Joe Strummer – GI’s Joe

He’s in love with rock’n’roll woaahh
He’s in love with gettin’ stoned woaahh
He’s in love with Janie Jones
But he don’t like his boring job, no…

1979, Palais des Sports – Paris, après trois heures d’attente un public parisien éberlué voit débouler The Clash sur la scène, tel un diable de sa boîte. Les riffs de London Calling se répercutent dans l’acoustique déplorable de ce hall à tout faire… sauf du rock’n roll. Et de R’nR il n’est justement question que de ça ce soir !

Yankee dollar talk
To the dictators of the world
In fact it’s giving orders
An’ they can’t afford to miss a word

Nos quatre compères commencent à jouer les lumières allumées. Ils se déchaînent dès l’ouverture, sautent, hurlent, trépignent en délivrant le rock de la fin des années 70 durant deux heures d’énergie désespérée. Les guitares sur les genoux, dégingandés, montés sur ressort, ils se bousculent et nous projettent le message post-punk qui va dynamiter le rock de la fin du siècle. Les classiques sont alignés, les notes se bousculent, les slogans déchirent nos âmes, les décibels saturent l’atmosphère, la révolution est en marche !

White riot – I wanna riot
White riot – a riot of my own

Fils de diplomate britannique, né à Ankara, trimballé durant sa jeunesse de représentations en ambassades de sa Gracieuse Majesté, Strummer crée le Clash en 1976 avec son complice guitariste Mick Jones. Ils vont écumer la scène européenne et américaine durant dix petites années remportant un succès d’estime plus que commercial.

I’m so bored with the U…S…A…
But what can I do?

Après la décadence primale du mouvement punk, Joe Strummer et sa bande, bardés de T-shirts aux couleurs de la Fraction Armée Rouge, vont pousser vers plus de sens le nihilisme de Johny Rotten et Sid Vicious. Ils appellent à la révolte, se battent avec les minorités pour la défense de leurs droits, veulent brûler Londres, passent par les geôles de Margaret Thatcher, injurient l’Amérique. Un concert des Clash est aussi terrifiant que la contemplation de Guernica !

The king called up his jet fighters
He said you better earn your pay
Drop your bombs between the minarets
Down the Casbah way
The shareef don’t like it
Rockin’ the Casbah
Rock the Casbah

Ils parlent de la misère, de la guerre, de l’arrogance du fric, de la drogue, de la guérilla sandiniste. Et toujours ils torturent leurs instruments pour en tirer la lave incandescente de ceux qui ont la foi, seuls contre tous. Ils incarnent les derniers soupirs d’un romantisme révolutionnaire déjà mort avec le Che dans les forêts colombiennes. Baader finira suicidé dans une prison allemande, les brigades rouges pactiseront avec la justice italienne, Strummer restera solitaire, illuminé sur son piédestal d’icône rock, investi de la mission divine d’ouvrir les yeux de la bourgeoisie occidentale sur ses mortelles perversions.

…’Cos years have passed and things have changed
And I move anyway I wanna go
I’ll never forget the feeling I got
When I heard that you’d got home
An’I’ll never forget the smile on my face
‘Cos I knew where you would be
An’ if you’re in the crown tonight
Have a drink on me
But go easy… Step lightly… Stay free

2002, on apprend la mort de Joe Strummer dans la nuit de Noël, paisiblement à 50 ans, d’une crise cardiaque, dans la maison où il vivait avec sa femme et ses filles, presque dans l’anonymat. Le coup est rude pour les quadras qui voient re-défiler dans leurs synapses encombrées de cholestérol l’image de leurs renoncements successifs au cours de deux décennies de compromission avec le système que dénonçait Strummer. Sa disparition fait remonter jusqu’à l’orée de notre conscience ce que nous n’avons pas su être. Les bulles effroyables de nos années de démissions et de désillusions se frayent une route sinueuse pour éclore à la surface nauséabonde du marigot de notre réalité, comme autant de coups de poignard dans la baudruche de notre pureté adolescente à jamais éventrée.

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