Concert de Poney Express ce soir à la Dame de Canton, une jonque amarrée sur un quai de Seine du XIIIème arrondissement. Ladyfingers, troubadour solitaire et drôle, guitariste-compositeur perdu loin de son Amérique natale, fait mieux que chauffer la salle.
Tchou-kou-tchakk, Tchou-kou-tchakk, l’intro musicale est lancée au rythme de la diligence qui fait tanguer la jonque et déjà le cœur de la cinquantaine de spectateurs qui s’agglutinent autour du puits de dérive en acajou. Les 4 de Poney Express entrent en scène, les hommes sont mal rasés et détendus (bass accoustique et batterie), les filles subtiles et bien apprêtées (guitare acoustique-chant et violon). Ces quatre là s’entendent comme larrons en foire, se sourient et se soutiennent, et nous convient à un voyage à travers leur imaginaire poétique et transatlantique.
Anna, blouse à fleurs sur collant gris et boots cowgirl prend sa respiration, ferme les yeux et démarre Les Femmes de Milwaukee, de sa voix brumeuse, a capella : Voir de près l’horizon qui au loin s’étire/ Mille et une raisons de se faire engloutir/ Dans les sables mouvants et ne pas revenir/ Devenir un Yankee/ Dans mes rêves, je suis une femme de Milwaukee. Et soudain, fouette cocher, les poneys entament leur vigoureuse cavalcade sur la piste soulevant un nuage de poussière qui se voit très loin dans la vallée. Le batteur, debout, chapeau de paille de travers, frappe sur ses caisses ; la violoniste, bretelles en bandoulières, ajoute ses cordes en une saveur western ; Anna aligne ses accords (huit allers-retours par mesure) sur lesquels elle pose sa jolie voix avec élégance et naturel ; Robin Feix (bassiste de Louise Attaque), feutre et cravate, un air de Sean Penn sur This Is Not America, s’accroche à son impressionnante bass acoustique.
Une respiration le temps de passer la guitare au bassiste pour une chanson de sa composition et la diligence repart, toujours avec les mêmes chevaux, pas fatigués le moins du monde, la musculature fine, frottées aux longues fuites devant les indiens à l’assaut d’un butin de mots et de notes.
La jonque balance, les guitares gardent l’équilibre et les musiciens poursuivent leur chevauchée légère, celle d’un folk délicieux qui glisse dans nos veines comme un fondant au chocolat dans le gosier. Après un rappel avec Ladyfingers, le groupe débranche ses instruments et vient s’installer au milieu des spectateurs pour nous jouer la balade de Paul, l’histoire étrange d’un fan d’Elvis qui erre dans les rues de Menphis :
Bye Bye Paul/ Ton front se cogne sur le sol, carmin/ Tu tiens entre tes mains/ Bye Bye Paul/ La photo de ton idole/ En sépia satin/ Encore un mort pou rien/ Et demain matin/ Menphis se réveillera sans toi.
C’est fini, la jonque est à nouveau amarrée à la réalité et nous en débarquons, légers et charmés par cette soirée maritime.