Jeune auteur-compositeur franco-rwandais, né au Burundi en 1982, plutôt porté sur le rap que sur la littérature, Gabriel Faye s’est essayé à écrire un premier roman en 2016. Il est de ces écrivains postcoloniaux qui ont vécu une tranche de vie plus ou moins expatriée dans une Afrique plus ou moins rêvée. Contrairement à celle de William Boyd, l’Afrique de Faye est plus tragique, ô combien plus sanguinaire, elle est celle du génocide des tutsis par les hutus.
Enfant dans les rues de Bujumbura il raconte de façon désopilante la vie d’un gamin ultra-favorisé dans l’atmosphère de « Tintin au Congo » avec ces petits riens que seuls ceux qui ont vécu ce quotidien peuvent partager, les gags du boy, l’explication des races tutsi-hutu-twa, la compréhension des coups d’Etat, la rencontre avec la soldatesque avinée et la police corrompue, les coupures d’électricité, la pagaille généralisée et permanente… Bref l’Afrique de Gaye ne paraît guère avoir changé par rapport à celle de Boyd mais toutefois rôdent les conflits ethniques qui semblent avoir passé la vitesse supérieure en matière de sauvagerie. C’est sans doute les effets de la mondialisation sur un continent perdu par des décennies de pouvoirs à la dérive. Le résultat fut épouvantable au Burundi et au Rwanda dont est issue la mère de l’auteur-narrateur.
Alors l’enfant est confronté à la mort et à la barbarie, en direct dans son environnement personnel et à travers sa mère qui, de retour au pays, survivra aux décombres fumant mais y perdra son âme et la raison. Ce livre raconte avec drôlerie et sincérité le traumatisme profond d’un observateur du génocide, vu avec le regard innocent d’un enfant qui n’en sortira sans doute pas indemne.