Björk repart en tournée après la sortie de son disque Biophilia. Encore plus arty et expérimentale, peut-être moins compréhensible, l’artiste islandaise continue ses recherches musicales. La tournée Biophilia est thématique et pédagogique, s’accompagne pour chaque ville d’une résidence de quelques jours dans de petites salles avant un ou deux concerts dans de plus grands endroits. A Paris Björk et sa troupe passent sur cirque de Boulogne sur l’ile Seguin avant deux shows au Zénith.
A Boulogne des ateliers sont organisés à destination des enfants pour leur apprendre la musique via leurs outils électroniques habituels de communications. Et c’est ainsi que sont utilisés des tablettes et I-phones divers et variés. Une appli par chanson Biophilia développe le concept du morceau (la lune, la foudre, …) et offre différentes options de programmation musicale, le tout expliqué par les musiciens à des gamins de 10/12 ans, encadrés par professeurs et animateurs. Il s’agit de musique mais aussi de nature matinée de science (l’un des ateliers se déroule dans l’espace des sciences Pierre-Gilles de Gennes).
La scène du Zénith est adaptée à cette tournée d’un genre particulier et à la scénographie pour le moins originale. Les tribunes cernent le rond central surmonté de vastes écrans tournés vers le public. D’imposants et improbables instruments sont déposés sur la scène :
dont des Harpes gravitationnelles, une Bobine Tesla, l’habituelle Reactable, mais aussi un simple clavecin électrifié, bref tout un incroyable fatras produisant sons et rythmes qui ne manqueront pas de nous surprendre tout au long du show.
A l’extinction des lumières un bande son déclamée par une douce voix mâle parle de …musique, nature et technologie… d’écouter, apprendre et créer… de voyager à travers le cosmos et toucher les galaxies… de l’humain porte d’entrée entre l’universel et le microscopique…
Une vingtaine de vestales blondes habillées en soie brillante bleu et jaune (la chorale islandaise Graduale Nobili) s’installe sur la scène pour accueillir notre diva à l’issue d’une introduction vocale aux harmonies étranges. Björk est vêtue d’une robe à boudins façon diva du Cinquième élément, coiffée afro à reflets roux et beige, très à l’aise :
Et nous plongeons alors dans 90 minutes de mystère musical et visuel, à un niveau encore rarement imposé par cette artiste pourtant peu avare en innovations. Des tornades sonores sont déclenchées par des instruments dont le modernisme le dispute aux formes de brontosaures. A cet égard les harpes gravitationnelles sont un modèle du genre : sorte de pendule cosmique dont les balanciers gigantesques pincent des cordes ; la Bobine Tesla s’avère également redoutable, descendue du plafond sur la scène lorsque de besoin, elle produit de réels arcs électriques au son accordé sur les harmonies du morceau joué.
Les écrans diffusent des images virtuelles, intergalactiques ou microscopiques, s’unissant à la musique. L’atmosphère générale est plutôt douce au regard des précédentes productions et tournées ; on baigne dans une ambiance écolo-techno-responsable où se succèdent les vestales et la diva, les instruments technologiques et les mélodies a cappella de la plus émouvante simplicité.
La voix de Björk reste toujours extraordinaire, tendue comme un fil prêt à craquer, capable d’incroyables contrastes, enfantine et vertigineuse, mise au service d’un projet délirant et fascinant : Biophilia ! Quelques pièces au clavecin nous ramènent dans un univers un peu plus réel et le show se termine sur un Declare of Independance, saccadé, hypnotique, nous laissant sur une note plus classique de son répertoire mais oh combien vigoureuse et entraînante.
Björk est-elle allée trop loin avec ce spectacle inattendu où la musique n’est plus qu’un élément parmi les autres ? Oui sans doute pour ses fans musiciens, non certainement pour les admirateurs de son statut d’artiste complète. Sa foi, sa sincérité, son indépendance à mener sa barque vers des rivages escarpés de la création sont touchants. Alors parfois nos âmes de musiciens sont touchées au cœur, mais à d’autres occasions, comme pour ce concept Biophilia, c’est à nos neurones que Björk fait appel, le résultat est plus cérébral et tout aussi respectable.
https://www.bjork.fr/-Biophilia-Educational-
https://biophiliaeducational.org/
Set list : 01. Óskasteinar/ 02. Thunderbolt/ 03. Moon/ 04. Crystalline/ 05. Hollow/ 06. Dark Matter/ 07. Jóga/ 08. Heirloom/ 09. Virus/ 10. Sacrifice/ 11. Vertebrae by Vertebrae/ 12. Where is The Line/ 13. Pagan Poetry/ 14. Mutual Core/ 15. Cosmogony/ 16. Solstice Rappel : 17. Possibly Maybe/ 18. Nattura/ 19. Declare Independence |