Radiohead – 2006/08/26 – Paris Parc de Saint-Cloud

Dans la nuit tombante sur le festival Rock en Seine Radiohead démarre son show sur Airbag. Le public est déjà en transe. Les lumières baignent la scène d’un bleu électrique qui ne sera déchiré que par des éclairs orangés sur certaines montées de tension. Les deux écrans de chaque coté des musiciens et le grand du fond retransmettent des petits écrans virtuels projetant les images déformées de webcams fixes. Ce n’est pas évident à décoder (surtout pour le 30 millième spectateur, tout là-bas au fond de la pelouse) mais un concert de Radiohead se mérite.

Le quintet britannique déroule un impeccable show assaisonné live. Les élucubrations électro-mystiques des albums Kid A, Amnesiac ou Hail To The Thief passent remarquablement sur scène où le groupe démontre toute la subtilité de ces compositions. Thom place sa voix plaintive et aigüe au-dessus du son de son groupe historique de musiciens d’exception : les trois guitares savent ajouter le feu sur une rythmique syncopée par l’électronique comme les trois guitaristes peuvent aussi pianoter sur des synthétiseurs remplaçant la magie violente du pincer des cordes électriques par le mystère des volutes bioniques émanant d’improbables ordinateurs.

On aurait pourtant cru le contexte d’une foule en plein-air peu propice à une telle complexité musicale. Nous avions l’esprit étriqué et tellement peu imaginatif ! Les morceaux sont joués comme sur les disques, sans compromission aucune. Il est rassurant de voir une audience de 25 années d’âge moyen partager avec dévotion cette communion cérébrale avec une musique venue d’ailleurs, une musique à la sombre élégance, toute en émotion et en modernisme, en recherche et en aboutissement, qui alterne des pages sinistres avec une énergie vitale et revigorante. Une musique faite pour la nuit, celle d’un compositeur étrange dont la tête est pleine de ce qui s’avère tout simplement être une prodigieuse inspiration. Une musique qui parle aux tréfonds de notre âme jusque parfois en ébranler les fondements.

Lorsque Radiohead revient à des moments plus classiques de son œuvre le public souffle et reprend en cœur Paranoid Android, Airbag ou Karma Police (qui clôture le show). Le retour sur OK Computer rassure à peine tant il paraît maintenant acquis que ce groupe affronte avec bonheur les pistes escarpées de la création. On en profite tout de même ! Sans vouloir trop en demander, on aurait même pu écouter Creep

Plusieurs bonnes nouvelles ce soir : (i) Radiohead reste un groupe de scène majeur à la créativité unique et l’intellectualisme brillant, (ii) on trouve à Paris sans difficultés 40 000 personnes pour passer une nuit d’été avec la bande après les 80 000 des Rolling Stones à peine un mois plus tôt et (iii) il reste des saucisses et de la bière dans lesquelles on peu noyer les dernières effluves de Karma Police qui tournent encore en boucle dans nos oreilles ébahies : This is what you get…

 

La set list de Radiohead

1. Airbag 2. 2+2=5
3. The National Anthem
4. My Iron Lung
5. Morning Bell 6. Fake Plastic Trees 7. Videotape
8. Nude 9. The Gloaming
10. Paranoid Android

11. All I Need 12. Pyramid Song 13. Lucky 14. The Bends
15. I Might Be Wrong
16. Idioteque 17. Everything In Its Right Place Encore: 18. You And Whose Army
19. Bodysnatchers 20. There There
21. Karma Police