Des sondeurs incompétents

Comme assez souvent ces dernières années, les vendeurs de sondages ont commercialisés des produits plutôt avariés. Ils se sont beaucoup trompés, sur le taux de participation comme sur les résultats de nombreuses listes aux élections pour le parlement européen qui se sont tenues hier. On ne peut guère les blâmer de leurs erreurs tant la prévisibilité du vote de Mme. Michu présente un écart-type considérable. En revanche ce qui est assez stupéfiant c’est qu’ils aient encore autant de clients pour dévorer ces produits avariés, du côté de la presse comme du côté des partis politiques !

Durant la campagne électorale, la plupart des sujets de débats médiatiques portaient sur les sondages, pas sur les programmes. Le lendemain même de cette élection où ils se sont tant trompés, les vendeurs de sondage plaçaient encore leurs produits avec des questions fondamentales du genre : « faut-il que le président de la République change de programme ? »

Ils ont quand même eu à se justifier sur la piètre qualité de leurs prestations et certains ont trouvé une explication plutôt inattendue et d’une mauvaise foi de première catégorie : ce serait l’affaire Vincent Lambert qui aurait fait changer d’avis au dernier moment nombre des électeurs. Il faut quand même oser ! Vincent Lambert est ce malheureux patient dans un état végétatif depuis dix ans à la suite d’un accident de voiture, sans espoir médical de rémission, et dont la famille se déchire devant la justice pour savoir s’il faut arrêter ses traitements au non. Les atermoiements de la justice ayant connu un dernier épisode quelques jours avant le scrutin, le jeune catholique militant menant la liste de Les Républicains y est allé de son couplet sur « il n’y a pas de vie indigne d’être vécue » ce qui, outre son opposition à l’avortement, est en accord avec ses convictions religieuses affichées et aurait détourné une partie de ses électeurs au dernier moment et expliquerait le score de 8,5% de ce parti.

C’est possible, comme le contraire est également probable. Le mieux serait de ne plus faire autant de battage sur les sondages mais d’analyser les programmes proposés aux électeurs. A moins que l’on ne lance un sondage auprès de ceux-ci avec la question :

« Voulez-vous continuer à voir l’argent public dépensé auprès d’officines de sondages qui délivrent depuis des années des prévisions erronées qui ne servent à pas grand-chose sinon à créer de l’émotion inutile, ou préférez-vous que cet argent et le temps perdu par tous sur ces sondages sans intérêt soient consacrés à plus d’analyse et d’intelligence ? »