La Turquie entre deux rives

La Turquie et son tonitruant président, membre actif de l’organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), est en train d’exécuter un contrat d’armement avec la Russie, prévoyant notamment la livraison de missiles anti-aériens supposés très sophistiqués qui doivent être opérés avec une assistance russe. Dans le même temps, les entreprises turques devaient participer au pool de fournisseurs du programme d’avion de combat américain F35. Les autres membres de l’Alliance, et plus particulièrement les Etats-Unis s’émeuvent de cette double allégeance et Washington vient de suspendre la participation turque au programme F35 craignant qu’elle ne facilité l’acquisition de données sur cet avion du futur par la Russie.

Au-delà de ces considérations tactiques et techniques bien compréhensible on voit une nouvelle fois les hésitations de la Turquie à se positionner : entre République et Empire, entre Europe et Asie, entre laïcité et religion, entre l’Est et l’Ouest, entre démocratie et dictature. Bref, à la différence de nombre de pays européens, elle n’a pas abdiqué de sa volonté de puissance et fait feu de tout bois pour tenter de revenir à un statut d’influence, empruntant toutes les voies qu’elle pense ouvertes pour ce faire. Cela se fait hélas au détriment de ses convictions et d’une ligne de politique étrangère claire.

Les alliés de la Turquie au sein de l’OTAN peuvent légitimement s’inquiéter de cette attitude girouette. En cas de conflit dur, quel camp choisirait Ankara ? On ne le sait pas vraiment, sans doute pas plus son tonitruant président d’ailleurs, et on frémit à l’idée que tout le matériel militaire de l’Alliance stationné en Turquie puisse être utilisé à mauvais escient. Sans doute des précautions ont été prises pour tenir compte de la fiabilité limitée de cet allié remuant. Entre la Pologne définitivement rebelle à tout rapprochement avec la Russie compte tenu de son histoire récente et la Turquie menant des alliances de circonstance avec Moscou, ennemi historique de l’OTAN, la voie est étroite pour gérer les intérêts contradictoires d’une alliance militaire. Pas sûr qu’elle n’y résiste, ou alors va-t-elle réduire son envergure comme l’Union européenne se séparant du Royaume-Uni, pour se concentrer sur ses vrais amis.