Une grande vague de rock et de tendresse a submergé le Zénith ce soir avec Louise Attaque qui y clôturait une série de deux concerts. Le groupe français recordman du disque rock le plus vendu dans l’hexagone avec 2,5 millions de leur premier opus en 1997, s’est reformé en 2005 pour un nouvel album, A Plus Tard Crocodile, dans la veine des deux précédents.
Adepte des Violent Femmes dont Gordon Gano a produit le deuxième disque, les Louise… se sont tournés cette fois-ci vers Mark Plati, guitariste/ingénieur/producteur que l’on a vu sur scène à plusieurs reprises avec Bowie, pour la coproduction du Crocodile qui les a emmenés à New York pour une partie de l’enregistrement.
Ils nous livrent ce soir un concert plein de bonheur, mené tambour battant par un quatuor régénéré et mature, toujours à l’écart des chemins trop fréquentés mais sachant déclencher l’enthousiasme de salles bondées. Ils affichent une originalité jamais démentie sous la bannière du rock pur, juste atténué par la douceur des textes. Une poésie au fil de l’eau, sorte d’écriture automatique appliquée aux choses de la vie, où il est bien sûr question d’amour et de doutes, sujets tellement propices au jeu des mots manié avec habileté par Gaëtan Roussel, l’âme des Louise :
J’vis toujours des soirées parisiennes J’voudrais vivre des soirées belles à Sienne et vivre au vent A feu A cent M’ouvrir au sang Tu mens…
Et nous voyons ce soir un formidable groupe de scène, sans décorum excessif, juste le son des guitares enluminées par le violon aérien d’Arnaud Samuel, et une incroyable énergie déployée pour leur musique. Les chansons sont toutes jouées en version allongée, prolongeant d’autant notre félicité. Ils ne savent plus s’arrêter ! A minuit nous y étions encore, leurs potes de Dionysos et des Wampas étaient montés sur scène pour la gig des copains, et tout ce petit monde, épuisé, revenait pour un énième rappel.
La princesse naïve aux grands yeux doux qui illustre leurs albums nous tire sa révérence, laissant partir ses princes charmants courir les festivals musicaux de l’été qui s’annoncent Très Louise…
Concert intimiste de Perry Blake à Paris : cet artiste inclassable nous y déroule ses dernières compositions échappées d’un monde dont il nous entrouvre régulièrement les portes le temps d’un CD. Très attaché et inspiré par la culture française, on lui connaît des collaborations régulières avec Françoise Hardy ou Emilie Simon, c’est donc au Café de la Danse, place oh combien parisienne qu’il nous dévoile son dernier disque The Crying Room. Habillé d’un costume de velours coupé années 30, il est assis au milieu d’un groupe de musiciens français jazzy qui collent complètement à sa musique.
Blake, délaissé par son label, a enregistré son dernier album dans sa maison irlandaise au milieu de nulle part. Une solitude insulaire qui transparaît dans ses notes et son attitude sur scène. On le croirait juste sorti de ses vallées vertes battues par les grands vents marins et peuplées de moutons errants. La musique inspirée par un tel environnement est pleine d’une puissance contenue, la voix émouvante de son compositeur est évidemment follement romantique. Un show basé sur le plaisir musical qui transcende la mélancolie naturelle qui exsude de tempi lents et harmonieux. Et d’ailleurs les musiciens s’amusent en se serrant autour de Blake pour l’emmener dévoiler son âme au-delà de ce qu’il aurait probablement envisagé. Clavier et guitares, percussions jazzy, entourent parfaitement ce musicien délicat et subtil dont les notes perlent comme des gouttes de rosée argentées où se reflètent nos joies et nos tourments. Dieu merci ces créateurs marginaux peuvent-ils encore nous bercer de leurs mélopées autoproduites malgré l’abandon dont ils font l’objet de la part de l’industrie du disque. Une reprise de Georges Harisson termine ce concert avant que Blake ne se retire sur la pointe des pieds.
What did you find in my past life?/ What you’ll find if you come is forgiveness/ What you’ll find if you come is you’re forgiven
Concert complet (depuis longtemps) à l’Olympia ce soir où Morrissey vient présenter son dernier disque : Ringleader of the Tormentors. L’icône du rock indépendant continue un parcours de grâce musicale dont les étapes sont ponctuées de productions éclairées par ses déambulations à travers la planète, Londres, Manchester, Los-Angeles, Rome depuis un an et l’Irlande, toujours, dont le sang irrigue le terreau si fertile de sa nostalgie pérégrine. En France, il ne fait que passer, mais nous le savons tous, bien sûr cet artiste romantique viendra un jour tremper son inspiration sur les bords de Seine et rejoindre la mémoire de tous les poètes qui s’y sont brûlé les ailes. Morrissey, Paris t’attend, la ville lumière est à toi, et ce soir n’est qu’un avant-goût !
Smoking noir et chemise rose cintrée, Morrissey apparaît, cheveux grisonnants, un pack de musiciens collés à ses notes. Le show démarre sur First of the Gang et s’emballe sur You Have Killed Me puis The Youngest Was The Most Loved : guitares cinglantes, voix cajoleuse qui décroche harmonieusement dans les aigus, claviers nuageux, rythmique majestueuse. Le son est marqué de la patte de Tony Visconti, le producteur sorcier (T-Rex, Bowie, The Stranglers, Rita Mitsouko, et même Marc Lavoine…) de Ringleader…, à la fois foisonnant et ordonné, emphatique et subtil. Tout ce petit monde affiche la nonchalance qui sied aux grands professionnels traînant derrière eux des décennies de route et de composition, l’unité profonde d’un groupe qui a joué les histoires et les humeurs de Morrissey sur toutes les scènes de la planète Rock. Cette apparente facilité laisse l’artiste exprimer librement sa nouvelle félicité romaine déversant sur un public conquis un torrent furieux et pur de romantique élégance.
Sur la pochette du dernier disque on découvre Morrissey en maestro du violon estampillé Deutsche Gramophone, puis en dandy négligemment appuyé sur un scooter dans une rue romaine taguée. Ce sont les images du retour à l’Europe si délicieusement illustré par sa nouvelle inspiration musicale où se mêlent Rome et Pasolini, des harmonies modernes et éternelles, bref du Morrissey enthousiaste qui n’abandonne pas sa marque de fabrique d’une vision amer de la vie, transcendée par la musique comme guide salvateur.
Le show se déroule avec naturel, quelques retours sur les Smiths et sur You Are the Quarry, l’opus américain du retour vers la gloire :
Irish blodd English heart That’s I’m made of There is no one on earth I’m afraid of And I will die With both my hands untied
puis le superbe Let Me Kiss You. Une surprise avec la reprise de A Song From Under The Floor Boards de HowardDevoto que Morrissey présente comme écrite avant sa naissance ! Il ne faut tout de même rien exagérer jeune homme, nous nous souvenons d’un concert mémorable de Magazine au Palace en 1980 année où cette chanson a été créée.
Le concert touche au sublime lorsque démarre la basse hypnotique de Life is a Pigsty (La vie est une porcherie) qui nous ramène aux ambiances sombres d’antan :
Life is a pigsty Life is a pigsty … Can you please stop the time? Can you stop the pain? I feel too cold Can you stop this pain Even now in the final hour of my life I’m falling in love again Again/ Again…
Un trop court rappel sur Last Night I Dreamt That Somebody Loved Me et notre funambule repart pour l’Irlande, prochaine étape de son tour.
Ce soir s’est exprimée la quintessence de ce qu’un artiste intemporel est capable de produire lorsque son âme enfin tend à l’apaisement, désertant la noirceur des Smiths au profit à la sérénité d’un créateur abouti ! On retrouve du Bryan Ferry dans cette évolution personnelle vers toujours plus d’harmonie, le sourire en moins. Les frissons courent sur la peau des spectateurs comme coule la fontaine pure et débordante de cette musique portée par la voix sublime d’émotion de Morrissey dont les créations délicates nous tourneboulent délicieusement dans la joie de partager ces mélodies si pleines de finesse.
Set list
First Of The Gang To Die / Still Ill / You Have Killed Me / The Youngest Was The Most Loved / Reader Meet Author / Let Me Kiss You / My Life Is A Succession Of People Saying Goodbye / Girlfriend In A Coma / I Will See You In Far-off Places / To Me You Are A Work Of Art / Life Is A Pigsty / Trouble Loves Me / How Soon Is Now? / Irish Blood, English Heart / A Song From Under The Floor Boards / I Just Want To See The Boy Happy / At Last I Am Born // Last Night I Dreamt That Somebody Loved Me
Sortie : , Chez : . Les histoires d’espionnage post guerre froide où la CIA ruine la Russie en s’appuyant sur les Tchétchènes, liquide ses propres agents empêtrés dans les personnages successifs, les légendes, que leur forge le service action pour les couvrir. La psychologie se mêle au terrorisme, la manipulation s’ajoute à la folie du pouvoir, la vie humaine n’a plus de sens face aux intérêts supérieurs des Etats et la gestion de l’avenir de la planète. Cela fait froid dans le dos, mais il reste l’espoir que tout ceci ne soit que roman !
Les Simple Minds sont à l’Olympia ce soir. Ces musiciens écossais ont bâti leur succès européen des années 80/90 en mixant un progressisme flamboyant avec un rock pur et des textes inspirés. Loin d’être aussi simples d’esprit que ne l’indique leur nom soufflé par le Jean Genie de David Bowie (« He’s so simple minded he can’t drive his module/ He bites on the neon and sleeps in a capsule/ Loves to be loved, loves to be loved/ The Jean Genie lives on his back »), ils ont mené une carrière à succès à une époque où l’harmonie et la composition faisaient jeu égal avec le rythme dans le cœur des spectateurs et des critiques. Et l’on se souvient des ritournelles élégamment ciselées qui ont déboulé sur les platines des disc-jockeys des boîtes de nuit des étés de la fin des 80s : Don’t You Forget About Me, New Gold Dream, Love Song… servies jusqu’à plus soif sur fond de clips vidéo superbes où se mêlaient les grand espaces de l’Ecosse et la gestuelle si particulière de Jim Kerr. C’était rafraîchissant comme une vodka-orange dans la chaleur d’une nuit tropicale, vertigineux comme la pleine lune illuminant un ciel d’encre. Et l’on en a abusé au hasard des passages dans les festivals où nos musiciens ont joué leur musique dans les arènes romaines du sud de la France, mêlant l’histoire de ces lieux avec la modernité de leur démarche, dévorés par ce plaisir musical qui tendait à la magie. A l’époque, l’inoubliable choriste Robin Clark partageait leurs tournées ajoutant ses vocalises à l’incroyable amplitude de la voix de Kerr.
Nous sommes quelques temps plus tard, le dernier succès remonte à une dizaine d’années, c’était en 1995 avec Good News From the Next World. Depuis, à défaut des chroniques rock, Jimmy a fait la une des journaux en divorçant de Chrissie Hynde (The Pretenders) avec laquelle il formait le couple musical le plus glamour qui soit, pour épouser Patsy Kensit, une blondasse hollywoodienne que tous les fans ont immédiatement et définitivement détestée pour avoir détourné l’ange écossais de son égérie rock. La harpie l’a d’ailleurs rapidement zappé pour poursuivre son entreprise de séduction de tous les rockers de la place de Londres, tâche dans laquelle elle rencontra d’ailleurs un franc succès.
Et nous sommes encore là ce soir pour un passage de Simples Minds à Paris, les tripes nouées par l’émotion en attendant l’entrée en scène de nos funambules inspirées. Ils démarrent sur Stay Visible et enchaînent avec Home, au milieu duquel… la sono explose. Les temps ne sont plus ce qu’ils étaient ! Mais après quelques bricolages tout revient dans l’ordre et le groupe nous replonge dans un passé fulgurant, entrecoupé de ses dernières créations, avec Hypnotised, Someone-Somewhere-in-Summertime, New Gold Dream, Book of Brilliant Things, Waterfront, Don’t you Forget About Me, Big Sleep, Alive and Kicking, A Life Shot In Black And White, Kiss The Ground et d’autres.
La formation est dépouillée comme le décor. Les historiques : Jimmy, Charlie Burchill aux guitares et Mel Gaynor à la batterie sont accompagnés pour la circonstance d’un bassiste et d’un clavier. Jim Kerr déploie toujours une présence charismatique même si la voix est un peu moins posée, les aigus plus difficiles à atteindre, mais la joie de cette musique si généreuse est toujours là. Il a besoin de se rassurer et demande un peu trop souvent au public s’il va bien avec un accès écossais épais comme le brouillard d’un matin d’hiver sur les Highlands. Charlie Burchill reste un fidèle maestro, accroché aux manches de ses guitares surlignant à loisir la voix de son partenaire par un foisonnement de notes irréelles et éthérées. Et le public vibre à l’unisson à chacun des rappels de ce brillant passé :
Somewhere there is some place, that one million eyes can’t see/ And somewhere there is someone, who can see what I can see/ Someone, Somewhere In Summertime !
Le show se termine sur Dolphins, une ode à la planète Terre et les habitants magiques de ses océans : Dolphins look around/ And then the dolphins drag me down/ And when it looks though the world just in/ Dolphins drag me down/ Drag me down, qui clôt également leur dernier disque Black And White et dont le clip vidéo est une succession de vues prises de la navette spatiale : une grande beauté, beaucoup d’innocence et de sombre pureté. Alors que les dernières nappes de claviers achèvent de se retirer tel l’océan qui reflue sur l’infini, les lutins tirent leur révérence sur un « You’re a wonderful audience », ce qui est la plus pure vérité car nous sommes en plus un vrai public de fidèles, pour toujours et à jamais.
Deux rappels enflammés achèvent une bonne soirée musicale nostalgia qui manqua un peu de l’émerveillement qui fut le nôtre il y a vingt ans devant l’inspiration de Once Upon A Time.
Les histoires sinueuses de personnalités qui s’épient et se pourchassent, se fuient et se croisent, écrivent et se cachent. La complexité des histoires se mêle à la souplesse narrative d’un écrivain qui se joue de son lecteur pour l’emmener où lui seul a décidé de le conduire : un dénouement haletant.
Black Celebration ce soir à Bercy, le Touring The Angels des Depeche Mode est à Paris pour trois soirées. The Bravery, groupe new-yorkais récemment découvert assure la première partie, reprenant quelques recettes du rock électronique popularisé par les héros de la soirée. La mise en bouche est plaisante.
A 21h30 le trio britannique entre en scène accompagné d’un clavier et d’un batteur de circonstance. Le décor plutôt clinquant est rétro-futuriste, on croirait la soucoupe volante déposant E.T. dans un champ devant un parterre d’humains craintifs et émerveillés. Les machines sont emballées dans des coques arrondies bardées de feux lançant des éclats au hasard des programmations. Une espèce de mini dirigeable, suspendu sur la gauche de la scène clignote aussi de mille feux en affichant des messages lumineux et divers signes cabalistiques. Martin Gore habillé de froufrous noirs est revêtu d’un couvre-chef passe-montagne en crête de coq, Dave Gahan est en veste grise sur jean sombre, les autres sont tout en noir, comme il se doit pour ce groupe qui a bâtit sa réputation sur l’obscur. Bienvenu sur la planète électronique des Depeche Mode, perdue dans la galaxie lointaine de nos rêves musicaux post-adolescents !
Les synthétiseurs déversent les premières dissonances de A Pain That I’m Used To qui introduit également leur dernier disque Playing The Angel, les 12 000 spectateurs de Bercy sont déjà debout. Ils ne se rassoiront plus avant le retour à la maison ! La voix grave de Gahan, si merveilleusement bien placée, déverse ses sombres litanies sur fond de rythmes assourdissants mais subtils : I’m not sure – What I’m looking for anymore – I just know – That I’m harder to console – I don’t see who I’m trying to be – Instead of me – But the key – Is a question of control ! Après John Revelator un flashback avec A question of Time, Policy of Truth et Walking in my Shoes. Gahan, christique et exhibitionniste est déjà torse nu, affichant ses tatouages sur un corps d’athlète, il arpente la scène de long en large tel un lion en cage, maniant son pied de micro comme une baguette de magicien. Les boîtes à rythmes sont lâchées, les nappes de claviers en mode mineur inondent et noient la foule dans une vague synthétique. Impassibles derrière leurs instruments, le reste de la bande assure la mise en musique du mythe Gahan, déclenchant à nouveau la curieuse alchimie qui fait le succès mondial de ce groupe depuis 25 ans. Ils s’y mêlent des mélopées éternelles d’une incroyable simplicité et des paroles noires sur une folie entêtante de rythmes électroniques.
Retour sur les dernières compositions avec Suffer Well , The Sinner in Me et le très beau I Want It All créé par Gahan et publié sur le disque après un compromis artistique négocié avec Gore, compositeur exclusif du groupe : Sometimes I try – Sometimes I lie with you – Sometimes I cry – Sometimes I die it’s true – Somewhere I’ll find something that’s kind in you, l’audience se repose.
Un système vidéo très sophistiqué projette les vues du show sur l’écran qui couvre le fond de la scène. Celui-ci se divise parfois en plusieurs petits écrans virtuels alignés qui se décalent tels les morceaux brisés d’un miroir, rendant à la foule les images décalées du groupe. Régulièrement, les caméras filmant leurs propres vues rendues sur l’écran, reproduisent à l’infini les musiciens sur écran cathodique, imprimant les rétines de la répétitivité, marque de fabrique de cette musique industrielle.
Balayant l’ensemble de leurs hits, les Depeche Mode poursuivent avec Behind the Wheels, World in my Eyes, Personnal Jesus et terminent sur Enjoy the Silence. Les 12 000 spectateurs reprennent en cœur toutes les chansons sans exception démontrant un enthousiasme d’une intensité exceptionnelle qui atténue le coté lugubre de la musique : Your own personnal Jesus – Someone to hear your prayers – … – Reach out and touch faith.
Marin Gore est l’auteur de ces compositions qui ont marqué à jamais nos mémoires musicales. Il reste dans son coin, jouant de la guitare avec deux doigts, toujours habillé de façon excentrique. Il est le véritable officiant de ces messes que jouent les Depeche Mode. Il en est l’âme damnée qui tire les ficelles et qui crée les ambiances. Il est la clé du mystère du succès planétaire de ces ritournelles imprimées dans l’imaginaire de tous les quadras. Il est un compositeur d’exception !
Deux rappels nous déroulent Just Can’t Get Enough et Never Let Me Down. Et c’est encore un émouvant retour sur ces mélodies si marquantes. Bercy, épuisé, en nage, reprend à l’infini : I’m taking a ride – With my best friend – We’re flying high – We’re watching the world pass us by – … – Never let me down – See the stars, there shinning bright – Everything’s alright tonight ! On ne peut mieux dire.
Clap Your Hands Say Yeah débarquent de Brooklyn au Trabendo précédé, comme les Artic Monkeys de leur réputation de groupe Internet. C’est en effet sur le réseau mondial qu’ils ont gagné leurs lettres de noblesse.
Une plaisante première partie ouvre le bal, assurée par Dr. Dog un groupe de doux dingues chaussés de bonnets de laine et de lunettes noires qui nous joue un rock allumé et dynamique. Les Clap… s’installent ensuite emmenés par Alec Ounsworth, guitare, chant et compositions, à la tête d’une bande d’étudiants déjantés qui s’amusent comme des fous. Alec a la voix aigüe et nasillarde mais une inspiration qui transpire chacun de ses riffs. Il est accompagné d’une rythmique bass/batterie et d’un duo qui s’échangent les guitares et trifouillent des claviers.
On retrouve un peu de l’originalité des Talking Heads dans les cassures de rythmes, les mélodies entêtantes et l’unité des musiciens. Plus incisifs sur scène que sur leur unique disque, ils poussent à la danse. La musique est urbaine mais positive, toujours dominée par la voix plaintive et légèrement forcée de son créateur. C’est le fruit du travail palpitant d’une joyeuse bande qui s’amuse sur scène, casse les cordes des guitares et fait preuve d’un professionnalisme dénotant déjà de longues heures communes de musique. Et c’est là leur grande qualité, derrière une allure de famille de chiffonniers une grande cohérence qui diffuse le bonheur d’écouter un groupe original confirmant si besoin en était que la scène rock est toujours vivace.
Sortie : , Chez : . Le récit de l’incroyable combat de boxe entre Muhammad Ali et George Foreman, organisé en 1974 à Kinshasa. Sur fond de grand guignol zaïrois, de réminiscence des Black Panthers et du show qui sied à la boxe, le grand écrivain américain, passionné par ce sport, nous narre avec brio l’ambiance de ce math du siècle, délocalisé sur la terre des ancêtres de ces deux guerriers d’anthologie.
Sortie : , Chez : . Quelle foisonnante imagination inspire Boyd ! C’est à chaque roman un grand plaisir de l’âme de découvrir ce que les neurones d’un écrivain d’exception arrivent à produire d’original, de comique, d’émouvant, de délirant, d’achevé. Boyd s’en donne ici à cœur joie en nous narrant les aventures d’un originaire des cotes de la Mer Noire, exilé à Londres, recyclé dans l’expertise en sinistres d’assurance et en proie à des troubles du sommeil. Les bases sont posées pour ouvrir la voies à toutes les incursions inimaginables dans la soif d’amour, le machavélisme de l’Homme, le besoin de certitudes, les effets du hasard…
Sortie : , Chez : . Un magnifique roman rédigé sous forme du journal d’un passager du XX° siècle qui au hasard de sa vie fut journaliste, espion durant la 2ème guerre mondiale, galeriste d’art, père indigne, amoureux fou, amant foudroyé et vieillard noble. Il a fréquenté les intellectuels du siècle, d’Hemingway à Pollock, les révolutionnaires de l’Espagne de 36 à la Fraction Armée Rouge. Il a vécu au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, au Nigéria et en France. Et puis il a vieilli et son naufrage doux et tragique jusqu’à la mort est narré avec beaucoup d’émotion lorsque, le dernier à partir, il fait le décompte des chances et malchances qui ont émaillé sa vie. Quand meurt son chien, le seul être avec lequel il échangeait encore de l’amour, on sent avec Logan Mountstuart que c’est la fin. Il mourra en solitaire, triste et fier.
Un grand bol d’air frais ce soir à La Maroquinerie avec The Film. Une immense et excellente nouveauté de la scène rock française. Pour mettre l’ambiance, les Second Sex assurent la première partie : un groupe de gamins de 16 ans, look Beatles beaux quartiers et musique punk jouée comme s’ils avaient fait ça toute leur vie.
Après des années de home studio et de bidouillage électronique, Benjamin Lebeau bass et chant et Guillaume Brière guitare et chant, déboulent sur scène pour jouer un rock pur et réjouissant, accompagnés d’un batteur et d’un saxophoniste. Benjamin a le teint pâle et de grosses lunettes noires, vêtu d’une redingote noire en sky brillant, avec un petit air de Lou Reed sur Transformer. Guillaume se cache derrière une paire de Ray Ban style US Air Force dans le Pacifique. Le sax aurait pu être l’un Blues brothers et le batteur en chemise blanche fait premier communiant au milieu de cette nuée ardente.
Le ton est donné dès les premières notes : rock, rock, rock ! Et c’est la divine surprise : les titres se bousculent, les rythmes se percutent, les musiciens se relancent, la tension ne se relâche pas une seconde. Lebeau joue de la basse comme le semeur jetant au loin les graines de la fureur. Leurs voix mêlées accomplissent des miracles, des graves bowiens aux aigues démesurés, en passant par des stridences vocodées. Brière parcourre la scène étroite triturant sa guitare déclanchant une folie positive de riffs hallucinés. On est sur la lame du rasoir de la perte de contrôle. Le professionnalisme de notre équipe est époustouflant. Le jeu de scène est naturel et tellement évident.
Les notes de sax et parfois quelques ritournelles aux claviers, ajoutées aux traitement électroniques basiques mais opportuns, donnent une coloration new wave type Stranglers. On retrouve l’énergie primale des Clash d’hier et des Strokes d’aujourd’hui. Mais au final The Film est plus que ces influences. Ce duo de guitaristes a su développer une véritable personnalité musicale et visuelle pour ce groupe amené à nous surprendre encore.
L’assistance en transe n’en croit pas ses yeux et ses oreilles. Les nouveautés jouées ce soir déclenchent une formidable envie de précipiter la sortie du deuxième disque de ce groupe original et créatif. Le concert se termine après deux rappels.
Sortie : , Chez : . Les aventures extraordinaires de deux couples qui se mélangent, qui se provoquent, qui s’aiment et s’échangent, pour finalement exploser, comme il se doit. Raconté avec la verve naïve d’Irving on y retrouve nombre de nos phantasmes sexualo-sentimentaux. C’est drôle et nature. Les personnages et les situations sont irrésistibles.
Sortie : , Chez : . Le parcours intéressant de ce trublion de la gauche française, depuis le PSU révolutionnaire jusqu’aux ors du pouvoir républicain, de la tentation de la violence jusqu’au retour au bercail du parti socialiste. Il dresse un portrait décapant de l’intelligentsia française de gauche qui a rendu impossible l’émergence d’un puissant parti social-démocrate, par aveuglement devant les contraintes de l’économie et par enracinement dans une idéologie marxiste indéboulonnable. Il revient sur ses réalisations , sans trop de modestie, et ses échecs, ni plus de regrets.
Le rock américain continue de défiler à Paris. Après Interpol,The Dandy Warhols et les Black Rebel Motorcycle Club, c’est au tour de The Warlocks qui nous présente la tendance musicale de Los Angeles.
Afin de cacher la misère d’un nombre restreint de spectateurs, un rideau noir coupe en deux la fosse de l’Elysée Montmartre. The Dead Combo, duo de guitaristes hallucinés + boîte à rythmes, et ASYL, un groupe punky de gamins de La Rochelle, assurent, plutôt bien, les première parties.
Et les Warlocks s’installent. Ils sont nombreux : deux batteurs, trois guitaristes et deux femmes à la basse et aux claviers. Bobby Hecksher aux yeux surlignés de noir, assure le leadership avec un air certain de Robert Smith. Des Cure il sera d’ailleurs question durant tout le concert tant la musique des californiens est baignée de l’ambiance étrange et sombre popularisées par les leaders de la cold wave des années 80. Accrochés à sa guitare, Hecksher déroule des riffs en boucle sur tonalité mineure, tandis que l’un de ses guitaristes joue des arabesques trafiquées. Il chante d’une voix étouffée et haut placée derrière la vitalité du son dégagée par sept instruments. Accrochés au psychédélisme et ses expériences lysergiques avec Timothy Leary, le groupe n’hésite pas à jouer des morceaux de plus de quinze minutes sur deux accords simplistes et lancinants. Mais il arrive aussi à faire danser son public sur les reprises de Phoenix et la maturité ravageuse de hits comme I shake the dope out ou Baby blue.
Un groupe méritant et parfois inspiré, une bonne idée pour un concert du vendredi soir !
Après avoir assuré la première partie de la tournée de David Bowie l’an passé, The Dandy Warhols sont de retour à Paris. Issus de la vague underground américaine qu’ils partagent avec les Brian Jonestown Massacre et autres Black Rebel Motorcycle Club, ils commencent à dépasser le succès d’estime qui était le leur et à vendre quelques disques. La récente sortie de l’excellent film-docu Dig sur leurs chemins de traverse d’une décennie avec les Brian Jonestown n’a fait que renforcer l’image créatrice post velvetienne de ce groupe de Portland. Au hasard des crédits de leurs disques on voit apparaître quelques pointures comme Tony Visconti, David Bowie ou Niles Rodgers.
Le concert de l’Elysée est complet depuis plusieurs semaines et notre quatuor fait un triomphe à son arrivée sur scène. Ils traînent leur allure de cow-boys tristes abonnés aux clubs enfumés sur les routes du monde rock. Courtney Taylor-Taylor est sur le devant de la scène accroché à sa guitare, accompagné d’un deuxième guitariste et d’un batteur, d’une percussionniste jouant la basse sur son clavier et d’un trompettiste intermittent.
Deux heures durant ils nous délivrent des riffs cinglants posés sur des mélodies entêtantes aux harmonies simples. C’est la musique de notre jungle urbaine, teintée du psychédélisme de la cote ouest. Ils ont compromis pour sortir de l’ornière des années dope mais le résultat est fulgurant et lorsque les tubes s’enchaînent il n’est plus besoin de s’interroger sur qui l’on a à faire : de vrais rockers usés sur le bitume des années et le bois des Fender.
Setlist : Godless, Bohemian Like You, Get Off, We Use To Be Friends, You Were The Last Hight… repris en choeur par une jeunesse à l’affût de certitudes : Cause I like you/ Yeah, I like you/ And I’m feelin so Bohemian like you/ Yeah, I like you/ Yeah, I like you/ And I feel wahoo, wooo.
Une grande vague d’énergie brute a déferlé ce soir sur la scène rock parisienne, The White Stripes étaient en ville pour une flamboyante démonstration de leur talent. Toujours marketés « Noir, Rouge et Blanc » Jack et Meg Ryan ont rempli le Zénith parisien de fans enthousiastes et fébriles.
La scène magnifiquement décorée d’évocations hawaïennes sur teinture murale est un caravansérail d’instruments peints aux couleurs du groupe. Les musiciens entrent, Jack tout de noir vêtu sous une cape et chapeau haut-de-forme, Meg en T-shirt blanc et pantalon de cuir noir. Le premier joue une guitare rouge vif, la seconde frappe sur ses caisses blanches et rouges comme si sa vie en dépendait.
Et c’est un déchaînement de notes grasses sur rythmes haletants. Le volume est manifestement réglé au maximum, les fréquences soufflent telles une bourrasque sur les spectateurs incrédules. La virtuosité de Jack est proprement époustouflante, sa maîtrise du manche lui permet de remplir à lui seul le dôme du Zénith d’un vortex de sons démesurés.
La performance musicale est encore plus passionnante avec des compositions qui réussissent une percutante alchimie entre Blues et Rock. On y retrouve tout ce qui a fait l’influence de la musique noire sur le Rock mondial, re-mixé à l’aune de l’inspiration de ce duo de choc. Blanchie sous le harnais de ce rock « gros bras », l’âme black nous est resservie de façon éclatante par un groupe sang mêlé à l’inclassable feeling. Dans ces partitions démesurées, on retrouve la fumée des havanitos sous les arcades de la Nouvelle Orléans, le soleil qui écrase les champs de coton, les cris des poulets sacrifiés dont le sang coule sur le bitume surchauffé du grand Sud, le grincement des auvents sous les colonnades de maisons dévastées par le temps, la désespérance des éléments sous des tropiques qui souvent sont tristes… mais toujours il y eut le Blues pour accompagner ce naufrage et justifier l’essentiel : l’inspiration musicale éternelle engendrée par cette brûlante souffrance.
Les White Stripes recyclent cet esprit mi-ange mi-diable et nous emmènent au bout d’un chemin d’illusions. La modernité, l’inventivité et la virtuosité des White produisent une musique exceptionnelle dans une atmosphère de rêve. Le résultat est stupéfiant et place ce groupe, déjà, au-delà de la légende !
John Cale, héraut du Rock’n’Roll alternatif nous présente une rétrospective de ses créations au Café de la Danse, entouré d’un groupe de gamins qui ont l’âge de ses enfants et jouent comme des dieux. Après l’immense prestation de Lou Reed à Paris en avril dernier, voilà réunis à six mois d’intervalles les deux piliers de l’âme du Velvet Underground, groupe new-yorkais qui il y a trente ans, avec seulement cinq disques, a si considérablement influencé le Rock moderne jusqu’à nos jours, et mon propre parcours musical depuis toujours.
Le show commence avec le seul rappel de ce passé glorieux, Venus in Furs, Cale à l’alto électrique relance cette stridence de cordes lancinantes : Shiny, shiny, shiny boots of leather/ I am tired, I am weary/ I could sleep for a thousand years/ A thousand dreams taht would awake me/ Different colors made of tears, un vent d’émotion souffle sur les spectateurs.
Et d’enchaîner ensuite sur un pêle-mêle de morceaux choisis au hasard des trente années d’une carrière solo post-Velvet sur des chemins de traverse qui l’ont vu endosser les costumes d’inventeur multi-instrumentiste, de producteur (The Stogges, Patti Smith pour Horses, The Modern Lovers, Nico), de collaborateur à des projets musicaux originaux (Brian Eno, Kevin Ayers, Lou Reed encore pour le Song for Drella en hommage à Andy Wahrol), de compositeur d’opéra (en souvenir de Nico, l’amour foudroyé dont il ne s’est jamais remis). Mais bien plus fondamentalement, Cale est un Musicien écorché qui surfe sur l’émotion des notes, des textes et des sons. Ce concert parisien en est la preuve perpétuée.
Dans cette salle conviviale, je suis debout aux pieds de Cale et détaille le jeu de guitare précis et torturé du vieux professionnel aux cheveux blancs. Ses mains courent sur le manche avec habilité et automatisme, ainsi qu’une certaine lassitude. Ces doigts ont joué sur tellement de cordes, remonté des arpèges sur tant de notes d’ivoire noir et blanc, délivré combien de bonheur, inspiré nombre de musiciens amateurs, peuplé les ténèbres de si nombreuses personnes durant si longtemps. C’est le compagnon d’une génération.
Je suis aux pieds d’une légende qui a porté haut l’étendard de l’expression musicale et poétique et j’en suis ému. Loin des expériences musicales avant-gardistes d’antan ou des sombres mélopées sur base d’harmonium jouées un temps dans des églises, John Cale nous délivre un rock-pop pur et énergique, comme un retour aux valeurs artistiques simples et dépouillées. L’audience, évidement conquise, en redemande.
Sortie : , Chez : . Les dérapages extraconjugaux d’un professeur en sciences cognitives et d’une écrivaine sur un campus britannique. C’est la description Lodgienne de la comédie humaine agrémentée cette fois-ci de réflexions cognitives ou comment les méandres du cerveau cohabitent avec (et justifient) le désir.
Sortie : , Chez : . Une nuit décavée dans une boîte parisienne chic. C’est un retour sur les excès de Beigbeder dont il fit son fonds de commerce avant de se recycler dans la littérature. Il faut savoir que cela existe !