SCHUMPETER Joseph, ‘Le capitalisme peut-il survivre ?’.

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Sortie : 1947, Chez PAYOT (2011)

Joseph Schumpeter fut un économiste autrichien (puis naturalisé américain) dont la pensée fut marquante au mitan du XXème siècle. Il est notamment le concepteur du principe de la « destruction créatrice » qui veut que l’innovation pousse à la destruction d’emploi des activités économiques périmées qui sont remplacées par de nouvelles, créatrices d’encore plus d’emploi. Les crises seraient dans l’essence même de l’économie capitaliste de cycles, l’innovation et l’entreprise permettant de les dépasser.

« Le capitalisme peut-il survivre ? » est la deuxième partie d’une des œuvres majeures de l’auteur : « Capitalisme, socialisme et démocratie » publié en 1942. Dans son prologue Schumpeter répond par la négative à la question posée dans le tire tout en précisant qu’il s’agit de son opinion personnelle, qui n’a guère d’importance, et ne l’empêche pas de développer une analyse qui, si elle est scientifique, se fonde sur ce que serait la tendance si elle continuait à agir comme observé actuellement, mais n’est en aucun cas une prophétie qui prévoirait l’avenir si d’autres facteurs intervenaient. Cette mise au point n’empêche pas les pronostics.

L’accroissement considérable de la production au cours des siècles grâce à la mise à disposition de biens de consommation à des masses toujours croissantes n’a pas permis d’endiguer le fléau du chômage, par contre, la création de richesses par le système capitaliste a permis une redistribution d’une partie de celles-ci en faveur des chômeurs et sans remettre en cause l’économie du système (nous sommes en 1942, rappelons-le).

Le capitalisme serait fondamentalement une « méthode de transformation économique » et en aucun cas un système stationnaire. Ce mouvement est guidé principalement par l’innovation : celle des nouveaux objets de consommation, des nouvelles méthodes de production, de transport, les nouveaux marchés, tous éléments créés par l’initiative capitaliste !

S’en suivent les développements plutôt complexes de la pensée de l’auteur sur la libre concurrence versus les oligopoles, la protection versus le maintien en vie de filières désuètes, la rigidité des prix de court terme versus l’évolution de la production sur le long terme, le progrès « destructeur » versus la conservation des valeurs capitalisées, le monopole versus le mécanisme concurrentiel, la démographie versus les occasions d’investissement, le libéralisme versus l’art de vie capitaliste…

Le dernier chapitres est intitulé « Décomposition » rappelant que l’évolution capitaliste détruit son propre cadre institutionnel avec sa tendance naturelle à l’autodestruction mais aussi à la création d’une évolution nouvelle. Et ce n’est pas pour autant que la vision de Marx sur l’avènement inévitable du socialisme sera autoréalisatrice car, à l’époque (les années 30), les théoriciens ne savent pas encore si ce socialisme est viable ni dans quelles conditions il pourrait être mis en œuvre.

Schumpeter laisse le lecteur face à des questions de société vitales, après les avoir sérieusement défrichées. La lecture de ce livre en 2019, après les guerres mondiales, les conflits impérialistes, les crises économiques majeures, l’effondrement des économies socialistes, la mondialisation, la croissance économique et démographique mondiale effrénée, permet d’admirer la puissance de pensée de son auteur. Car c’est aussi l’un des attraits de ce « système capitaliste » : celui d’avoir généré une autoanalyse de multiples chercheurs basant leurs analyses sur les faits scientifiques plutôt que sur l’idéologie.