Démission du ministre de la Justice

La ministre de la Justice, Christiane Taubira, a démissionné ce matin déclenchant un hourvari de l’opposition conservatrice et sans doute un peu de soulagement chez certains dirigeants de la majorité. Le cas de cette femme est assez emblématique de la perte d’intelligence dans notre débat politique national. Cette ministre a connu un flot continu de critiques depuis sa désignation avec une intensité et une permanence rarement égalée. Son fait d’arme fut bien sûr d’avoir été l’égérie de l’instauration du mariage homosexuel dans le code civil ce qui lui a valu une haine définitive d’opposants de tous bords. Cette loi est pour le moment assez peu utilisée (8 000 mariages homosexuels en 2015 contre 400 000 mariages au total).

La ministre est depuis taxée de laxisme quoi qu’elle dise ou fasse. Le nom Taubira est d’ailleurs associé depuis à l’adjectif laxiste jusqu’à en faire un nom composé Taubira-laxiste ! Cette qualification ne résiste guère à l’analyse des faits mais qu’importe, le tir aux pigeons n’a plus cessé, la répétition aboutissant à la persuasion.

La vérité est bien différente et Mme. Taubira n’a pas fait grand-chose de bien flamboyant dans son ministère si l’on excepte bien sûr le mariage homosexuel. Elle y a géré les affaires en cours et ses conflits avec Manuel Valls (ministre de l’intérieur puis premier ministre) qu’elle a quasiment tous perdus. De ce fait, les prisons sont pleines (c’est donc bien qu’il y des juges qui les remplissent), les peines de substitution mises en place sous le précédent pouvoir de droite et renforcées sous son autorité sont très peu utilisées, la réforme pénale des mineurs ne sortira jamais des cartons de ce quinquennat, celle du code pénal sans doute pas plus, elle a perdu quasiment tous ses arbitrages gouvernementaux, suite aux attaques terroristes on a jamais vu un tel transfert de pouvoirs de l’autorité judiciaire vers le pouvoir administratif (état d’urgence, loi sur le renseignement, renforcement de la législation anti-terroriste [on peut maintenant condamner l’intention et non plus uniquement l’acte], etc.), on a peu vu de toute la Vème République des condamnations de syndicalistes aussi sévères que celles prises récemment contre ceux d’ex-Goodyear… Mais on associe toujours Taubira comme meilleure représentante du laxisme de gauche.

Historiquement, lorsqu’elle était députée, elle fut à l’origine de la reconnaissance dans la loi de l’esclavage comme crime contre l’Humanité ce qui ne lui a pas fait que des amis. Son rôle le plus important dans le quinquennat Hollande aura été certainement de servir de punching-ball à la droite conservatrice. Ce ne fut pas un très beau rôle, d’abord pour elle, mais plus généralement pour la politique française dont les acteurs ont montré une nouvelle fois leurs bas instincts en privilégiant l’abêtissement du débat à l’intelligence des analyses. Pour ne rien arranger, elle est femme, elle est noire, elle est plutôt bonne oratrice, cultivée (la seule depuis Pompidou à citer les poètes dans ses discours), autres qualités agaçantes pour un opposant bureaucrate aux dents longues et aux  idées courtes.

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Christiane Taubira ne laissera pas un souvenir impérissable, à qui que ce soit, et c’est aussi bien ainsi. Si l’opposition veut changer les quelques textes dont elle est à l’origine, eh bien il suffit de voter d’autres textes lorsqu’elle sera revenue au pouvoir. En attendant l’opposition garde un deuxième punching-ball car la ministre de l’Education, Najat Vallaud-Belkacem, est toujours en poste et elle passe ainsi du rang de back-up à celui de premier rôle.

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