Le salon des lobbys

Comme chaque année le salon de l’agriculture à Paris qui s’est clos ce 6 mars fut l’occasion pour le monde rural de faire valoir ses problèmes et pour le microcosme politico-médiatique de se montrer sur les écrans en dégustant des verres de blanc en caressant de petits agneaux tous mignons et tous tendres quelques jours avant qu’ils ne terminent dans nos assiettes.

Comme chaque année ce salon fut un long moment de pleurs et de lamentations pour un secteur qui se qualifie globalement en crise depuis des décennies et qui utilise au mieux sa forte capacité de lobbying pour faire admettre par la pensée commune que la « crise » agricole est plus profonde que partout ailleurs. La réalité est sans doute plus nuancée car si nombre de petits paysans sont laminés par la concurrence dans notre monde libéral et le font savoir, d’autres secteurs de l’agriculture restent beaucoup plus discrets car ils ont développé des business rentables.

La France est le premier producteur agricole européen et tient aussi la première place dans les productions végétale et animale. Le secteur génère des exportations significatives et des flux de subventions également importants, c’est-à-dire qu’il y a un transfert de richesse des contribuables vers les producteurs agricoles, ceci pour de bonnes raisons de développement économique, social et environnemental. Cela n’a pas empêché une partie de ce secteur de se restructurer et de se moderniser au point de rester compétitif sur les marchés internationaux. Evidemment il reste les petits producteurs qui se heurtent douloureusement aux forces du marché, au secteur de la distribution et qui n’arrivent pas à survivre. Ceux-là vont disparaître du moins tant que les consommateurs ne sont pas prêts à payer plus cher leur production par rapport à celle de l’agriculture industrielle vendue dans les supermarchés, ou aux contribuables à financer à des niveaux de subventions supérieurs à ceux actuellement constatés.

C’est le b-a-ba de l’économie libérale : les plus efficaces mangent les moins efficients et globalement l’économie est censée être gagnante ; la destruction créatrice est à l’œuvre modulo les transferts financiers des contribuables vers les agriculteurs compte tenu de l’importance sociale du secteur.

Il faudrait idéalement mettre un terme à ce rapport émotif que l’on porte sur le secteur économique de l’agriculture où tout est toujours plus grave qu’ailleurs : les déficits, la dette, la difficulté du marché libéral, etc. C’est aussi le symptôme d’un lobby fort et puissant qui malgré son peu d’impact électoral (le nombre d’agriculteurs-électeurs est maintenant extrêmement faible) continue à agir avec force et influence sur les leviers politiques multi-partisans. Il faut continuer à restructurer l’agriculture, comme le fait l’économie privée et publique depuis des décennies pour s’adapter à l’évolution des marchés et des pratiques ; là où il y a surproduction il faudra bien réduire celle-ci à moins de revenir à l’économie de kolkhoze, là où il faut augmenter la taille des exploitations il faudra favoriser les rapprochements, là où il y a besoin d’aides du contribuable il faudra le cas échéant réorienter les flux de subventions vers les activités pouvant les utiliser avec le plus d’efficacité, etc.

Bref, il faut faire de la politique entre gens intelligents et si possible de bonne compagnie.