On avait déjà noté les réactions du syndicat patronal MEDEF en septembre 2015 lors du pic de la crise de l’immigration : son patron de l’époque vantait alors dans une tribune du journal Le Monde « l’opportunité » que représentaient ces migrants :
Cessons toute condescendance envers ces migrants : ils ont souvent un fort niveau d’éducation, sont la plupart du temps jeunes, formés et n’ont qu’une envie, vivre en paix et pouvoir élever une famille… Accueillons-les et sachons tirer profit de leur dynamisme, de leur courage, de leur histoire aussi. Accélérons enfin nos réformes pour être capables de les intégrer pleinement dans la durée… Nous en sortirons tous gagnants. Agissons.
Bien entendu il ne précisait pas ce qu’il plaçait derrière ce slogan « Agissons. »
Aujourd’hui le Groupement national des indépendants de l’hôtellerie et de la restauration (GNI-Synhorcat) rappelle dans un communiqué du 10/08/2018 rappelle la pénurie de main d’œuvre face à laquelle se trouve ce secteur et propose comme l’une des solutions possibles à cette situation l’embauche des migrants titulaires des papiers et autorisations nécessaires.
En principe ils peuvent déjà le faire si ces migrants sont légalement autorisés à travailler, pas besoin de faire un communiqué pour ça. Dans la vraie vie on peut penser que ce syndicat cherche à exercer une légère pression sur les autorités administratives pour accélérer la délivrance de papiers aux populations immigrées afin de pouvoir les embaucher. Bien entendu les syndicats ouvriers soupçonnent très fortement le patronat d’être pro-immigration afin de peser sur les salaires et d’éviter de devoir augmenter ceux-ci pour intéresser les chômeurs nationaux… On ne peut pas complètement exclure un tel machiavélisme.
Ensuite, nous sommes dans la vraie vie du libéralisme, là où un Etat doit pouvoir faire de la politique s’il veut vraiment interférer dans les règles du marché : est-on capable de pousser des chômeurs français actuels vers ces emplois peu qualifiés? S’il faut pour ce faire augmenter les salaires de la profession est-on en position de compenser ces hausses de coûts par la baisse d’autres charges ou faudra-t-il accepter une hausse des prix au risque de décourager les consommateurs ? Ou faut-il orienter des populations immigrées vers ce marché, quitte à ouvrir les vannes de la délivrance de papiers pour ce secteur ? C’est un sujet pas facile à traiter compte tenu de sa sensibilité. Il mérite en tout cas beaucoup de pédagogie de la part des décideurs et sans doute un peu d’innovation.
Ce qui est ironique dans cette situation est que si véritablement les règles du marché s’appliquaient librement, en principe les salaires de cette profession devraient augmenter tout seul puisque la demande de personnel est supérieure à l’offre. Ce n’est pas le cas et c’est l’une des nouveautés de la pratique économique ces dernières années : le marché répond désormais à la surchauffe du marché du travail par la précarisation de celui-ci. La perspective de cette réserve de travailleurs immigrés à bas prix pousse aussi sans doute le patronat de ce secteur à l’attentisme… Nous sommes dans un cycle qui peut-être s’inversera un jour, personne ne le sait à ce stade.
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