Le projet de loi de finances 2015 a été publié par le gouvernement. Comme chaque année la sortie de ce document, qui se transformera en Loi de finance d’ici au 31 décembre, déclenche assaut de contre-vérités, platitudes en tous sens et absence d’analyse.
Comme toujours, chacun critique les dépenses comme les recettes, quel que soit son bord politique, passant sous silence le lien indéfectible entre les deux, oubliant que si l’on baisse des recettes il va falloir également baisser des dépenses, et vice-versa. En réalité l’exercice budgétaire public est un savant mixage à trouver entre les colonnes débit et crédit, ainsi qu’au niveau des natures de ces recettes et dépenses. Personne n’y est vraiment parvenu depuis 1974 année du dernier budget en équilibre. Depuis, nous dépensons systématiquement plus que nous gagnons, l’ajustement étant fait par de la dette.
Dans un pays civilisé, et compte tenu de la gravité de la situation financière de la République, une union nationale se formerait pour trouver un consensus minimum sur le rétablissement des comptes publics. Mais nous sommes en France alors chacun y va de son populisme facile, de sa démagogie décourageante et de son irréalisme démesuré, le tout assaisonné des éditoriaux vengeurs et irréfléchis de Valeurs Actuelles à L’Humanité (rappelons que la presse, afin d’assurer sa survie, est bénéficiaire de subventions payées par le contribuable et inscrites au budget dans la colonne dépenses).
Voter un budget à l’équilibre est en théorie assez simple à faire puisqu’il suffit d’égaliser la colonne débit avec la colonne crédit. Nombre des beaux parleurs de la buvette de l’assemblée nationale ou du Café du commerce éructent qu’il suffit de baisser les impôts, puis après une Kronenbourg, ajoutant qu’il faut aussi augmenter les dépenses de crèche, de l’armée, de l’éducation et tutti quanti. Bien sûr.
Le déficit existe depuis 1974, son évolution depuis 2000 est la suivante :
On ne peut dire que cela soit particulièrement brillant ! Tordons le cou une nouvelle fois à cette escroquerie intellectuelle qui consiste à mesurer le déficit en points de PIB. A la maison et en entreprise on le calcule en fonction des recettes, ce qui veut dire qu’en 2014 il sera de 28% des recettes : chaque 100 EUR dépensé est financé par 72 EUR de recettes fiscales et 28 EUR empruntés. Cela est malheureusement plus confondant qu’un malheureux 4,4% du PIB tel qu’affiché ! Quel ménage, quelle entreprise peut-elle durablement emprunter 28% de ce qu’elle dépense ? Aucun. Quelle situation allons-nous laisser à nos enfants ? Déplorable.
Il faut donc réduire le déficit. Pour ce faire, le gouvernement actuel s’engage non pas à diminuer les dépenses, mais à en réduire la progression de 50 milliards sur 3 ans pour l’Etat, les collectivités locales et la protection sociale. Pourquoi pas !
L’opposition affiche sa volonté de réduire non pas de 50 milliards mais de 150. C’est une autre solution, plus violente, également applicable. Il suffit d’arrêter les lignes budgétaires sur lesquelles appliquer ces réductions et les voter. Les missions de l’Etat sont répertoriées au nombre de 30 dans le projet de loi de finance, chacune avec son budget de dépenses (hors dette et pensions) :
Mais on peut aussi réduire les pensions (les retraites versées aux fonctionnaires) ! Il sera difficile de ne pas rembourser la dette sous peine de mise en défaut de la République. C’est néanmoins techniquement possible, et d’ailleurs déjà arrivé, alors autant éviter de renouveler l’expérience. On privilégie donc le coup de rabot, mais une fois appliqué sur les dépenses de l’Etat, le job n’est pas fini puisqu’il faut en faire autant pour les collectivités locales et les prestations sociales avec chaque fois le même cortège de pleurs et de lamentations.
Ce PLF 2015 est un moyen-terme entre les braillements des ayatollahs de la dépense (frondeurs socialistes, Montebourg et Guaino réunis) et les cris d’orfraie des yaka-faukon de l’opposition et de Valeurs Actuelles. Un budget de compromis entre des objectifs contradictoires énoncés par des élus girouettes et court-termistes.
Cet argent public n’est pas dilapidé il termine dans les poches des citoyens d’une façon ou d’une autre, sous forme de prestations, de services publics, parfois de corruption. Changer cette situation est difficile et au niveau de l’insatisfaction de l’électeur, baisser les dépenses ou augmenter les impôts revient au même.
Ce projet de budget est-il optimiste ? Certainement. Est-il réaliste ? Peut-être. Est-il perfectible ? Sans aucun doute. Est-il conforme à la volonté des représentants des citoyens élus au parlement ? Nous le verrons s’il est voté.
En fait, aucun gouvernement ne s’est jamais montré beaucoup plus efficace pour réduire les dépenses publiques, affublé de la même faiblesse politique face à un peuple désuni ayant, globalement, perdu le sens de l’intérêt général. Il faudrait sans doute un évènement externe comme la remontée des taux d’intérêt pour pousser les feux de la rigueur budgétaire. Il n’est sans doute pas souhaitable.
On pourrait aussi voter pour des dirigeants responsables qui expliquent clairement la situation du pays aux citoyens et réussissent à mettre en œuvre une synthèse politique pour sortir de l’ornière. Nous n’en sommes pas là, préférant la politicaillerie de basse-cour à la grandeur de la conduite de l’Etat. On a les dirigeants que l’on mérite, hélas !
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