Convictions et profits

Le syndicat patronal français MEDEF est en train de réaliser un pas de deux chorégraphique pour défendre les intérêts de ses membres. Il a combattu le dispositif fiscal CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) mis en place par la précédente majorité et consistant via un crédit d’impôt à baisser la charge fiscale des entreprises en hausse constante depuis la fin du quinquennat Sarkozy. Il fut qualifié d’usine à gaz et de complication bureaucratique à la française lors de sa mise en place, les entreprises regrettant que la loi n’ait pas opté pour une baisse de charges sociales plus durable que le crédit d’impôt. Il est vrai qu’ils ont reconnu depuis que ce CICE si controversé avait quand même permis d’abaisser le coût du travail en France.

Le programme présidentiel du nouveau président de la République prévoit d’exaucer les souhaits patronaux et de transformer ce crédit d’impôt en baisse de charges sociales. Les patrons ont depuis sorti leurs calculettes et constaté que, horreur, la baisse de charges se traduira par une hausse des profits (c’est leur but) qui elle-même entraînera une hausse de l’impôt sur les sociétés (IS) à taux constant, bien qu’il soit aussi prévu la baisse du taux à moyen terme. Alors ni une ni deux, les voilà qui estiment inacceptable une hausse de leur IS. Il est certain qu’un crédit d’impôt vient diminuer l’impôt alors qu’une baisse charge vient augmenter le bénéfice taxable et donc… la base de calcul de l’impôt ! Il n’y avait pas besoin d’attendre Macron en 2017 pour découvrir cette évidence fiscale.

C’est une situation intéressante qui montre ce qui peut arriver lorsque l’on se défend avec des slogans éculés plutôt qu’avec de l’analyse réfléchie. D’une façon très pavlovienne les patrons avaient bien entendu contesté ce dispositif CICE comme un « monstre bureaucratique » de plus mis en place par une « gauche laxiste » qui « ne comprend pas l’entreprise », etc. etc. Les voici maintenant qui en appellent au maintien du dispositif honni, ironique clin d’œil à leur insuffisante capacité de réflexion. Gageons néanmoins qu’ils utiliseront la ficelle pour négocier une baisse de charges plus significatives de façon à absorber la hausse d’assiette fiscale qui en sera l’incontournable conséquence en attendant la suppression pure et simple de l’impôts sur les sociétés qui est un frein si scandaleux à leur esprit d’entreprise et leur capacité d’innover et de créer des emplois.