres commentaires aux situations qu’il décrit. L’attrait de la jeune américaine pour l’ancien monde est sincère, à l’époque l’ancienne puissance coloniale de l’Amérique fascine encore la nouvelle Amérique. Sa passion pour la liberté et son indépendance vont néanmoins abdiquer, au moins provisoirement quand elle épouse Osmond.
Arrivée suffragette elle devient femme soumise. Pas facile de faire bouger les conventions empesées d’une société patriarcale. Il faudra d’ailleurs encore un siècle, et même un peu plus, pour que cette envie de liberté ne connaisse un début de satisfaction.
James, est né en Amérique mais a longtemps vécu en Europe. Il a obtenu la nationalité britannique et est mort à Londres. Il décrit à merveille l’opposition entre l’optimisme naïf mais entreprenant du Nouveau Monde face aux traditions tendant parfois à l’immobilisme de la vieille Europe. Il connaît parfaitement les Anglais dont il restitue le cynisme élégant dans la bouche de ses principaux personnages. C’est le chemin vers la décadence d’un continent qui connaîtra bientôt son apogée avec la guerre dévastatrice de 1914-1918. Henry James n’en verra pas l’issue, il est mort en 1916. Une issue raisonnable qui fut accélérée par l’intervention des Etats-Unis d’Amérique venus au secours de ce vieux continent qui fascinait tellement Isabel.
Avez-vous remarqué combien sont nombreuses les personnes de votre connaissance s’informant exclusivement « sur les réseaux sociaux » ? Il y en a beaucoup, même au sein de populations qui ont les moyens financiers et intellectuels de s’abonner à un ou des vrais journaux écrits (en ligne ou sur papier, voire sur les deux supports) par de vrais journalistes ? Ces personnes cèdent au mirage du « gratuit » et à l’illusion de l’information alors que, le plus souvent, elles accèdent, au mieux, à de la publicité, au pire, à de la propagande.
Les écrans de smartphones, tablettes ou ordinateurs sont livrés avec des applications natives dont les algorithmes harcèlent leurs propriétaires en leur sélectionnant des « informations » de quelques lignes sur des sujets qui collent aux « préférences » de leurs lecteurs grâce à la magie de l’algorithme. Il s’agit le plus souvent de nouvelles relevant de journaux pipole ou sportifs. On peut généralement s’en défaire en déconnectant toutes les notifications des applications livrées avec l’écran, ou celles que l’on télécharge ultérieurement, mais la plupart des utilisateurs ignorent comment faire, ou ne prennent pas les cinq minutes nécessaires pour comprendre comment procéder à cette déconnection. C’est d’ailleurs la première victoire de ces diffuseurs « d’information » : leur caractère intrusif est accepté par leurs cibles.
Alors les notifications pleuvent sur les écrans comme à Gravelotte et les cibles se laissent séduire en les lisant. Ils tombent sur les « pensées » de Cyrille Hanouna ou des méthodes pour perdre du poids. L’objectif de ces notifications est de faire en sorte que ceux qui les reçoivent cliquent sur un lien, faisant ainsi tourner l’économie Internet tout en décérébrant les utilisateurs qui ne choisissent plus ce qu’ils souhaitent lire, laissant les algorithmes commerciaux en décider pour eux. Il y a donc une espèce de double peine : le niveau consternant des publications disponibles et le choix de celles-ci réalisé par la machine et non plus par le lecteur.
Pour ceux dont l’ordinateur est équipé de Windows, le gloubi-boulga informatif servi de façon contraignante lorsqu’on clique sur le bouton en bas à gauche de la barre des tâches, en est une excellente illustration.
Sur ce panneau Microsoft chaque « tuile » est en réalité un lien URL menant sur le site commercial du fournisseur de « l’information ». Certes, les sources commerciales de ces « tuiles » sont plus ou moins paramétrables mais il est impossible à l’utilisateur de Windows de faire disparaître le panneau. Il apparaît par défaut et s’impose à tous, sauf, peut-être à avoir des capacités de développeur.
Le stade suivant de l’abrutissement des masses est l’abonnement aux pages animées par des « influenceuses » à forte poitrine, et déficience de neurones actifs, sur les réseaux dits « sociaux ». Nabilla (photo) a 9,3 millions d’abonnés à son compte Instagram (14% de la population française) et 2,7 millions sur son compte X (ex-Twitter). La nature de ses publications mérite le détour pour prendre conscience de l’étendue du désastre. Dans une publication en 2018 sur Twitter restée célèbre Nabilla vantait les mérites du bitcoin « grave en train de se développer ». L’Autorité des marchés financiers (AMF) avait dû publier un contre-communiqué pour avertir des risques que présente un investissement en cryptomonnaie. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
L’étape ultime est l’utilisation de ces réseaux dits « sociaux » pour des objectifs de propagande politique. C’est beaucoup plus pernicieux compte tenu de la paresse intellectuelle des cibles qui prennent le plus souvent pour argent comptant ce qu’ils lisent. Les dictatures en lutte contre l’Occident usent et abusent de leurs multiples comptes sur les réseaux dits « sociaux » pour mener le travail de sape des sociétés de l’Ouest, complémentaire des guerres idéologiques et, parfois, militaires menées sur le terrain. C’est la version 2.0 de « l’agit-prop » (agitation et propagande) chère aux mouvements gauchistes des années 1960 (maoïstes, trotskystes, communistes…) qui en firent leur miel pour essayer de faire tomber la société libérale. Cette nouvelle version est bien plus efficace car touchant facilement des millions de personnes et ne nécessitant pas de violence physique, au moins dans un premier temps.
Alors désormais dans les dîners en ville nombre de convives assènent comme des vérités des publications collectées au hasard des réseaux dits « sociaux » ou des notifications intempestives de leurs téléphones qualifiés de « smart ». Pendant ce temps, la presse se meurt, ou est rachetée par de grands groupes industriels qui l’utilisent pour diffuser leurs idées, mais encore le font-ils via des journalistes professionnels respectant un minimum d’éthique.
L’Occident qualifié de « collectif » par le « Sud global » a inventé ces outils numériques qui aujourd’hui sont en partie utilisés contre lui. Outils de marketing et de propagande, ils aboutissent aussi à l’abrutissement des masses ce qui n’est jamais de bon augure. Mais ce ne sont que des outils et, pour rester optimistes, il suffit de les utiliser autrement pour rendre leurs effets plus positifs. En attendant, un simple abonnement à un journal en ligne qui vaut 10 EUR/mois permettrait d’asséner moins d’inepties dans les dîners en ville.
Installé dans son TGV Inouï, le voyageur recherche tranquillement le Wi-Fi de la SNCF pour y connecter son téléphone mobile. Du coup les identifiants de téléphones des passagers dont le Wi-Fi est activé apparaissent sur son écran. Le plus souvent anonymes, l’un d’eux est personnalisé de façon un peu voyante : « Si tu votes RN t’es un GROS NAZE » affiche cet identifiant. Le voyageur cherche des yeux si les députés Sébastien Delogu ou Thomas Portes seraient dans le wagon. Mais non, il doit s’agir seulement de l’un de leurs admirateurs.
En Géorgie (4 millions d’habitants) ce week-end les électeurs ont donné une majorité de 53% au parti prorusse Rêve géorgien laissant un peu dépités les minoritaires plutôt proeuropéens.
En Moldavie (3 millions d’habitants) le week-end dernier, un référendum sur l’Union européenne (UE) a abouti à une courte majorité en faveur de l’adhésion de 50,43%.
Dans les deux pays la tradition démocratique est assez récente et on peut facilement imaginer que le processus électoral n’a pas été d’une parfaite objectivité. L’influence russe est aussi évidente, en Géorgie comme en Moldavie qui toutes deux, non seulement partagent une frontière avec la Russie mais ont une partie de leur territoire occupé par la Russie. Ces deux pays firent partie de l’Union soviétique et Moscou voit d’un mauvais œil leur éventuel rapprochement avec l’UE. C’est pour rappeler fermement sa position que Moscou a déployé son armée dans deux provinces de Géorgie par suite de la guerre éclair de 2008 et n’a jamais lâché son occupation de la Transnistrie depuis son intervention militaire dans cette partie de la Moldavie en 1992.
Comme l’Ukraine, ces deux ex-Républiques soviétiques restent tiraillées entre l’Est et l’Ouest. Même si ces élections ont sans doute été entachées de fraude celle-ci n’a certainement pas fondamentalement changé le fait que les populations sont sérieusement divisées sur le sujet et quelle que soit l’orientation qui sera prise par ces pays elle montera la moitié de la population contre l’autre.
L’UE peut aussi se poser légitimement la question de son intérêt à intégrer un jour ces pays comme le souhaite une partie de leurs peuples. Mis à part une espèce de victoire « morale » sur la Russie qui a succédé à l’ennemi soviétique, l’adhésion de la Moldavie et de la Géorgie est une mine de difficultés (et de coûts substantiels) à venir. Faire adhérer des pays occupés par une armée étrangère est déjà arrivé avec l’intégration en 2003 de Chypre occupée par la Turquie. Est-ce une raison pour renouveler l’erreur qui est d’ailleurs en contradiction avec les règles de l’Union qui requièrent des « institutions stables » avant l’adhésion ? Difficile de plaider la stabilité quand des pays sont occupés par la Russie. Au-delà, les intérêts européens commerciaux, industriels ou financiers que rapporteraient leur adhésion sont difficiles à identifier.
Malgré tout l’UE, plus diplomatique que pragmatique, ne sait pas dire non et dès qu’un pays fait mine de se diriger vers elle, bonne mère, elle lui ouvre les bras et ses poches, négligeant ses propres intérêts le cas échéant. Et c’est ainsi que l’UE a attribué le statut de candidat à la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Serbie, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine avant donc de l’octroyer récemment à l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie. Il suffit d’imaginer demain la table du conseil européen avec les 27 pays actuels plus les 8 candidats pour avoir au mieux, une vision d’un blocage institutionnel total, et, au pire, une idée de l’enfer politique sur terre.
Il est sans doute trop tard pour inverser le mouvement avec l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie à qui le statut de candidat a été accordé en 2023 et, pour les deux premiers, avec qui les négociations ont officiellement démarré le 25 juin dernier. Mais pour les quatre autres (dont la Serbie prorusse, ennemie affichée de la Croatie, sans parler du Kosovo qui n’est pas encore candidat) il n’est pas sûr que leur désir d’adhésion soit tellement partagé par les populations locales et, même s’il l’était, faut-il quand même envisager les négociations ? Celles-ci ne sont pas forcé d’aboutir favorablement, le cas de la Turquie est là pour le confirmer, mais généralement, une fois engagées elles débouchent quasi mécaniquement sur l’adhésion. Pour Chypre par exemple où une « ligne rouge » de la résolution de conflit avec la Turquie avait été posée par l’UE, cette réserve de bon sens a finalement été balayée devant la faiblesse des diplomates. La Grèce qui avait bien évidement annoncé son veto a finalement été poussée à le lever et Chypre est entrée dans l’UE en 2003 avec… la moitié de son territoire occupé par la Turquie qui a créé la République turque de Chypre du Nord (RTCN). Vous remplacez Turquie par Russie et vous avez une situation très similaire avec la Géorgie et la Moldavie. Il est à craindre que les choses se terminent de la même façon, c’est-à-dire de manière défavorable aux intérêts de l’Union européenne.
L’importation du chaos au sein de l’UE est une première victoire pour la Russie. Même si sa conquête de l’Ukraine est poussive et ne concernera probablement que le Dombass, l’adhésion de l’Ukraine résiduelle sera néfaste pour l’Europe ce dont ne pourra que se réjouir le « Sud global ». Compte tenu de la guerre en cours entre Russie et Ukraine on voit mal comment les pays-membres actuels pourraient s’opposer à l’adhésion. Les obstacles structurels qui ne manqueront pas de se présenter seront probablement balayés pour des « raisons politiques ».
L’article 88.5 de la constitution française stipule :
Tout projet de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion d’un État à l’Union européenne est soumis au référendum par le Président de la République.
Toutefois, par le vote d’une motion adoptée en termes identiques par chaque assemblée à la majorité des trois cinquièmes, le Parlement peut autoriser l’adoption du projet de loi selon la procédure prévue au troisième alinéa de l’article 89.
[cet article n’est pas applicable aux adhésions faisant suite à une conférence intergouvernementale dont la convocation a été décidée par le Conseil européen avant le 1er juillet 2004]
Le moment venu, et si cet article n’est pas modifié d’ici là, le peuple, par référendum, ou le parlement, à la majorité des trois-cinquièmes, devront valider une éventuelle adhésion de l’Ukraine, comme celles de tous les autres candidats. L’UE imposant pour le moment l’unanimité pour approuver l’adhésion, en théorie le peuple français, ou ses représentants, pourraient s’y opposer.
Il sera intéressant de voir comment ces adhésions seront soumises à l’article 88.5 et les réponses qui seront apportées à ces projets d’adhésion !
Avec une mauvaise foi qui force l’admiration et une langue de bois en chêne massif les dirigeants et élus français se chamaillent comme des chiffonniers sur le sujet pourtant sérieux des finances publiques du pays qui filent un mauvais coton. Le budget de la France est déficitaire depuis 1974, la conséquence logique est un accroissement de la dette publique qui pèse sur les générations futures puisque pour financer ces déficits structurels il a bien fallu trouver des sous. L’exercice commence à trouver ses limites et Paris se retrouve une nouvelle fois dans l’obligation de réduire le déficit de ses finances publiques qui devraient atteindre 6,1% du produit intérieur brut (PIB) cette année, avec l’objectif de le ramener à 5% en 2025, objectif qui restera très probablement hors de portée. C’est la énième crise financière que rencontre le pays qui n’a pas voulu remettre en cause les modes de fonctionnement de l’Etat depuis l’instauration de la Ve République en 1958. Comme à chaque fois les prêteurs, nationaux et étrangers, ont continué à prêter à l’Etat pour financer ses gabegies celui-ci a été fort peu incité à revoir la tendance permanente à la croissance des dépenses publiques et, surtout, de l’utilité et de l’efficacité de celles-ci. Nous sommes en France, la capacité d’anticipation et la volonté de réforme ne sont pas les premières qualités du pays, alors il faut attendre d’être au pied du mur pour réagir et cela se fait donc toujours dans la douleur.
Le projet de loi de finance (PLF) 2025 qui vient d’être remis à l’assemblée nationale par le gouvernement montre que si rien n’est fait le déficit monterait à 6,9% du PIB en 2025 du fait de sa simple inertie.
On est donc loin de l’austérité ou de la rigueur comme le vocifèrent à peu près toute la classe politique, de la droite à la gauche, ainsi que les syndicats bien entendu, les économistes d’obédience marxiste, Mme. Michu dans les radios-trottoirs d’une presse avide de sensationnel et très peu tournée vers les chiffres, et jusque dans les dîners en ville où les convives s’inquiètent de voir augmenter leurs impôts ou baisser les avantages de leurs niches fiscales et où l’intérêt général est un devenu un concept à peu près incompréhensible de tous.
Mds EUR
En réalité, en 2025 les dépenses seront encore supérieures d’environ 130 à 140 milliards d’euros aux recettes. On a vu plus contraignant en matière de rigueur ! Sur un montant de dépenses de 490 Mds, le déficit « réduit » de 2025 représente tout de même 28% du montant de ces dépenses, ce qui veut dire que sur 100 EUR de dépenses l’Etat n’en collectera sur les contribuables que 72 et devra donc emprunter les 28 restants pour financer son fonctionnement.
Toute le monde s’accorde à peu près sur la réalité des chiffres. Chacun admet la nécessité de faire des économies mais chez les autres, justifiant par toutes sortes d’arguties que ce n’est pas possible dans son pré-carré. Les partis politiques assènent leurs recettes habituelles : à gauche on propose plutôt d’augmenter les impôts (« taxer les riches et les surprofits »), à droite on veut réduire les dépenses (sans y arriver) et au centre on fait un peu des deux. Des ministres de rencontre se répandent dans les médias pour menacer de démissionner si les budgets de leurs ministères baissent. Les tribunes se succèdent dans les journaux pour expliquer pourquoi il est inconcevable de baisser les crédits publics pour la recherche, pour la transition écologique, l’éducation, la santé et pour toutes sortes de sujets, qu’il ne faut pas avoir une « vision comptable » de la situation, et bla-bla-bla et bla-bla-bla. C’est l’habituel déchaînement des addicts à la dépense publique qui autojustifient les dérives ayant mené à la situation actuelle. Tous se retrouvent bien entendu pour accuser le président et ses gouvernements successifs de mauvaise gestion. En fait, les bénéficiaires de toutes ces dépenses in fine sont les citoyens eux-mêmes, nous tous, mais c’est l’ordonnateur des dépenses qui est cloué au pilori. Il ne faut pas culpabiliser « nos citoyens les plus fragiles »…
Il serait souhaitable d’appliquer une méthode assez classique en entreprise, celle du « BBZ » (budget base zéro) qui consiste non pas à établir un budget à partir de celui-ci de l’année précédente en faisant varier les lignes pour l’année nouvelle, mais repartir d’une feuille blanche où toutes les lignes sont remises à 0 pour se poser la question de celles qu’il convient de supprimer, celles qu’il faudrait éventuellement ajouter et, pour toutes, le niveau de dépenses nécessaire pour atteindre les objectifs fixés. C’est assez radical mais hors de portée de nos élus pour le moment. Espérons que la France n’aura pas à affronter une situation de faillite comme celle de la Grèce en 2008 à qui les marchés financiers ont arrêté de prêter compte tenu du risque de non-remboursement. Les autres pays européens, donc leurs contribuables, s’étaient alors substitués aux marchés en échange d’un programme drastique d’assainissement de ses finances publiques imposé à Athènes, dans l’urgence, et la difficulté. La survie de la monnaie commune euro était en jeu.
Bien sûr la baisse des dépenses publiques, ou en tout cas le freinage de leur tendance à la hausse, et l’augmentation des impôts auront un effet récessif sur l’économie du pays et douloureux sur le train de vie des citoyens. L’argent dépensé en moins ne va donc pas se retrouver dans certaines poches de privés ou d’entreprises. Il sera donc soustrait à l’économie. Comme de bien entendu et par construction les moins favorisés souffriront plus que les riches, c’est du bon sens qui ne peut justifier la poursuite de la gabegie. Cette nouvelle crise devrait rendre incontournable un plan de redressement. Peut-être, comme lors des précédentes crises, la France s’en sortira par des demi-mesures, peut-être pas…
Aujourd’hui les simples intérêts payés aux prêteurs tangentent les 55 Mds annuels. C’est plus que le budget de la défense (50,5 dans le PLF 2025), à peine inférieur à celui de l’enseignement scolaire (64,5) et largement supérieur à celui de la recherche et de l’enseignement supérieur (31,1). Cette charge de la dette a vocation à continuer d’augmenter avec le niveau de la dette et celui des taux d’intérêt. Elle risque de devenir sous peu la première ligne budgétaire des finances publiques françaises.
Mds EUR
Ainsi va la France depuis des décennies, refusant d’affronter la réalité « comptable » en espérant qu’une nouvelle fois elle passera à travers les gouttes de la mauvaise gestion publique en appliquant quelques cautères sur les jambes de bois de ses comptes. Ça peut marcher… ou pas !
Vous avez aimé le PLF 2025 de 490 Mds ? Vous allez adorer le PLFSS 2025 (PLF de la sécurité sociale – assurance maladie, vieillesse [les retraites], accidents et maladies du travail, famille, autonomie et solidarité vieillesse) de 660 Mds dont la discussion démarre lundi 28 octobre à l’assemblée nationale !
Le conseil des ministres malien a décidé d’une série de promotions de cinq galonnés, à commencer par le colonel Goïta, chef de l’Etat malien arrivé au pouvoir en 2021 via deux coups d’état militaires en 2021, nommé général d’armée sans passer par les grades intermédiaires.